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Pathé’O, le tailleur de quartier devenu couturier des chefs d’Etat africains

Nelson Mandela a porté ses chemises: petit tailleur de quartier autodidacte à ses débuts, l’Ivoiro-Burkinabè Pathé’O est devenu le couturier des chefs d’Etat africains et fête le cinquantenaire de sa marque, menant le « combat » pour faire reconnaître la mode sur le continent.

« Il y a 50 ans, je n’imaginais pas en arriver là. C’est extraordinaire ! », déclarait il y a quelques jours Pathé Ouedraogo (son nom à l’état-civil) lors d’une conférence de presse dans un grand hôtel d’Abidjan.

Haute silhouette longiligne, visage de vieux sage, toujours vêtu des fameuses chemises aux riches teintes colorées qui ont fait sa réputation, l’homme de 70 ans est resté humble malgré une reconnaissance internationale qui l’a amené à collaborer avec la renommée maison de couture française Dior en 2019.

Né en 1950, à l’époque de la colonisation française, en Haute-Volta, qui deviendra le Burkina Faso, Pathé’O émigre à 19 ans en Côte d’Ivoire, alors en plein « miracle » économique, avec pour tout bagage « la bénédiction de ses parents », comme le raconte sa biographie « De fil en aiguille », à paraître en juin.

Comme beaucoup de ses compatriotes, il cherche d’abord à travailler dans les plantations de cacao: il est refoulé car de constitution trop frêle. Il rejoint alors Abidjan, où il s’improvise tailleur dans un petit atelier loué pour quelques francs à Treichville, le coeur populaire de la capitale ivoirienne.

Il se forme sur le tas et construit patiemment son succès. En 1987, il remporte un important concours local, les « Ciseaux d’Or », ce qui le fait connaître. Dix ans plus tard, le président sud-africain Nelson Mandela porte l’une de ses chemises lors d’une visite officielle en France.

Savoir-faire unique
La publicité apportée par l’icône anti-apartheid est extraordinaire. Dans les jours suivants, ses boutiques sont dévalisées par les clients qui affluent. Le roi du Maroc Mohamed VI, le président du Rwanda Paul Kagame, le milliardaire nigérian Aliko Dangote – l’homme le plus riche d’Afrique -, entre beaucoup d’autres personnalités et stars du show-biz, figurent aujourd’hui parmi ses clients.

Success story de la mode africaine, la Maison Pathé’O compte des boutiques dans une dizaine de pays africains et emploie une soixantaine de personnes.

Entrepreneur accompli, marié et père de trois enfants, Pathé’O, continue de se rendre tous les jours dans ses ateliers de Treichville, où une équipe de l’AFP l’a rencontré.

Des dizaines d’ouvriers – tailleurs, couturiers, repasseurs – s’y activent serrés dans trois grandes pièces aux allures de fourmilière, à peine rafraîchies par des ventilateurs au plafond. Tous les vêtements sont fabriqués entièrement à la main, avec des vieilles machines à coudre Singer en fonte.

Pathé’O contrôle le travail, reprend lui-même une coupe.

C’est « un homme simple, toujours disponible, qui prend du temps pour écouter et expliquer », raconte son chef d’atelier, Léon Ouedraogo, qui travaille avec lui depuis 40 ans.

« Dans ce métier il faut savoir tout faire », confirme le couturier, intarissable sur ses fameux tissus de coton aux motifs complexes, teints dans un autre atelier du même quartier, qu’il montre avec amour.

Le savoir-faire de la maison est unique: il y a la teinture « mouchetée », la « mouchetée imprimée », la « salade », la teinture « nuage », les tissages en « Faso Danfani » (un tissu du Burkina Faso)…

Changer l’image de la mode
« Il faut créer tous les jours, surprendre les clients, tout le monde veut des nouveautés », confie Pathé’O qui dit s’inspirer de la rue, des femmes qui vont au marché parées de vêtements et de foulards multicolores.

« Il a apporté la fierté de porter les tissus africains », explique le créateur ivoirien en vogue Gilles Touré, qui considère Pathé’O comme son « mentor » et celui qui lui a donné la chance d’embrasser le métier de styliste.

Le succès commercial, les honneurs, Pathé’O entend les mettre au service de son « combat »: changer l’image de la mode en Afrique, la faire reconnaître comme un secteur économique à part entière et un instrument pour le développement.

« Dans l’esprit de beaucoup de gens ici, tailleur c’est un métier pour ceux qui ne sont pas allés à l’école, un métier de raté », dit-il en souriant. « Or la mode africaine, les tissus africains intéressent le monde entier ! Et il y a abondance de créateurs, de talents. Nous devons passer de l’artisanat à l’industrie, produire plus, pour faire avancer l’Afrique ».

La maison Pathé’O vient d’inaugurer son nouveau siège social, un bâtiment moderne et vaste dans le quartier huppé de Cocody, qui abritera aussi la fondation éponyme, dont l’objectif est de « faire émerger une nouvelle génération de créateurs africains ».

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