Politique

Qui est Ousmane Sonko, l’opposant dont la condamnation a mis le feu au pays ?

Antisystème et populaire auprès des jeunes, cet adversaire politique du président Macky Sall dénonce un complot après sa condamnation à deux ans de prison ferme dans une affaire de viols, qui plonge le pays dans le chaos depuis plusieurs jours.

« Je suis persécuté par la justice sénégalaise comme jamais un homme politique n’a été persécuté », affirmait-il le 1er mai. Ousmane Sonko, 48 ans, a été condamné jeudi dernier à deux ans de prison ferme par une chambre criminelle du Sénégal.

Adversaire politique le plus farouche du président Macky Sall, il était accusé de viols et menaces de mort contre une employée d’un salon de beauté où il allait se faire masser entre 2020 et 2021. La cour a acquitté Ousmane Sonko de ces faits, mais elle l’a jugé coupable de « corruption de la jeunesse », un délit qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans – Adji Sarr, l’employée qui l’accuse, avait 19 ans au moment des viols qu’elle dénonce.

Cette décision le rend pour l’heure inéligible. Ousmane Sonko dément catégoriquement et crie, depuis le début de l’affaire, à un complot pour l’éliminer.

Depuis, le Sénégal s’enflamme : les affrontements entre les forces de l’ordre et les soutiens de l’opposant ont fait 16 morts en trois jours. Malgré les appels au calme, la tension ne retombe pas. Le parti d’Ousmane Sonko a exhorté dimanche les Sénégalais « à se défendre par tous les moyens et à riposter » face à « la répression meurtrière des forces de défense et de sécurité ».

Le gouvernement – qui a coupé les réseaux sociaux dans le pays – a pour sa part dénoncé les « actes de vandalisme et de banditisme » commis par les partisans d’Ousmane Sonko.

Antisystème
Diplômé de l’ENA sénégalaise, et haut fonctionnaire des impôts, Ousmane Sanko accède à la notoriété en 2016. À l’époque, il est radié de la fonction publique pour manquement à son devoir de réserve. Son tort ? Avoir dénoncé l’opacité de certains contrats publics et les privilèges de la classe politique.

Il connaît depuis, une ascension fulgurante : à la tête du Pastef, le parti qu’il a fondé en 2014, il est élu député en 2017. Deux ans plus tard, il est, à 44 ans, le plus jeune prétendant à l’élection présidentielle. Décrit à l’époque comme l’ « étoile montante de la politique sénégalaise » par Le Monde, Ousmane Sonko se revendique antisystème et multiplie les critiques contre une élite qu’il juge « corrompue » et « vendue aux intérêts étrangers ». Il arrive troisième avec 15 % des voix, loin derrière Macky Sall (58 %).

Également maire de Ziguinchor, une ville du sud-ouest du Sénégal, depuis 2022, Ousmane Sonko porte un discours souverainiste. Il dénonce l’emprise exercée selon lui par la France et prône l’abandon du Franc CFA, « considéré comme une monnaie coloniale par des millions de jeunes africains », note le doctorant en sociologie Hermann-Habib Kibangou, pour The Conversation. Défenseur de la religion et des traditions, Ousmane Sonko est également favorable à un durcissement de la répression de l’homosexualité.

Populaire chez les jeunes
Ces thèmes lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans, qui représentent la moitié de la population. Les jeunes « adhèrent au discours d’Ousmane Sonko », observait Alioune Tine pour TV5 Monde en 2022. Selon cet expert des droits humains et membre de la société civile sénégalaise, ils « s’identifient » à lui et sont « convaincus » par son programme, qui porte des thématiques qui les « touchent particulièrement ».

Candidat déclaré à la prochaine présidentielle, en 2024, Ousmane Sonko est aussi le personnage principal d’une chronique politico-judiciaire qui dure depuis le dépôt contre lui d’une plainte pour viols, il y a deux ans. Son placement en garde à vue en mars 2021 avait déjà provoqué des manifestations, qui se sont soldées par la mort d’au moins 13 personnes.

Proclamant son innocence, et brandissant le spectre d’un « pays à feu et à sang », il est réduit par ses détracteurs à un apologue de la violence « aux antipodes de nos cultures et traditions démocratiques », comme l’a qualifié un conseiller du président, qui voit en lui le « cheval de Troie des salafistes ».

Interpellé le 28 mai et ramené de force à Dakar, Ousmane Sonko est aujourd’hui bloqué chez lui par les forces de l’ordre. De nombreux Sénégalais prédisent un embrasement s’il est arrêté.

Le Parisien

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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