Dakar-Echo

Le Sénégal a connu l’un des plus grands reculs en matière de libertés civiques de 2023 au monde

Le Sénégal a connu l’un des plus grands reculs en matière de libertés civiques de 2023 au monde

Les libertés civiles se sont dégradées à un point tel au Sénégal que le pays se classe désormais aux côtés de régimes militaires, selon l’ONG CIVICUS Monitor basée à Johannesburg.

C’est ce qu’a annoncé cette organisation de défense des droits humains dans un communiqué publié mardi 5 décembre 2023.

« Nos données montrent que le Sénégal a connu l’un des plus grands reculs en matière de libertés civiques de 2023 au monde », affirme Ine Van Severen, chercheuse à CIVICUS Monitor. « Autrefois, le Sénégal était considéré comme un modèle d’ouverture et de démocratie en Afrique de l’Ouest. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ».

CIVICUS Monitor évalue l’état de l’espace civique de chaque pays au moyen de données recueillies tout au long de l’année auprès de militants de la société civile d’un pays, d’équipes de recherche régionales, d’indices internationaux en matière de droits de l’homme et de ses propres experts.

Les données fournies par ces quatre sources sont ensuite rassemblées afin de déterminer à quelle catégorie appartient chaque pays : « ouvert », « rétréci », « entravé », « réprimé » ou « fermé ».

Selon l’organisation, l’administration du président Macky Sall cherche à étouffer toute dissidence à l’approche de l’élection présidentielle prévue en février prochain.

Les forces de sécurité ont tué des partisans de l’opposition dans la rue et emprisonné des militants et journalistes critiques « dans un climat tendu », ajoute Van Severen.

« Nous assistons à une répression sans précédent de l’espace civique dans le monde entier », affirme Marianna Belalba Barreto, responsable de la recherche chez CIVICUS Monitor. « Le fait qu’aujourd’hui nous classions une démocratie comme le Sénégal dans la catégorie “ réprimé ”, la deuxième plus mauvaise, montre que les citoyens de n’importe quel pays courent le risque de perdre les droits qu’ils ont si durement acquis ».

Le déclassement du Sénégal est presque entièrement dû à la répression des libertés civiques qui a accompagné l’emprisonnement et les poursuites judiciaires à l’encontre du chef de l’opposition Ousmane Sonko avant les élections. Les forces de sécurité ont utilisé une force excessive et létale durant les manifestations de ses partisans, ce qui a conduit à des affrontements qui ont fait des dizaines de morts.

Pour tenter de juguler les manifestations, les autorités sénégalaises ont restreint l’accès à Tik-Tok et à l’internet mobile, et ont suspendu plusieurs médias. Elles ont également arrêté et poursuivi plusieurs journalistes qui ont couvert le procès de Sonko, notamment le journaliste de Dakar Matin, Pape Alé Niang, arrêté trois fois en moins d’un an. La police a également arrêté des défenseurs des droits de l’homme.

Les autorités ont dissous le parti d’opposition de Sonko, le PASTEF, ce qui a encore plus réduit l’espace de la contestation politique.

« Nous sommes profondément inquiets de voir les violations se poursuivre et s’intensifier avant les élections de février 2024 », ajoute Ine Van Severen. « Les dirigeants et les alliés du pays doivent prendre des mesures immédiates pour que les citoyens puissent jouir des piliers de la gouvernance démocratique, notamment de manifestations pacifiques, d’une presse sans entrave et d’élections libres et justes.

Les autres pays déclassés cette année sont le Bangladesh (fermé), la Bosnie-Herzégovine (entravé), l’Allemagne (rétréci), le Kirghizstan (réprimé), le Sri Lanka (réprimé) et le Venezuela (fermé).

CIVICUS Monitor, créé en 2017, évalue et note annuellement la situation des droits et libertés dans 115 pays.

https://monitor.civicus.org/presscentre/senegal/

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