– Alors que « clan Bongo » dispose d’une fortune de plusieurs centaines de millions d’euros, notamment en France, plus d’un tiers de la population gabonaise vit sous le seuil de pauvreté.
Connu pour l’importance de ses ressources naturelles, qu’il s’agisse de réserves de pétrole, de bois, ou de manganèse, le Gabon, d’une population de 2,4 millions d’habitants, est l’un des pays les plus riches d’Afrique, avec un PIB par habitant de 8 600 dollars.
Il est aussi l’un des pays aux plus fortes disparités économiques, avec notamment plus d’un tiers de sa population qui vit sous le seuil de pauvreté (5,5 dollars quotidiens).
Le président déchu du Gabon, Ali Bongo et le « clan Bongo » sont pourtant propriétaires d’une fortune colossale, notamment en France et dans plusieurs pays du monde, une fortune dont la valeur totale se mesure en centaines de millions d’euros.
900 000 personnes pauvres
Dans son dernier rapport sur les perspectives économiques du Gabon, la Banque africaine de développement (BAD) indique que l’économie s’est accrue de 3,0 % en 2022, après une progression de 1,5 % du produit intérieur brut nominal (PIB) en 2021 et un recul de 1,8 % en 2020, dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
Le PIB par habitant du Gabon est certes élevé, mais reste en deçà de la moyenne mondiale et celui-ci n’est pas représentatif du niveau de vie de chaque classe de population. Selon les données de la Banque mondiale, 39,2 % du peuple gabonais vit sous le seuil de pauvreté (soit plus de 900 000 personnes), dans un pays où le taux de chômage est très élevé (30 %), avec notamment une jeunesse qui peine à trouver un emploi dans le pays, et cherche des perspectives à l’étranger.
Concernant le chômage des jeunes, « après la mise en place du Plan de relance de l’économie (PRE) en 2017, le Gouvernement a suspendu par arrêté les recrutements à la Fonction publique jusqu’en août 2021, à l’exception de l’Armée, de l’Éducation nationale et de la Santé.
Cette mesure a eu pour effet de décourager les étudiants désireux de regagner le Gabon à l’issue de leurs études de peur de se retrouver au chômage dans un pays où l’administration publique est le premier pourvoyeur d’emplois », lit-on dans un récent rapport intitulé « 105 Promesses, 13 Réalisations, le bilan du second septennat d’Ali Bongo Ondimba », préparé par l’économiste Mays Mouissi et le juriste Harold Leckat Igassela.
#Gabon Une des raisons qui ont conduit à la chute du président Ali Bongo, c’est l’étendue de la corruption. Le général Oligui Nguema a déclaré avoir déjà saisi plusieurs milliards de FCFA parmi les proches du pouvoir, qui s’ajoutent à l’affaire dite des biens mal acquis. pic.twitter.com/YYudsIVs6F
— Le journal Afrique TV5MONDE (@JTAtv5monde) September 3, 2023
Ces derniers déplorent aussi « la faible diversification de l’économie nationale toujours dépendante du pétrole », et « la redistribution des ressources publiques inéquitable qui favorise la hausse des inégalités et de la pauvreté ».
En 2022, environ la moitié de la population gabonaise n’avait pas accès à l’eau potable (population urbaine et rurale confondue), selon la Banque africaine de développement (BAD). Bien que 90 % des habitants des villes eussent accès à l’électricité, plus de 70 % de ménages en zone rurale en étaient privés.
La société civile gabonaise déplore également l’insuffisance des services publics avec des hôpitaux qui manquent d’une part essentielle du personnel soignant et d’équipements, des écoles sans professeurs, l’insuffisance des infrastructure ou encore le manque de logements ou d’universités.
Dans ce contexte, le parti d’opposition New Power, dirigé par Privat Ngomo, dénonce les « méfaits de la Françafrique », de sa « politique de prédation des richesses enracinée dans l’espace francophone depuis les années 60 », notamment l’exploitation des ressources naturelles du Gabon, comme le pétrole, le bois ou le manganèse. D’autres accusent l’ordre économique mondial décrit comme « néolibéral » ou « capitaliste ».
Privat Ngomo estime que si la nation gabonaise pouvait pleinement profiter des richesses de ses terres et se libérer du « joug » du franc CFA, le pays d’Afrique centrale deviendrait « une petite Suisse sous les tropiques ».
Comment pardonnez un tel niveau de désordre pendant toutes ces années ? Le fils d’Ali Bongo avait accès aux caisses de l’Etat en toute impunité et voilà le résultat. #Gabon pic.twitter.com/yCiHn1yuy9
— Scheena Donia (@Scheenadonia) August 31, 2023
La fortune du « clan Bongo »
Le président du Gabon Ali Bongo a été déchu et « mis à la retraite », mercredi 30 août, à la suite d’un coup d’État, alors que le général Brice Oligui Nguema, chef de la Garde républicaine et cousin germain d’Ali Bongo, a été acclamé par des centaines de militaires et nommé, le même jour, comme président de la Transition.
La « dynastie Bongo », qui a duré 55 ans, semble avoir pris fin à la suite de ce putsch, mais les questions sur les richesses accumulées du « clan Bongo » perdurent, notamment en France où la justice continue d’enquêter sur les « biens mal acquis ».
Selon la Justice française, l’ensemble des acquisitions immobilières financées par Omar Bongo (au pouvoir de 1967 à 2009) pour son compte et celui de ses enfants est estimé à un minimum de 85 millions d’euros. Selon le journaliste Fabrice Arfi de Mediapart, qui a eu accès à des documents notariaux de la famille après la mort d’Omar Bongo en 2009, l’étendue de la fortune du clan Bongo était estimée à 460 millions d’euros.
La famille Bongo détient au moins une quarantaine de biens immobiliers sur le seul territoire hexagonal, notamment dans les quartiers chics de Paris ou à Nice, sur la Côte d’Azur. Divers achats de biens immobiliers en France et de voitures de luxe pour plusieurs dizaines de millions d’euros par Ali Bongo ont accru la fortune du clan.
Une sous-commission d’enquête sénatoriale des États-Unis avait fait état en 1999 de comptes détenus par Omar Bongo, (le père d’Ali Bongo) à la Citibank, avec une valeur minimale de 130 millions de dollars.
Au cours d’une quinzaine d’années d’enquête (depuis 2007) en France, neuf membres de la grande famille Bongo ont été mis en examen dans l’affaire des biens mal acquis, notamment immobiliers. Ils sont accusés depuis 2022 de « recel de détournement de fonds publics », de « corruption active et passive » et d’abus de biens sociaux.
Cette « fortune immense » provient, selon la Cour d’appel de Paris, « de l’argent issu de détournements de fonds publics et des sommes considérables provenant du délit de corruption des sociétés pétrolières », notamment Elf Aquitaine, condamnée par la Justice en 2007 et devenue TotalEnergies.
La banque française BNP Paribas a également été mise en examen en 2021 pour « blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics ». L’établissement financier aurait « manqué à ses obligations de vigilance en n’effectuant pas de déclaration de soupçon » entre 2002 et 2009 sur le « fonctionnement atypique » du compte d’une entreprise française de décoration intérieure, qui serait chargée de dénicher les biens immobiliers pour la famille du président gabonais et de les rénover pour plusieurs millions d’euros, selon Le Monde. La justice française soupçonne l’entreprise d’avoir reçu, sur ses comptes à la BNP, de l’argent provenant de sa filiale en Afrique.
Avec le rendement locatif moyen (5,9 %) en France, les biens immobiliers du clan Bongo dans l’Hexagone seul, pourraient rapporter un revenu annuel supplémentaire de 150 euros pour une famille gabonaise à trois enfants, une somme importante dans un pays où le salaire minimal est d’environ 200 euros.
Et ces biens mal acquis ne sont que la partie visible de l’iceberg dans un pays où l’indice de corruption est très élevé (71 sur 100)…
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