Les quatre opposants en lice ont rejeté les résultats provisoires donnant la victoire au premier tour à l’ancien chef d’état-major Mohamed Cheikh El-Ghazouani, dauphin du président sortant
Une centaine « d’étrangers » ont été arrêtés en Mauritanie lors des manifestations qui ont éclaté après l’annonce de la victoire du candidat du pouvoir à la présidentielle de samedi, a annoncé mardi le ministre de l’Intérieur, alors qu’Internet était entièrement coupé depuis le milieu de l’après-midi.
Les ambassadeurs du Sénégal, du Mali et de la Gambie ont été convoqués dans l’après-midi par le ministre des Affaires étrangères, Ismael Ould Cheikh Ahmed, qui les a enjoints de demander à leurs ressortissants de « s’abstenir de participer aux manifestations et à tout ce qui perturbe l’ordre public en Mauritanie, a expliqué le chef de la diplomatie sur la télévision nationale.
Les quatre opposants en lice ont rejeté les résultats provisoires donnant la victoire au premier tour à l’ancien chef d’état-major Mohamed Cheikh El-Ghazouani, dauphin du président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz.
Les violences envers les populations s’intensifient #presidentielles2019 #Mauritanie pic.twitter.com/petKzZF5mS
— mohkane (@mohkane) 23 juin 2019
Trois des opposants ont déposé un recours en annulation
Selon la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Mohamed Cheikh El-Ghazouani a obtenu 52,01 % des suffrages, devant le militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid (18,58 %), l’ex-Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,87 %), le journaliste Baba Hamidou Kane (8,71 %) et le professeur d’université Mohamed Ould Moloud (2,44 %).
Des supposés agitateurs étrangers arrêtés, internet coupé, recours d’opposants en justice: période post-électorale tendue en #Mauritanie #AFP https://t.co/jnFjfC95dZ pic.twitter.com/skOmfZi7wy
— AFP Afrique (@AFP_Afrique) 26 juin 2019
Trois des opposants ont introduit mardi un recours en annulation devant le Conseil constitutionnel, tandis que le quatrième, Baba Hamidou Kane, a affirmé n’avoir pas encore pris de décision, disant à l’AFP « douter de l’intérêt d’une telle procédure devant une institution inféodée au pouvoir ».
Le siège de campagne de Baba Hamidou Kane a été fermé par la police lundi et celui des trois autres candidats de l’opposition mardi, « sur ordre du gouvernement », a indiqué leur entourage à l’AFP. « On ne peut comprendre cette décision des autorités alors que des recours sont en cours et que l’élection n’est pas terminée », a réagi Mohamed Ould Mouloud.
La Mauritanie est coupée du monde depuis dimanche ( pas d’internet) ! Le pouvoir militaire en place réprime violemment les manifestants ( arrestations + violence) et les médias se taisent face à ce désastre ! Il est donc de notre devoir de le faire ! Le monde doit savoir ! pic.twitter.com/IKcubEUybZ
— Ngari SALL (@kominkay) 25 juin 2019
Le pouvoir dénonce « une main étrangère derrière ces événements »
L’opposition a dénoncé l’arrestation de dizaines de personnes à la suite d’incidents dimanche entre manifestants et policiers dans la capitale et à Nouadhibou (nord-ouest). Lundi soir, des heurts ont éclaté entre policiers et militants de l’opposition aux abords du siège des partis de MM. Ould Abeid et Kane, où la police a effectué une descente musclée, selon l’opposition.
« Il y a une main étrangère qui est derrière ces événements », a affirmé le ministre de l’Intérieur, Ahmedou Ould Abdallah, à propos de ces contestations, évoquant un « plan de déstabilisation » du pays. « Nous avons arrêté une centaine d’étrangers dont on ne peut expliquer la présence dans la contestation d’une élection dans un pays qui n’est pas le leur », a ajouté le ministre. Il a affirmé que cette présence étrangère était « en relation avec certains candidats ».
Impossible de se connecter à Internet
La société mauritanienne est marquée par des disparités entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d’ethnies subsahariennes. Biram Ould Dah Ould Abeid avait demandé lundi aux Mauritaniens de se « méfier des provocations des autorités », jugeant que le pouvoir avait l’habitude d’invoquer les risques de sédition « à chaque fois qu’il est en difficulté ».
#Mauritanie: perturbations d’Internet depuis l’élection présidentielle du 23/6.
1 violation claire du droit à la liberté d’expression!
Amis mauritaniens, vous pouvez documenter ces perturbations avec:@OpenObservatory https://t.co/IccSI3NMjJ @netblocks https://t.co/tpgGIhA56o pic.twitter.com/YR0at0lmrk
— Francois Patuel (@FrancoisPatuel) 25 juin 2019
Depuis 15h environ, il était impossible de se connecter à Internet, d’accéder à ses emails ou d’utiliser les réseaux sociaux comme WhatsApp et Facebook, alors que l’internet mobile était inaccessible depuis dimanche après-midi. Interrogé par des journalistes sur ces coupures, le ministre de l’Intérieur a semblé ironiser.
« Vous n’avez pas d’autres moyens qu’internet pour travailler ? » a-t-il répondu, sourire aux lèvres. La France a salué mardi « le bon déroulement de l’élection présidentielle », intervenue « dans un climat pacifique », et « félicité » Mohamed Cheikh El-Ghazouani.
Dakarecho