Dans le village du Crocq, au nord de l’Oise, Élodie Pruvot s’est lancé le défi d’ouvrir un food-truck afro-caribéen. Un projet prometteur : les plats qu’elle propose en livraison depuis février font déjà un carton.
Elle a ramené des saveurs des Antilles et d’Afrique dans les villages du nord de l’Oise. Installée au Crocq, commune de 183 habitants entre Breteuil-et-Crèvecoeur-le-Grand, Élodie Pruvot livre chaque jour ou presque ses plats faits maison.
Des recettes qu’elle a élaborées elle-même, à base d’ingrédients très utilisés dans les Caraïbes ou en Afrique de l’Ouest : igname, bananes plantain, couscous de manioc, bissap… Elle s’inspire de la cuisine traditionnelle pour créer des plats originaux, qu’elle prépare chez elle puis livre chez les clients. L’idée lui est venue pendant le premier confinement, et moins d’un an après, elle s’est lancée, soutenue par son conjoint et ses enfants.
Une femme déterminée
Si elle a commencé à petits pas, seulement les week-ends, son activité est rapidement montée en puissance grâce au bouche à oreille. C’était pourtant loin d’être gagné. Maman de six enfants, elle était jusqu’ici mère au foyer. « Je suis en invalidité à 80%. Ce n’est pas un handicap visible, c’est un problème hépatique et rénal. Je m’occupais des enfants, mais ils ont grandi et ils vont à l’école, donc les journées commençaient à sembler longues, explique-t-elle. Aucune banque ne m’a suivie à cause de mon invalidité, je suis vraiment partie de zéro, avec mon argent personnel. »
Au défi financier s’ajoutait l’appréhension d’importer une cuisine du bout du monde dans des petits villages. « Je me suis lancée sans trop savoir comment ça allait se passer, car c’est une toute petite commune ! Les saveurs caribéennes, on n’a pas trop l’habitude en zone rurale, admet-elle. J’avais beaucoup d’a priori. Dans notre ancien village, mon fils, qui est métisse, était victime de racisme. Certains m’ont dit d’aller sur Beauvais pour monter le projet, mais j’ai pris le pari de le faire ici. Et ça a fonctionné : les gens sont contents, beaucoup me disent que je leur fais goûter des produits dont ils ne connaissaient pas l’existence, c’est super ! »
« Notre famille, c’est un mélange d’origines et de couleurs »
Au menu, on trouve surtout le partage et la découverte. « Mon conjoint avec qui je suis depuis huit ans est d’origine martiniquaise, mon fils est d’origine sénégalaise. Moi, je suis de Corrèze ! Notre famille, c’est un mélange d’origines et de couleurs, et je voulais que Naaj madi, mon entreprise, reflète ce mélange », explique Élodie, pleine d’énergie et d’enthousiasme. Au fil du temps et de ses inspirations, sa carte s’étoffe. « Je connaissais des recettes africaines et antillaises, mais je voulais qu’on soit vraiment novateurs. Par exemple, j’ai travaillé le poulet yassa, un plat familial assez connu, pour en faire un burger et des makis. »
Le nom de son entreprise est d’ailleurs la contraction du mot wolof « naaj », qui signifie « énergie solaire », et de « madi » comme Madinina, l’ancien nom de la Martinique utilisé par les natifs. Un hommage à deux de ses enfants, dont l’un est d’origine sénégalaise et l’autre d’origine martiniquaise.
Un projet en évolution constante
Dernièrement, elle a même développé une recette de burger… goût cannabis ! « J’ai vu qu’on parlait de plus en plus du CBD, alors je me suis dit, pourquoi pas ? J’avais une recette dans la tête, je l’ai fait… et les clients ont adoré ! Il est super ce burger, se réjouit-elle. Un couple d’habitués, des retraités, m’a dit qu’ils étaient super contents d’essayer le CBD, dont ils avaient entendu parler à la télé. C’est ça que j’adore : la cuisine, ça crée aussi un lien intergénérationnel. Il y a beaucoup de retraités dans la commune. »
Pour l’instant, il faut réserver 48h à l’avance, pour qu’elle puisse s’organiser en termes de stocks d’aliments (tout est frais et fait maison) et de livraisons. « C’est un peu contraignant, mais les gens comprennent que c’est ce qui permet de faire de la qualité, ils jouent le jeu. » Mais elle compte passer très vite à l’étape supérieure : elle a fait l’acquisition d’une caravane vintage, qu’elle compte transformer en food-truck. « C’était un rêve qui me paraissait totalement fou, et en même pas six mois, on est déjà en train de le réaliser ! »
Romane Idres
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