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L’histoire secrète des amants de Marseille entre Mélodie Mendes Da Silva et Cheikh Ahmadou Bamba Faye

Meurtre de Mélodie – La victime a vécu une liaison clandestine avec Bamba mais elle l’aurait harcelé et il aurait fini par la haïr, au point de céder à une pulsion meurtrière. Une version fragilisée par l’enquête.

Dissimulée sous les broussailles, face contre terre, entièrement habillée mais pieds nus, Mélodie Mendes Da Silva gît en pleine nature, quelques mètres en contrebas de la route qui mène au col de l’Espigoulier sur les hauteurs de Marseille (Bouches-du- Rhône).

Cette femme de 34 ans a disparu depuis le 3 novembre. Six semaines plus tard, son visage est méconnaissable. Une phrase tatouée sur l’avant-bras gauche permet toutefois de confirmer son identité : « Quand la femme se venge, le diable s’assoit et prend des notes. » Un proverbe dont cette mère de deux enfants, née dans la cité phocéenne au sein d’une famille d’origine cap-verdienne, avait fait sa devise. Cruelle inversion des rôles.

Quelques heures avant la découverte de son corps, la nuit du 15 décembre, son ex- amant est passé aux aveux. Il l’aurait tuée de plusieurs coups de feu dans un accès de colère incontrôlée. Pour le moment, cette version d’un événement « accidentel » n’a pas convaincu la justice puisque le suspect, placé en détention provisoire, a été mis en examen pour assassinat, soit un meurtre avec préméditation ou guet-apens. L’aboutissement d’une enquête ouverte initialement pour disparition inquiétante élargie des chefs d’enlèvement et séquestration puis au trafic de stupéfiants.

Confession choc lors de son dernier interrogatoire
Au départ, les policiers de la brigade de répression du banditisme envisagent en effet l’hypothèse d’un règlement de comptes sur fond de trafic de drogue. De toute évidence, la disparue et son compagnon, Pearl, 33 ans, disposent de ressources financières bien supérieures à leurs revenus officiels.

Lui travaille comme livreur tandis que Mélodie, en formation pour devenir esthéticienne, perçoit le RSA. Pourtant, la jeune femme collectionne les sacs comme les vêtements de luxe et exhibe parfois des liasses de billets sur des vidéos postées sur Snapchat. Pour célébrer le quinzième anniversaire de leur vie commune, début octobre, Pearl et Mélodie se sont même offert une escapade en jet privé.

Grâce à des renseignements anonymes, les enquêteurs lèvent une partie du voile. Pearl revendrait de la cocaïne et du cannabis auprès de particuliers du centre-ville. Quant à Mélodie, elle aurait été proche de Félix Bingui, leader présumé du clan Yoda, en guerre ouverte contre les concurrents de DZ Mafia pour le contrôle des points de vente de drogue dans les Bouches- du-Rhône. Locataire d’un studio dont l’utilisation reste encore mystérieuse, la jeune femme pourrait-elle avoir servi de « nourrice » ?

Parallèlement à ce volet « stupéfiants », la PJ marseillaise explore le profil du principal interlocuteur télé- phonique de Mélodie au cours de l’année 2023. Il s’agit de Cheikh F., 40 ans, un colosse surnommé Bamba, diplômé d’un master en mathématiques, à la fois livreur pour Auchan, physionomiste de boîte de nuit et organisateur d’afters, fêtes qui accueillent les noctambules au petit matin à la fermeture des clubs.

L’homme est déjà passé par la case prison en 2018 après une condamnation pour un viol requalifié en agression sexuelle. Depuis mai 2022 et l’expiration de son titre de séjour, il est visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Le 3 novembre, entre 18 h 15 et 19 h 24, la localisation de sa ligne se calque sur celle de la disparue. Comme si tous deux se déplaçaient ensemble en voiture. Il semble donc être la dernière personne connue à avoir vu Mélodie.

Placé en garde à vue le 13 décembre, Cheikh F. reconnaît avoir été son amant depuis début 2023. Mais le soir des faits, affirme-t-il, il aurait seulement effectué avec elle un aller-retour entre Marseille et Gémenos, à une vingtaine de kilomètres à l’est, avant de la déposer dans le centre-ville. Face au scepticisme des enquêteurs, il exerce ensuite son droit au silence. Puis, contre toute attente, se livre à une confession choc lors de son ultime audition.

Tentative de séquestration, esclandres
Confrontés à la jalousie maladive et sans limite de Mélodie, lui et sa femme auraient subi un véritable enfer ponctué ces derniers mois par une tentative de séquestration, la dégradation de leur voiture, des esclandres sur la voie publique, y compris en bas de chez eux, ou encore de fausses annonces de grossesse. Son idée, le 3 novembre, consistait seulement à intimider cette ex-maîtresse devenue trop gênante. C’est du moins ce qu’il explique.

« À la base, j’avais pris l’arme juste pour la menacer, soutient-il. Je n’ai jamais voulu tuer Mélodie. Je suis désolé d’en être arrivé là. Je voulais juste protéger ma femme. » Placée elle-même en garde à vue et mise en examen pour « non-dénonciation de crime », la compagne de Cheikh F. a confirmé cette ambiance de harcèlement mais en situant le dernier épisode marquant dans le courant de l’été. Bien avant le 3 novembre donc.

Ce soir-là, Cheikh F. est au volant de sa 3008. Il attend Mélodie près de son domicile. Celle-ci monte dans le véhicule vers 18 h 15. Au cours du trajet, le ton serait monté, les insultes auraient fusé et un début d’altercation aurait obligé le conducteur à s’arrêter une première fois. Intarissable, Mélodie aurait proféré des menaces et des paroles ordurières à l’encontre de la femme et de la mère de son amant. Celui-ci affirme avoir alors perdu son sang-froid. Il stoppe le véhicule une seconde fois, sort de la voiture, dégaine un revolver MR 73, pointe son arme en direction de Mélodie qui se colle par défi au canon de l’arme. Premier coup de feu dans le ventre. Suivi de trois ou quatre autres dans la poitrine. Sous l’impact des balles, Mélodie aurait basculé au fond d’un talus pentu. Est-elle encore en vie ? Cheikh F. prétend l’avoir vainement cherchée avant de partir puis de jeter son télé- phone à la mer. Cette version des faits ne convainc pas les parties civiles défendues par Me Mathilde Dumoulin. « Tout nous fait penser au contraire à une exécution préparée, soutient Patrick, le frère de Mélo- die. Notamment le fait que Bamba attende ma sœur avec une arme chargée avant de l’emmener en voiture dans un lieu isolé. »

« Le suspect se défend en dénigrant et en diabolisant la victime, comme dans la plupart des féminicides, observe pour sa part Me Pauline Rongier, avocate d’une amie de Mélodie. Il l’a tuée et l’accable encore. »

Contactée, Me Carine Diop, une des deux avocates de Cheik F., conteste toujours le caractère prémédité de son passage à l’acte. « Nous attendons beaucoup des résultats de l’expertise médico-légale et de l’exploitation téléphonique qui pourraient venir confirmer les explications de Monsieur », explique la pénaliste marseillaise.

Avec Ronan Folgoas avec Le Parisien

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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