Alors que les déchets s’accumulent dans le désert, les Emirats arabes unis ont donné leur feu vert pour la construction d’incinérateurs pouvant transformer les ordures non recyclables en électricité.
L’Etat des Emirats arabes unis, parmi les dix premiers exportateurs de pétrole au monde, est le premier du Golfe à se lancer dans le « waste-to-energy » (valorisation énergétique des déchets), pour trouver une solution au problème chronique des ordures mais aussi à sa dépendance au gaz pour le fonctionnement de ses centrales électriques.
Quatre incinérateurs, dont un qui coûtera plus d’1 milliard d’euros, doivent être construits, dans un pays où la production d’ordures ménagères et la consommation d’électricité per capita sont parmi les plus élevées du monde.
Les ONG mettent en garde contre les effets polluants de ces usines. Mais pour l’ingénieure Nouf al-Wazir de la société Beeah, les incinérateurs permettront d’extraire de la valeur des déchets.
We believe that the road to a sustainable future begins with each one of us. Cleaner cities & a zero-waste future can become a reality if all of us do our part in waste disposal & recycling. We aim to raise awareness on proper disposal of waste & segregation. #ItsSimple pic.twitter.com/WxgDJ2Ih2j
— BEEAH Group (@BeeahUAE) November 4, 2021
« Tout le monde ne sait pas que les déchets ont de la valeur. Chez Beeah, c’est notre leitmotiv », explique Mme Al-Wazir.
Derrière elle, des ouvriers s’activent pour boucler à temps l’usine de Sharjah, qui devrait être opérationnelle d’ici la fin de l’année. Pouvant absorber 300.000 tonnes de déchets par an, elle alimentera environ 28.000 foyers en électricité.
Dans l’émirat voisin de Dubaï, avec ses gratte-ciels et centres commerciaux énergivores, une usine beaucoup plus grande est prévue pour 2024, d’un coût total de plus d’un milliard d’euros, selon un des partenaires, Hitachi Zosen Inova.
Parmi les plus grandes au monde, elle devrait absorber 1,9 million tonnes par an soit 45% des déchets ménagers actuellement produits dans l’émirat.
Surconsommation
Aux Emirats, « on consomme beaucoup et on jette beaucoup », explique Riad Bestani, fondateur de la société ECOsquare à Dubaï, qui propose des solutions de gestion de déchets.
Dubaï seul compte six décharges immenses. Elles couvrent actuellement 1,6 million de mètres carrés, une surface qui pourrait atteindre les 5,8 millions de m2 en 2041 si d’autres solutions ne sont pas trouvées, selon la municipalité.
Les frais de mise en décharge « sont quasi inexistants, donc c’est très bon marché et facile de se débarrasser de tous types de matériaux dans le désert », explique à l’AFP Emma Barber, directrice de Dgrade, société qui crée vêtements et accessoires à partir de bouteilles en plastique recyclé.
La transformation des déchets s’inscrit également dans le cadre de la campagne de diversification de l’économie et des sources d’énergie lancée par les Emirats, avec notamment la première centrale nucléaire du monde arabe.
Le pays dépend à 90% du gaz naturel pour la production d’électricité, selon un rapport gouvernemental de 2019.
Selon l’Agence internationale de l’Energie, sa consommation d’électricité a augmenté d’environ 750% en 30 ans alors que la population a quintuplé depuis que le pays s’est transformé à partir de 1990 en un véritable hub régional pour les affaires.
Le pays produit aujourd’hui autour de 1,8 kg de déchets par personne par jour.
« Plus facile »
L’incinération est « plus facile » que d’autres solutions, explique Janek Vähk, de l’ONG Zero Waste Europe, qui a notamment appelé à un moratoire sur les incinérateurs et leur fermeture progressive à partir de 2040.
Mais selon lui, « la meilleure chose pour le climat et l’environnement serait la récupération » et le compostage, même si « ce n’est pas vraiment d’actualité car (…) c’est plus facile de simplement brûler plutôt que de séparer, trier et recycler ».
Le militant met en garde contre un « effet de verrouillage », en référence au besoin d’alimenter en permanence les incinérateurs pour rentabiliser les investissements dans ces installations, très coûteuses.
L’incinération est « plus efficace » quand elle sert en même temps à produire de la chaleur, comme dans les pays nordiques où la combustion des déchets sert aussi au chauffage urbain, explique-t-il.
Mais si l’objectif est uniquement de produire de l’électricité, l’incinération présente un bilan carbone peu favorable, même par rapport aux énergies fossiles, souligne Janek Vähk.
Début octobre, les Emirats avaient annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
L’électricité produite par l’incinération « n’est pas forcément une énergie verte », estime Rami Shaar, co-fondateur de Washmen, service de pressing à domicile à Dubaï qui propose à ses clients de collecter leurs déchets recyclables avec leurs vêtements.
C’est « une solution qui permet de ne pas extraire davantage de pétrole, mais elle ne résout pas le problème dans son ensemble ».
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