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Joël Soudron, narco-caïd atypique, devient le fugitif le plus recherché de France

Condamné pour un vaste trafic de cocaïne entre les Caraïbes et la France, cet insaisissable Guadeloupéen de 42 ans est depuis ce matin au cœur de la campagne «Most wanted» d’Europol.

Ils sont tueurs en série, tortionnaires, prédateurs sexuels, trafiquants d’êtres humains ou encore de drogue. Tous ont la particularité de s’être volatilisés quelque part sur la surface du globe depuis un long moment, narguant toutes les polices lancées à leurs trousses.

Pour retrouver et capturer ces criminels en cavale considérés comme les plus venimeux, l’agence Europol lance ce matin un nouveau volet de sa campagne « most wanted ».

Comme chaque année, les 22 pays membres de l’Union européenne ont sélectionné une « tête d’affiche ». En France, la Brigade nationale de la recherche des fugitifs (BNRF) a décidé de mettre les feux sur le dénommé Joël Soudron, un personnage pour le moins atypique dans le gotha des narcotrafiquants internationaux.

Loin de la caricature du malfrat « beau comme un soleil » flambant sur la Costa del Sol ou du charismatique « parrain » inspirant la terreur, ce Guadeloupéen, né en septembre 1979, a longtemps été un parfait inconnu des services de police. Un vrai fantôme n’apparaissant dans aucun fichier.

Montagne de poudre blanche, bénéfices pharaoniques
De manière atypique dans le milieu, il a fallu attendre une affaire, vieille de dix ans, pour que Joël Soudron devienne une « cible » des enquêteurs chargés de lutter contre le crime organisé.

Les origines de sa traque se nouent en 2011, quand les douaniers découvrent 231 kilos de cocaïne dans le port du Havre. L’Office des « Stups » de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), qui se voit confier le soin de mener les investigations, oriente ses soupçons vers les Caraïbes et sur une société expéditrice basée en Guadeloupe.

Bingo ! Là, dans un entrepôt, les agents saisissent 272 kilos de cocaïne et 280 000 euros en espèces, correspondant à une transaction. Déroulant ce qu’un policier a appelé une « enquête longue et épaisse » de part et d’autre de l’Atlantique, ils mettent au jour un réseau à l’origine de plus d’une trentaine d’envois entre 2005 et 2011. Soit, en théorie, une montagne de poudre blanche et des bénéfices pharaoniques pour les trafiquants. Ces derniers sont identifiés un à un par les « Stups » qui remontent, à leur grande surprise, sur un « cerveau » inconnu au bataillon.

Des dizaines de fausses identités
« En général, les caïds qui se sont hissés à la tête des réseaux sont connus et les policiers ont suivi leur ascension échelon par échelon dans le milieu », souffle-t-on à la DCPJ. Prospérant sous les écrans radars avec une discrétion qualifiée par les limiers de la BNRF comme « peu coutumière », Joël Soudron jonglait avec des dizaines de fausses identités pour naviguer à sa guise entre les Antilles françaises, néerlandaises, anglophones ainsi qu’à travers l’Afrique subsaharienne où il avait développé son business. La photo de ce quadra au regard morne et au crâne chauve accompagne le mandat d’arrêt international qui le vise.

Condamné à six ans d’emprisonnement par défaut, Soudron est interpellé au Mali en 2016. Extradé vers la France, il purge sa peine et, sur décision d’un juge, bénéficie d’une permission de sortie assez surprenante le 6 septembre 2018.

Depuis lors, le fugitif a disparu et reste introuvable. « Sa surface financière est hors du commun », assure un policier qui précise que ce criminel reconverti dans le business dispose de participations dans « plusieurs dizaines de sociétés en Afrique francophone ». Le pactole mis à sa disposition lui permettrait notamment de voyager dans des pays assez peu regardants sur l’origine des expatriés établis sur leur sol, de s’offrir une identité d’emprunt et de vivre dans un certain confort et sous « couverture », quitte à changer de logement au besoin.

La longévité de sa cavale dépend aussi de ce qu’un policier appelle ses « réflexes de vie » adoptés pour garantir l’étanchéité entre son passé de « narco-caïd » et son nouveau statut social qui lui permet de côtoyer tout un entourage personnel et professionnel n’ayant pas la moindre idée de sa sulfureuse trajectoire.

Des trajectoires disséquées avec méthode
La diffusion de sa photo dans le cadre d’un appel à témoin à grande échelle pourrait bien faire tomber le masque. En janvier dernier, le « most wanted » de l’année 2020, François di Pasquali, 48 ans, avait été capturé après cinq ans de traque dans la banlieue de Barcelone en Espagne. Ciblé depuis l’automne dernier, cet ancien gérant de restaurant italien condamné pour le viol d’une octogénaire avait été localisé sur la base d’informations de la Brigade des fugitifs.

Composées de policiers chevronnés et intégrée à l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), cette unité est spécialisée dans la traque des évadés, des condamnés par défaut ainsi que de tous les braqueurs, trafiquants et assassins en cavale. Travaillant sur l’entourage de leurs cibles, dont les trajectoires sont disséquées avec méthode, ces marshals à la française procèdent à quarante ou cinquante interpellations en moyenne par an.

Outre Di Pasquali, ils ont notamment permis la capture en octobre dernier, sur une île située au large de la Colombie, un narcotrafiquant marseillais de 34 ans, soupçonné d’être impliqué dans un sanglant règlement de comptes perpétré au fusil d’assaut en mars 2019 à Marseille.

Plus récemment, ils ont repris à Angoulême un prisonnier qui avait profité d’une sortie à l’hôpital pour s’évader à Carcassonne début novembre. Depuis sa création en 2006, la Brigade affiche déjà un sérieux tableau de chasse où se croisent Jean-Louis Treiber, soupçonné de l’assassinat de Géraldine Giraud et Katia Lherbier, le braqueur multirécidiviste Redoine Faïd, évadé de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord) ou encore l’ex activiste d’extrême gauche, Cesare Battisti.

Au sein de la PJ, des «chasseurs» d’un genre particulier ont la réputation de ne jamais lâcher les proies qu’ils convoitent. Joël Soudron, nouvel « objectif prioritaire », est plus que jamais dans le viseur.

Par Christophe Cornevin

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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