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Saisie du Falcon 7X de l’avion présidentiel du Congo : les dessous d’une vente aux enchères très attendue

Saisi en juin 2020 dans le cadre du litige qui l’oppose à la société Commisimpex, l’avion présidentiel congolais va être mis en vente le 3 octobre prochain à Bordeaux.

Chambre arbitrale internationale de Paris, tribunal judiciaire, cour d’appel, Cour de Cassation… Plus d’une décennie après avoir internationalisé le différend qui les oppose depuis les années 1980, la société Commisimpex de l’homme d’affaires libanais Mohsen Hojeij, et la République du Congo ont connu tous les prétoires, utilisé tous les recours à leur disposition.

Épisode sans doute le plus médiatique de cette interminable bataille, la saisie de l’avion présidentiel, un Falcon 7X, produit par Dassault Aviation, sur le tarmac de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac – où il se trouvait alors pour des travaux de maintenance et où il se trouve toujours – le 8 juin 2020.

Créance de 1,3 milliard d’euros
Cet avion, comme plusieurs biens immobiliers congolais saisis en France, doit permettre d’indemniser la société privée, qui poursuit la République du Congo depuis trois décennies après des travaux publics non payés. Une dette depuis gonflée par les intérêts et qui a dépassé 1,3 milliard d’euros au 30 novembre 2022, selon le cabinet du commissaire-priseur Vincent Pestel-Debord.

Car c’est cette société parisienne, basée dans le 9e arrondissement, qui présidera au sort de l’avion, dont la mise aux enchères est prévue le 3 octobre, à 16 heures, à l’hôtel Intercontinental de Bordeaux. Prix de départ : 7 millions d’euros – un montant revu à la baisse lors du tout dernier épisode judiciaire en date, un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux rendu le 29 juin.

L’État congolais, qui tentait encore de faire annuler l’ordonnance de mise en vente de l’aéronef, estimant que la présidence du Congo, propriétaire de l’avion, et l’État du Congo, débiteur de Commisimpex, sont deux personnalités juridiques distinctes, s’était vu débouté de sa demande. Le prix de vente aux enchères de l’aéronef avait néanmoins été réduit, passant de 15 millions à 7 millions d’euros.

500 000 euros de garantie avant d’enchérir
Pour un achat de cette ampleur, les candidats – qui peuvent visiter l’appareil en amont de la vente, les 26 et 28 septembre, entre 10 h et midi, à condition de se manifester quatre jours avant ces dates – doivent montrer patte blanche, notamment dans le cadre des textes relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Sont ainsi demandés les passeports des personnes physiques ou certificats d’enregistrement des personnes morales. Mais aussi le dépôt, au moins 24 heures avant la vente, d’une garantie de 500 000 euros, destinée à prouver leur solvabilité.

Les participants, qui pourront enchérir physiquement (via un intermédiaire accrédité), au téléphone ou en ligne, devront proposer un montant supérieur d’au moins 100 000 euros à la dernière somme lancée. L’appareil reviendra au plus offrant, après trois annonces du dernier prix sans enchérissement.

N’utiliser « en aucun cas » les armoiries du Congo
L’acheteur aura alors trois jours pour régler le solde de son achat et prendre possession du Falcon, se chargeant de l’ensemble des opérations, notamment administratives, relatives au changement de propriété. Car si l’appareil porte actuellement la livrée de la République du Congo, son nouvel acquéreur ne pourra « en aucun cas » conserver ses couleurs et armoiries, avertit la maison Pestel-Debord sur les documents présentant la vente.

L’acheteur devra en outre s’acquitter des frais de vente (11,9 % ou 14,28 % du montant de la vente, suivant s’il est assujetti ou non à la TVA), ainsi que des frais de gardiennage et travaux d’entretien facturés par la société Dassault Falcon Service depuis juin 2020, dont l’estimation frôle les 830 000 euros.

Immobilisé depuis trois ans, l’avion qui totalise près de 1 200 heures de vols sur 715 cycles depuis sa mise en service en 2014, a en effet été pris en charge par l’entreprise qui l’a produit, et qui a « continué de réaliser les opérations de préservation de la cellule et des moteurs, conformément aux prescriptions de la société Dassault Aviation », indique la maison Pestel-Debord, tout en précisant que le programme de maintenance : « Falcon Care » de Dassault Aviation est expiré depuis le 17 octobre 2022.

Malgré la vente aux enchères prévue dans quelques jours, des recours sont toujours pendants, dont deux pourvois en Cassation et deux tierces oppositions devant la cour d’appel de Paris ; la première formée par la présidence de la République du Congo et la seconde par le groupe Odzali et la société Berrebi, également créanciers du Congo.

À la genèse de l’affaire Commisimpex
De tribunal en tribunal et d’année en année, l’affaire Commisimpex est devenue célèbre en elle-même, et sa portée dépasse désormais de loin son périmètre initial. Au point que la nature des travaux réalisés par Commisimpex, et que Brazzaville a refusé de réceptionner et de payer, s’est quelque peu perdue dans l’histoire.

Il s’agit de marchés publics passés entre 1983 et 1987, et consistant en des travaux de réfection et d’assainissement de M’pila, de travaux anti-érosifs au camp militaire du 15-Août, de travaux d’assainissement, de confortage et d’aménagement du Camp du 15-Août, de réaménagement des palmeraies d’Etoumbi-Kunda, la construction de deux villages pour travailleurs à Mokeko et de travaux sur les ravins de Kinsoundi, M’pila et Makélékélé.

Le recouvrement de cette dette, estimée à l’époque à 900 millions d’euros et qui s’alourdit « d’environ 10 % par an », selon l’avocat de Commisimpex, Jacques-Alexandre Genêt, est aujourd’hui le seul objet de l’entreprise, liquidée par la justice congolaise en 2012.

Avec Jeune Afrique

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