Un rapport de l’Organisation internationale du travail, rendu public ce vendredi matin, révèle que 50 ouvriers sont morts accidentellement au Qatar en 2020. Cinq cents autres ont été gravement blessés.
Depuis que le Guardian, en 2013, a annoncé que les chantiers de la Coupe du monde 2022 au Qatar avaient provoqué en dix ans la mort de 6 500 ouvriers venus d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh ou du Sri Lanka, le sujet est ultrasensible. Et avec lui, celui des conditions de travail dans l’Émirat gazier.
Les autorités qataries ont, de manière virulente, réfuté l’utilisation faite de ces chiffres par le média anglais. Elles démentent que tous les décès soient directement imputables aux travaux pour la Coupe du monde. Et ne reconnaissent que trois morts dans les accidents du travail depuis 2014 et le début de la construction des stades et 35 « connexes ».
Alors qu’elle évoque une « erreur d’interprétation » pour le bilan du Guardian, l’Organisation internationale du travail (OIT), une agence de l’ONU qui possède une antenne à Doha, regrettait de ne pas avoir les données précises des dernières années pour pouvoir argumenter davantage. « Mais nous les avons depuis 2020 » , nous avait dit l’OIT en octobre. C’est sur ces bases-là que l’organisation s’est appuyée pour son rapport, rendu public ce vendredi matin.
Des travailleurs migrants du Bangladesh, de l’Inde et du Népal
« Une analyse approfondie du nombre de décès et blessures liés au travail au Qatar, réalisée par l’Organisation internationale du Travail, a montré que 50 travailleurs ont perdu la vie en 2020, un peu plus de 500 ont été gravement blessés, et 37 600 ont subi des blessures légères à modérées, dans le cadre de leur travail, est-il détaillé. La plupart des victimes sont des travailleurs migrants du Bangladesh, de l’Inde et du Népal, principalement dans le secteur de la construction. Les chutes de hauteur et les accidents de la route sont les principales causes de blessures graves, suivies des chutes d’objets sur les chantiers. »
L’OIT précise que « la publication du rapport fait suite aux appels croissants en faveur d’une plus grande transparence et prise de responsabilité concernant les décès liés au travail au Qatar, en particulier ceux liés aux projets d’infrastructure de la Coupe du monde ». Notamment la construction de sept stades et la rénovation d’un huitième.
Dans un communiqué, Rafael Consunji, directeur du programme de prévention des blessures du Hamad Trauma Center, se félicite d’un tableau « le plus complet et le plus précis des accidents du travail au Qatar à ce jour ». L’OIT, identifiant des lacunes dans la collecte des données, regrette, elle, être dans l’impossibilité de « présenter un chiffre catégorique sur le nombre d’accidents du travail mortels dans le pays ».
Il faut, pour cela, améliorer « la qualité et la précision de la collecte des données, et des efforts accrus pour enquêter sur les blessures et les décès potentiellement liés au travail mais qui ne sont pas catégorisés comme tels ». Il s’agit là des morts naturelles, ou par arrêt cardiaque notamment.
280 000 ont bénéficié d’un nouveau salaire minimum
Voilà quelques jours, un rapport d’Amnesty international pointait « la réalité quotidienne très éprouvante » des travailleurs migrants, ajoutant que le Qatar « n’a pas respecté l’abolition du système de parrainage ni leur protection ».
Interrogée à ce sujet, l’organisation du travail répond : « Nous avons vu de réels progrès depuis trois ans, même si chacun reconnaît qu’il y a encore du travail. Plus de 240 000 travailleurs ont pu changer de jobs, plus de 280 000 ont bénéficié d’un nouveau salaire minimum.
Ces changements se sont produits à un rythme impressionnant, ce qui a entraîné des réactions et une résistance de la part de certains milieux. Nous continuons à travailler avec le gouvernement et les partenaires sociaux pour mettre en place les nouvelles institutions qui appliqueront et feront respecter ces réformes. »
Le Qatar a, de son côté, rejeté les conclusions du rapport d’Amnesty International. « Le Qatar n’a jamais hésité à reconnaître que son système de travail est toujours en cours d’élaboration, ont ainsi répondu les autorités. Le gouvernement s’est engagé à collaborer de manière constructive avec les partenaires internationaux et à écouter les critiques. La réalité est qu’aucun autre pays n’est allé aussi loin en si peu de temps.
Suivant l’exemple du Qatar, et comme un signe de l’impact plus large du programme, d’autres pays de la région ont maintenant pris des mesures pour introduire leurs propres réformes du travail. Malgré les critiques d’Amnesty, le Qatar continuera de travailler de manière constructive avec toute une série d’experts afin de progresser. »
Le Qatar s’apprête à célébrer dimanche les un an du début de sa Coupe du monde qui se tiendra, dans 8 stades, du 21 novembre au 18 décembre 2022. La France, tenante du titre, le Brésil, l’Argentine, l’Allemagne, la Belgique, la Croatie, l’Espagne, la Suisse, les Pays-Bas, la Serbie, le Danemark et l’Angleterre sont déjà qualifiés.
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