Le président ultralibéral argentin Javier Milei a annoncé mercredi une dérégulation massive de la troisième économie d’Amérique latine et signé un décret destiné à modifier ou abroger plus de 300 normes dont celles sur les loyers, les privatisations et le droit du travail.
« L’objectif est d’entamer le chemin vers la reconstruction du pays, rendre la liberté et l’autonomie aux individus et commencer à désarmer l’énorme quantité de régulations qui ont retenu, entravé et empêché la croissance économique dans notre pays », a déclaré M. Milei dans une allocution diffusée à la radio et à la télévision.
Le décret doit toutefois encore passer par le Parlement, où le parti de M. Milei est minoritaire.
Parmi les mesures annoncées figurent l’abrogation de la loi encadrant les loyers « pour que le marché immobilier recommence à fonctionner sans problème », a expliqué le président, élu en novembre et qui a pris ses fonctions le 10 décembre.
Doivent également être abrogées les lois empêchant la privatisation d’entreprises publiques comme la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas ou le groupe pétrolier YPF. Les sociétés publiques seront toutes transformées en sociétés anonymes en vue de leur privatisation, a affirmé Javier Milei.
Le chef de l’Etat a aussi annoncé une « modernisation du droit du travail » pour créer plus d’emplois, la modification de la loi sur les sociétés pour que les clubs de football puissent se transformer en sociétés anonymes, et une longue série d’autres mesures de dérégulation dans les secteurs du tourisme, de la santé, d’internet, du transport aérien, de la pharmacie, de la viticulture ou encore du commerce.
Le décret a été publié à minuit au journal officiel. Il devra être examiné dans les dix jours par une commission mixte composée de députés et de sénateurs, mais ne sera invalidé que s’il est rejeté par les deux chambres du Parlement, a expliqué à l’AFP l’avocat constitutionnaliste Emiliano Vitaliani.
Le parti d’extrême droite de M. Milei, La Libertad Avanza, ne compte que 40 sièges sur 257 à la Chambre basse et seulement sept sièges au Sénat sur 72. Il devra donc chercher des soutiens auprès de la coalition de centre-droit Juntos por el Cambio, partiellement alliée avec M. Milei et qui compte 81 députés et 24 sénateurs, et auprès des 26 députés et huit sénateurs indépendants. L’opposition péroniste, elle, compte 105 députés et 33 sénateurs, et la gauche cinq députés.
Première manifestation
« Ce message n’est pas surprenant car il n’y a rien que Milei n’ait pas dit qu’il allait faire pendant la campagne. Mais il est surprenant que la mesure ait été prise de cette manière, avec un décret d’urgence », a commenté auprès de l’AFP la politologue Lara Goyburu.
Javier Milei avait annoncé le 12 décembre une première série de mesures, notamment une dévaluation choc de plus de 50% du peso et la réduction des subventions aux transports et à l’énergie.
Cet économiste de 53 ans a été élu sur un programme de « tronçonnage » de l’Etat, de dégagisme de la « caste politique » et de thérapie de choc pour redresser le pays où l’inflation dépasse les 160% sur un an et qui compte plus de 40% de pauvres.
M. Milei souhaite ramener les dépenses publiques à 5% du Produit intérieur brut (PIB). L’Argentine a été impliquée dans « une série de crises au cours des cent dernières années qui ont toutes la même origine: le déficit budgétaire », a-t-il justifié dans son discours.
L’allocution présidentielle a été accueillie par un concert de casseroles de protestation dans plusieurs quartiers de Buenos Aires, et des milliers de personnes sont spontanément descendues dans la rue près du Parlement pour exprimer leur rejet.
Quelques heures avant l’allocution présidentielle, des milliers de manifestants avaient déjà défilé dans la capitale à l’appel des organisations de gauche Polo Obrero et Movimiento Socialista. Il s’agissait de la première manifestation contre M. Milei depuis son arrivée au pouvoir.
« Il y a un ajustement brutal, il faut s’organiser et sortir pour résister », a déclaré à l’AFP Ezequiel Pretti, un employé de 34 ans, disant vouloir aussi « défendre les libertés démocratiques, la liberté de manifester ».
L’ampleur du dispositif policier, supervisé par le président et sa ministre de la Sécurité Patricia Bullrich depuis le siège de la police fédérale, a été critiqué par les organisateurs. « Ca me rappelle la dictature », a commenté Eduardo Belliboni, dirigeant de Polo Obrero.
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