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Gana Gueye, une affaire d’état en gestation

Le refus de notre compatriote Idrissa Gana Gueye, sociétaire du club francilien, le Paris Saint-Germain, de porter le samedi 13 mai dernier, à l’occasion d’une rencontre de l’avant dernière journée de championnat de Ligue 1 contre le Montpellier Héraut Sport club, le maillot de son club, à l’instar de tous les autres de ladite Ligue, floqué des couleurs arc-en-ciel pour marquer la journée contre l’homophobie, continue d’alimenter les discussions dans les salons et grand ’places.

Du côté de la France de plus en plus xénophobe et très peu respectueuse des convictions religieuses des autres, c’est un lynchage en règle qui a été orchestré contre l’international sénégalais dont le seul tort est de vouloir jouer au football en s’adossant à ses valeurs morales et principes intrinsèques. Ce lynchage est dirigé le président français Emmanuel Macron.

La riposte au Sénégal ne s’est pas seulement faite au niveau des réseaux sociaux. Mais les politiques en premier le président Macky Sall ont tenu à apporter leur soutien à Idrissa Gana Guèye. L’affaire prend des proportions d’une affaire d’Etat

Pourtant, le cas de notre compatriote qui soulève un tollé, comme c’est toujours le cas en hexagone quand la pensée unique et unidirectionnelle n’est pas suivie, est loin d’être isolé. En France et dans d’autres pays européens, il est déjà arrivé, avec des fortunes diverses, que des athlètes ne se plient pas au diktat des autorités du sport. En effet, depuis 1995, le grand Chelem, Wimbledon, impose aux joueurs de tennis de se conformer à l’esprit du tournoi commencé en 1877 et d’être exclusivement en blanc.

En 1985, l’Américaine Anne White a été contrainte de retourner au vestiaire pour changer sa combinaison intégrale en lycra. Le célèbre André Agassi a refusé pendant longtemps de se plier au «all-white dress code» avant de revenir sur sa décision et de revoir sa tenue. Au plus fort de la pandémie de Covid-19, certains basketteurs de NBA refusaient également de se plier aux règles de vaccination établies pour participer au plus prestigieux championnat de basket-ball du monde.

Des joueurs comme l’ailier d’Orlando, Jonathan Isaac, soutenaient que «Dieu nous appelle à être sage et à nous fier à nos propres convictions sur ce que nous voulons faire, et c’est ce que je pense du vaccin. Chacun devrait être libre de faire son propre choix».

Kylian Mbappé défie la FFF
Tout récemment, le 22 mars 2022 plus exactement, la nouvelle coqueluche du football français, Kylian Mbappé, sélectionné par Didier Deschamps pour affronter la Côte d’Ivoire (25 mars) et l’Afrique du Sud (29 mars), avait refusé de participer aux opérations marketing de la Fédération française de football, refusant que son nom soit associé à certaines marques.

Des marques et entreprises qui pourtant ont noué un partenariat avec l’équipe de France de football. Et pour les internationaux, c’est une obligation de se plier à ces opérations commerciales. Mais la nouvelle star planétaire, d’origine africaine – son père est Camerounais et sa mère Algérienne – qui avait gouté peu au manque de soutien de ses pairs et des instances françaises de football après son penalty manqué et l’élimination de l’équipe de France contre la Suisse lors de l’Euro 2021, s’est ainsi rebellé quand son avocate, Delphine Verheyden, n’a pas obtenu de la FFF, au mois de septembre, des précisions sur les sponsors de la fédération française.

Cerise sur le gâteau, le joueur phare de l’équipe nationale française avait annulé un rendez-vous avec Noël Le Graët, le patron du football français qui, à travers des sorties médiatiques, mettait la pression sur la star parisienne. Toujours en désaccord avec la FFF, il n’a été jusqu’ici pas question de sanction pécuniaire encore moins disciplinaire. Tout au plus, le président Noël Le Graët avait adressé un courrier au clan Mbappé avec la volonté de trouver une solution sur la question des droits d’image en équipe de France. Aujourd’hui, il est de bon ton de mettre la pression sur l’institution qatariote du PSG pour sévir à l’endroit de Gana Guèye.

Wilfried Zaha se tint droit
Après une longue pause forcée en raison de la pandémie de Covid-19, la Premier League, le championnat d’élite anglais, reprend ses droits en 2020 dans un contexte marqué par l’assassinat de George Floyd, un père de famille noir américain, étouffé par le genou d’un policier de Minneapolis, le monstrueux Derek Chauvin. Après l’hommage rendu aux personnels soignants du pays, les joueurs des équipes d’Aston Villa et de Sheffield United, ainsi que l’arbitre de la rencontre, posent un genou à terre en référence au mouvement «Black Lives Matter», lancé en 2016 par Colin Kaerpernick, joueur de football américain pour protester contre les violences policières faites aux Noirs aux EtatsUnis.

Dans un communiqué commun, les deux clubs annoncent leur fierté de se montrer solidaires, par l’action des joueurs et des staffs des deux équipes, au mouvement «Black Lives Matter». Il est même décidé, au cours des prochaines journées de championnat, que le dos des maillots de tous les clubs de Premier League soit floqué de ce cri de guerre, «Black Lives Matter». Une décision qui ne fait cependant pas l’unanimité. Le 13 mars 2021, Wilfried Zaha, attaquant de Crystal Palace, refuse de se plier au rituel de s’agenouiller avant le coup d’envoi adopté en Premier League. Pour l’international ivoirien, ce n’était pas suffisant de s’agenouiller. «J’ai le sentiment que s’agenouiller est dégradant.

En grandissant, mes parents m’ont appris que je devrais être fier d’être noir quoi qu’il arrive. Je pense que nous devrions juste rester debout. Je sais que beaucoup de travail est fait dans les coulisses de la Premier League et d’autres autorités pour apporter des changements, et je respecte pleinement cela, ainsi que toutes les personnes impliquées. Je respecte aussi pleinement mes coéquipiers et les joueurs d’autres clubs qui continuent de s’agenouiller. (…) Désormais, je veux juste me concentrer sur le football et profiter d’être de retour sur le terrain. Je continue de me tenir droit», avait plaidé alors Wilfried, premier joueur de Premier League à cesser de ployer le genou.

La tradition de la haie d’honneur
En Liga espagnole, la haie d’honneur au champion est une tradition qui perdure depuis des années. Le dimanche 08 mai dernier, en recevant le Réal Madrid auréolé de son 35e titre de champion d’Espagne après avoir étrillé l’Espagnol de Barcelone (4-0), les Colchoneros refusent au Wanda Metropolitano de se plier à la tradition de la haie d’honneur qui est perçue comme une marque de respect.

Dans un communiqué, le club indique que «certains veulent transformer ce qui est né comme un geste de reconnaissance envers le champion en un péage public que doivent payer les rivaux, imprégné en plus d’un goût d’humiliation. En aucun cas, l’Atlético de Madrid ne va collaborer à cette tentative de moquerie dans laquelle sont oubliées les vraies valeurs du sport et sont créées de la crispation et de la confrontation entre les supporters».

Une affaire d’Etat
Pour revenir donc à la polémique sur Idrissa Gana Gueye qui défraie la chronique en hexagone, il faut dire qu’elle a les relents d’une affaire d’Etat. Le joueur est la cible de la Fédération sportive LGBT+ et de son président Éric Arassus qui demande des sanctions pécuniaires à son encontre. Le président Emmanuel Macron s’est trempé dans l’affaire.

« L’homophobie, la transphobie, la biphobie frappent, discriminent, rejettent. Aux côtés de celles et ceux qui se battent pour les droits humains et l’égalité, nous continuerons le combat. Chacun est libre d’être soi, d’être aimé et d’aimer » dira Emmanuel Macron dans un tweet. Première à ouvrir le feu sur l’international sénégalais, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-deFrance et candidate malheureuse de LR (Les Républicains) à la dernière élection présidentielle où elle a récolté 4,78% des suffrages exprimés. Dans un tweet en date du 16 mai, elle indique que « les joueurs d’un club de football, et ceux du PSG en particulier, sont des figures d’identification pour nos jeunes. Ils ont un devoir d’exemplarité. Un refus d’Idrissa Gana Gueye de s’associer à la lutte contre l’homophobie ne pourrait rester sans sanction».

Abondant dans le même sens, l’association de lutte contre l’homophobie dans le sport Rouge Direct condamne, pour sa part, cet acte, et demandé que des sanctions soient prises. «L’homophobie n’est pas une opinion mais un délit. La LFP et le PSG doivent demander à Idrissa Gueye de s’expliquer et très vite. Et le sanctionner le cas échéant», twitte l’association.

La ligue de football professionnel (LFP) n’a pas voulu se prononcer sur la question se contentant de rappeler qu’elle effectue un «travail de fond dans ce domaine depuis quatre ans». Quant au club francilien, il s’est tout simplement désolidarisé de son joueur en soutenant dans un communiqué que «le PSG est complètement engagé dans la lutte contre l’homophobie et les discriminations, avec Sportitude ou SOS Racisme. Nos joueurs ont porté avec fierté ce maillot, les plus grandes stars, Messi, Neymar ou Mbappé, exprimant l’engagement du club».

Devant ce lynchage orchestré, Idrissa Gana Gueye peut compter sur le soutien du peuple sénégalais et des autorités qui font bloc derrière lui. L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, le Pr Mary Teuw Niane, a été le premier à apporter la réplique et son soutien à Idrissa Gana Gueye. «Lorsque au nom de la liberté, on veut «librement» imposer un comportement et une opinion unidimensionnelles, unidirectionnelles et univoques à tout le monde, cela, quel que soit le sens dans lequel on le prend, son nom est évidemment totalitarisme ! Idrissa Gana Guèye a le droit le plus absolu de ne pas porter un maillot sur lequel sont inscrits des symboles dont il ne souhaite pas faire la promotion !

Où sont passés les intellectuels défenseurs des libertés, des droits de l’être humain, de la diversité culturelle ? Nous refusons l’écrasement de l’opinion individuelle, dissidente par une opinion dominante qui revendique sa légitimité exclusive», a publié sur sa page Facebook l’éminent mathématicien. Le ministre des Sports, Matar Ba, a aussi apporté son soutien au milieu défensif de la Tanière. «Le football, ce n’est pas pour faire la promotion de quoi que ce soit, ou bien mettre de côté ses convictions.

Donc, il n’a qu’à se battre, il n’a qu’à continuer. Chacun a ses convictions», a déclaré, à juste raison Matar Ba. Dans le même registre, Aly Ngouille Ndiaye, l’ancien premier flic du pays, a exprimé sa solidarité à notre compatriote sur sa page Facebook. « J’exprime mon soutien ardent et indéfectible à notre compatriote Idrissa Gana Guèye pour son choix courageux de ne pas porter un maillot contenant des signes contraires à ses valeurs et croyances. C’est l’illustration achevée de l’expression et de l’assumassions d’un principe universel’’, a publié Aly Ngouille Ndiaye.

Le soutien de Macky Sall
Pour sa part, l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye et président de l’Alliance citoyenne pour le travail (ACT), plus radical, y est allé aussi de son post dans son compte officiel : «Si le racisme était sanctionné en France, peu ne le seraient pas. Il ne faut pas confondre conviction et incitation à la haine. Gana Guèye n’est pas homophobe. Il ne souhaite pas que son image serve à promouvoir l’homosexualité. Fichez-lui la paix !»

Parmi tous ces soutiens, Idrissa Gana Gueye peut également compter sur celui de taille du président de la République, Macky Sall. En effet, dans un tweet sur son compte officiel, le chef de l’Etat a pris la défense de l’international sénégalais. «Je soutiens Idrissa Gana Gueye. Ses convictions religieuses doivent être respectées». Au Sénégal, l’homosexualité est fortement condamnée et les familles religieuses, à l’unanimité, plaident pour sa criminalisation.

Amdou LY DIOME

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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