L’exécutif a essuyé lundi un revers majeur avec le rejet surprise à l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’immigration, une déroute personnelle pour le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et une défaite politique pour Emmanuel Macron.
270 députés ont voté pour la motion de rejet des écologistes, 265 votant contre. Les groupes LR et RN, qui avaient maintenu ces derniers jours le suspense sur leur vote, ont dévoilé dans l’hémicycle seulement leur intention d’approuver la motion.
Les députés ont ainsi recouru à un dispositif parlementaire, la motion de rejet préalable, qui permet d’écarter un texte avant même le débat sur le fond qui devait commencer lundi.
L’exécutif peut choisir désormais de laisser le texte poursuivre son parcours législatif au Sénat, pour une deuxième lecture, ou en commission mixte paritaire, ou décider de l’abandonner.
Mais les conséquences politiques que le président Emmanuel Macron et son gouvernement tireront de cette défaite sont difficiles à évaluer et à prédire.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui s’était fait fort de réussir à trouver une majorité sur ce texte, malgré les multiples avertissements de LR, n’a finalement pas réussi son pari.
Les Insoumis ont applaudi à tout rompre ce vote en sortant de l’hémicycle. « Le texte est rejeté. Mais c’est surtout la macronie qui a fini par exaspérer toutes les oppositions. L’arrogant Darmanin a braqué tout le monde. Le début de la fin est commencé », a commenté sur X leur chef de file Jean-Luc Mélenchon.
« Nous avons protégé les Français d’un appel d’air migratoire », a estimé pour le RN Marine Le Pen, évoquant devant la presse à l’Assemblée un « désaveu extrêmement puissant pour le gouvernement ».
Le président de LR Eric Ciotti, qui n’a cessé ces derniers mois de faire monter la pression sur ce projet de loi, a défendu la « cohérence » d’un vote destiné non pas à « interrompre les débats » mais faire en sorte qu’ils « se poursuivent sur une base beaucoup plus crédible », en reprenant la version élaborée par les sénateurs en première lecture.
Parmi les 53 LR présents dans l’hémicycle, 11 se sont abstenus et deux ont voté pour, signe de la relative cohésion des 62 députés du groupe autour de son président Olivier Marleix. Dix-sept députés avaient signé il y a quelques semaines une tribune où ils disaient leur volonté d’être « constructifs » vis-à-vis du gouvernement, ce qui pouvait laisser présager d’une plus grande dispersion de leurs votes.
Darmanin « désavoué »
Le chef des socialistes Olivier Faure a estimé que Gérald Darmanin était « désavoué » et devait en « tirer les conclusions ».
Les débats avaient ouvert à 16H00 sur ce texte en gestation depuis un an, qui vise notamment à faciliter les expulsions des étrangers jugés dangereux d’un côté, et à permettre la régularisation de travailleurs sans-papiers dans certains métiers en tension.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est apparu sur la défensive dans son propos introductif.
« Qui a peur du débat ? Ceux qui vont, dans une alliance contre-nature, se mettre d’accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer ? », a-t-il demandé dans l’hémicycle.
Aujourd’hui, « refuser le débat », c’est « refuser de débattre des sujets qui intéressent les Français », a-t-il affirmé en appelant les parlementaires, notamment ceux de LR, à la « responsabilité ».
« Bien sûr, ce texte mérite d’être amélioré et la main du gouvernement est tendue dans l’intérêt général de tous les Français », avait poursuivi le ministre, listant les sujets sur lesquels l’exécutif était prêt à bouger: rétablissement du délit de séjour irrégulier, débat obligatoire chaque année au Parlement sur les objectifs du gouvernement en matière migratoire, encadrement des régularisations.
M. Darmanin a également annoncé avoir écrit aux présidents de groupes de l’Assemblée et du Sénat pour pouvoir s’engager « dès le début de l’année 2024 » sur la voie d’une réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME) qui couvre les frais de santé des étrangers sans papiers, une demande récurrente de la droite.
Ces propos n’ont pas suffi à convaincre les oppositions de laisser les débats se poursuivre.
Dans son discours, le député du groupe écologiste Benjamain Lucas avait pris soin de souligner être conscient que le vote par LR et le RN de la motion de rejet préalable ne signifierait pas « adhésion à (son) propos » et qu’il ne serait pas « instrumentalisé comme tel ».
Il s’en était pris avec virulence aux procédés « démagogiques et fallacieux » d’un ministre qui s’est livré à un « vaste marchandage » pour tenter de débaucher les voix qui manquaient au gouvernement, et avait pointé plus globalement l' »erreur politique » consistant à croire qu’on pouvait « effacer deux siècles » de clivage droite-gauche et « bâtir un nouveau monde » en agrégeant des « renégats ».
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