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Tollé à la COP28 contre le premier compromis proposé par son président émirati

Tollé à la COP28 contre le premier compromis proposé par son président émirati

Le président émirati de la 28e conférence de l’ONU sur le climat a proposé lundi un projet d’accord qui laisse toute latitude aux pays pour choisir leur manière de réduire la pollution des énergies fossiles, sans objectif commun de sortie du pétrole, du gaz et du charbon, suscitant la réprobation de nombreux pays.

« La République des Iles Marshall n’est pas venue ici pour signer son arrêt de mort », a tonné son ministre des Ressources naturelles et chef de délégation, John Silk.

L’Union européenne juge le texte « insuffisant », les Etats-Unis appellent à « substantiellement » le renforcer et les petites îles rongées par la montée des océans demandent son rejet. ONG et experts dénoncent un projet énumérant trop d’options non contraignantes, sans explicitement privilégier la fin des énergies fossiles.

« Il y a des éléments qui ne sont pas acceptables en l’état », a déclaré à Dubaï la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

« Je suis surpris par le manque d’ambition », confie un négociateur occidental, jugeant le texte « sans inspiration du début à la fin, mal conçu, répétitif, incohérent… »

Mais, comme l’a indiqué une source à la présidence émiratie de la COP28, cela fait partie du jeu normal des négociations: « C’est un mouvement d’ouverture, il va falloir construire à partir de cela ».

L’Emirati Sultan Al Jaber réunit dans la soirée, à huis clos, les chefs des délégations des 194 pays et de l’UE signataires de l’accord de Paris. A leur arrivée, ils ont dû marcher entre deux rangées de jeunes militants silencieux, les mains en l’air.

« Nous avons fait des progrès mais nous avons encore beaucoup à faire », a admis le patron de la compagnie pétrolière émiratie, qui cherche depuis plusieurs jours le point d’équilibre entre l’Arabie saoudite et ses alliés d’une part, et la centaine de pays d’autre part qui souhaitent un appel direct à la sortie des énergies fossiles, dont la combustion depuis le 19e siècle a réchauffé la planète de 1,2°C, et conduit à ce que 2023 soit l’année la plus chaude jamais mesurée.

Personne ne part dormir pour l’instant, la fin prévue de la COP28 étant mardi. « Une longue nuit de négociations est en vue », confie une source au sein de la présidence espagnole du Conseil de l’UE.

Ce que dit le projet
Que dit ce texte de 21 pages? Dans le paragraphe le plus scruté, il y est reconnu la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre et on y appelle les parties à prendre des actions qui « pourraient » inclure plusieurs éléments. C’est ce conditionnel qui affaiblit à lui seul tout ce qui suit.

Il y a certes l’appel à la « réduction à la fois de la consommation et de la production des énergies fossiles d’une manière juste, ordonnée et équitable, de façon à atteindre zéro net (neutralité carbone, NDLR) d’ici, avant ou autour de 2050, comme préconisé par la science ».

Mais le texte ne mentionne plus le mot de « sortie » des énergies fossiles. Et il inclut désormais toutes sortes de voeux du camp des pays producteurs ou exportateurs de pétrole telle l’Arabie saoudite, comme les technologies balbutiantes de captage et de stockage du carbone, exigées par pour continuer à pomper des hydrocarbures.

Une « liste de shopping », ont ironisé des experts.

Sur le charbon, le texte appelle à « réduire rapidement le charbon sans captage de carbone » mais aussi à des « limites sur les permis accordés pour de nouvelles centrales » sans captage de CO2, ce qui constitue en fait un recul par rapport à la COP de Glasgow il y a deux ans, où aucun blanc seing n’avait été accordé pour de nouvelles centrales.

Il est aussi question de technologies « à basses émissions », dont le nucléaire et l’hydrogène « bas carbone », « afin d’améliorer les efforts pour remplacer les énergies fossiles sans captage ».

Cette formulation fait écho à la déclaration commune signée en novembre par la Chine et les Etats-Unis: les deux premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (41% à eux deux) évitaient de parler de « sortie » des énergies fossiles mais soulignaient le rôle des énergies renouvelables (solaire, éolien, etc.) pour les compenser progressivement.

Prolongations ?
« Une liste d’actions cruciales est devenue un menu dans lequel piocher », a déclaré Dave Jones, du centre d’experts sur l’énergie Ember.

« C’est un buffet, à la carte », a ironisé dans la même veine Alden Meyer, du groupe de réflexion E3G. « Nous sommes dans une grosse crise: les prochains jours diront si nous avons un régime climatique international viable ou pas ».

« La COP28 est maintenant au bord de l’échec total », est allé jusqu’à écrire sur X Al Gore, ancien vice-président américain et militant du climat.

Au vu de l’écart qui reste à combler, l’objectif fixé par Sultan Al Jaber de terminer la COP28 mardi à 11H00 (07H00 GMT) semble désormais aux yeux de nombreux participants intenable.

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