Le gouvernement allemand a mis mercredi sur les rails son engagement à régulariser des dizaines de milliers de personnes immigrées bien intégrées dans le pays, mais sans permis de séjour durable jusqu’ici.
Promesse de la coalition d’Olaf Scholz, le projet de loi adopté en conseil des ministres est une réforme attendue par les organisations d’aide aux étrangers et le patronat confronté à un manque criant de main d’oeuvre.
Il s’agit de faciliter l’intégration des étrangers dits « tolérés », qui ne peuvent pas être expulsés mais n’ont dans leur grande majorité pas le droit de travailler.
Environ 130.000 immigrés vivant en Allemagne depuis au moins cinq ans sont concernés. Nombre de ces demandeurs d’asile déboutés ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d’origine soit parce qu’ils ne peuvent pas prouver leur nationalité, soit parce que leur pays d’origine ne souhaite pas qu’ils reviennent.
« Ces personnes, qui ont trouvé leur cadre de vie en Allemagne grâce à une longue durée de séjour, doivent se voir ouvrir une perspective (…) », explique le texte du ministère de l’Intérieur.
Un an d’essai
Elles pourront obtenir un permis de séjour d’un an, le temps de prouver notamment qu’elles peuvent se prendre en charge financièrement et disposent de connaissances suffisantes en allemand. A l’issue de cette période, elles pourront recevoir un titre de séjour définitif.
Le regroupement familial doit en outre être facilité, selon le projet gouvernemental qui devrait être soumis au parlement après l’été.
« Nous avons longtemps attendu un tel projet de loi (…) notamment parce qu’il offre une perspective à des personnes qui jusqu’ici vivaient sous la menace d’une expulsion éventuelle », se félicite Ulrich Schneider, qui conseille des réfugiés et migrants en matière d’emploi à l’organisation Caritas à Fribourg-en-Brisgau.
Parmi ces personnes « tolérées », dont un nombre certain est arrivé en 2015-2016 quand l’Allemagne a accueilli plus d’un million de demandeurs d’asile, figurent des Afghans.
L’Allemagne ne procède plus à des expulsions vers l’Afghanistan depuis le retour des talibans au pouvoir mais accorde peu le statut de réfugiés à ses ressortissants.
« Les Afghans se retrouvent sur une sorte de liste d’attente », déplore M. Schneider, et doivent renouveler tous les trois mois leur autorisation de rester sur le territoire. Ils ont en outre difficilement accès à un logement.
Au moment où le déficit de main d’oeuvre pénalise tous les secteurs, de l’industrie aux services, le ministre de l’Economie Robert Habeck s’est félicité mercredi de cette « politique pragmatique et intelligente ».
Ne pas donner une perspective d’avenir à ces personnes « c’est pour ainsi dire commettre un péché contre le potentiel économique de notre pays », a-t-il argué.
Expulsions
La réforme prévoit aussi un accès simplifié des demandeurs d’asile aux cours d’intégration et de langue professionnelle. Quant aux réfugiés ayant terminé leur formation médicale mais dont la qualification professionnelle n’est pas encore reconnue en Allemagne, ils pourront plus facilement prodiguer des soins médicaux à d’autres personnes en quête de protection, par exemple dans les foyers pour demandeurs d’asile.
Une autre partie du projet de loi traite des expulsions, qui doivent être facilitées.
Plusieurs associations ont jugé la réforme insuffisante.
« L’objectif est bon et juste (…), a réagi auprès de la chaîne de télévision publique ARD Joshua Hofert, un membre du comité directeur de « Terre des hommes ». Mais « le changement de paradigme annoncé par la coalition n’est pas encore en vue », a-t-il déploré.
Le patronat réclame également d’autres assouplissements pour remédier aux pénuries de travailleurs, l’une des principales menaces pour la première économie européenne.
L’Allemagne, pays vieillissant et en situation de quasi plein emploi, aurait besoin dans les années à venir de 400.000 à 500.000 immigrés par an pour couvrir ses besoins, selon l’Institut fédéral de recherche sur le travail et l’emploi (IAB).
« Nous ne pourrons maintenir notre prospérité que si nous pouvons garantir à l’avenir le nombre élevé de salariés que nous avons aujourd’hui », a déclaré mercredi Olag Scholz devant les députés.
Pour cela, l’immigration est nécessaire, a-t-il expliqué, annonçant de nouvelles mesures pour l’automne et notamment une loi visant à faciliter l’entrée de personnels qualifiés étrangers, même s’ils n’ont pas encore d’emploi fixe dans le pays.
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