Le juge des référés a estimé que la dissimulation des slogans féministes représentait une atteinte illégale à la liberté d’expression.
Le tribunal administratif de Nice a condamné l’État pour «atteinte à la liberté d’expression» pour avoir fait masquer la vitrine d’une librairie niçoise et les slogans féministes qui y étaient exposés lors d’une visite du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en décembre 2022.
Le 9 décembre, alors que le ministre venait visiter le futur hôtel de police de Nice, des policiers avaient recouvert d’un drap noir la vitrine de la librairie Les Parleuses pour dissimuler des slogans tels que «Victimes on vous croit. Violeurs on vous voit» ou «Qui sème l’impunité récolte la colère».
Une affiche sur la vitrine indiquait également «Sophie on te croit», en référence à Sophie Patterson-Spatz, qui accuse de viol depuis 2017 Gérald Darmanin et va se pourvoir en cassation après la confirmation en appel du non-lieu du ministre en janvier.
Préjudice moral et commercial
Dans une décision rendue lundi et consultée mardi par l’AFP, le juge des référés a estimé qu’en «l’absence de toute menace à l’ordre public», la décision de procéder à l’occultation de la vitrine constituait «une décision illégale d’atteinte à la liberté d’expression de nature à engager la responsabilité de l’État».
De ce fait, l’État a été condamné à verser aux requérantes une provision de 1000 euros pour leur préjudice moral et commercial, «somme qui n’est qu’une provision en attendant le jugement sur le fond», a souligné Me Lorraine Questiaux, avocate des plaignantes.
Pas de trouble à l’ordre public
«C’est une décision en faveur de la liberté d’expression et qui montre que la lutte contre les violences faites aux femmes est totalement légitime et ne peut constituer un trouble à l’ordre public», a ajouté l’avocate, interrogée par l’AFP. Sollicité, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité réagir.
Le juge administratif a par ailleurs estimé qu’il n’était pas compétent pour prononcer une condamnation à des excuses publiques, ce que demandaient également les gérantes de la librairie.
Le même juge des référés a dans un jugement distinct accordé une provision de 1000 euros à l’autrice Hélène Devynck dont plusieurs éditions de l’ouvrage «Impunité» se trouvaient dans la vitrine.
Il ressort que «le livre de Mme Devynck était particulièrement mis en avant dans la vitrine, que les affiches collées reprenaient le titre ou les thèmes développés dans son ouvrage, “Impunité”, dans lequel elle traite de violences sexistes restées impunies» et qu’elle est fondée à considérer qu’il a été «porté atteinte à sa liberté d’expression», a estimé le juge des référés.
Sollicité, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité réagir.
Laisser un commentaire