Le monde est en train de franchir cinq points de bascule, avec des conséquences irréversibles sur les écosystèmes.
Disparition des calottes glaciaires du Groënland et de l’Antarctique Ouest, des récifs coralliens tropicaux ou encore dégel du pergélisol : ce ne sont plus des projections lointaines mais des réalités qui peuvent se produire dès maintenant, au niveau de réchauffement actuel. Au fur et à mesure que la température moyenne mondiale va s’élever, de nouveaux points de bascule seront atteints.
Disparition des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique Ouest, mortalité massive des récifs coralliens tropicaux, dégel abrupt du pergélisol (sols gelés en permanence) et arrêt d’un courant océanique dans l’Atlantique Nord.
Voici les cinq points de bascule qui peuvent être franchis au niveau de réchauffement actuel, soit +1,1°C par rapport à l’ère préindustrielle. C’est le terrible constat que dressent des scientifiques internationaux dans une nouvelle étude publiée vendredi 9 septembre dans la revue Science.
Celle-ci est une synthèse de plus de 200 publications scientifiques, menées afin de mieux prévoir les seuils de déclenchement de ces points de rupture, « au-delà duquel un système se réorganise, souvent brutalement et/ou de manière irréversible », selon la définition du Groupe d’experts sur le climat de l’ONU (Giec). Ce sont des phénomènes qui déclenchent, de manière indépendante et inéluctable, d’autres conséquences en cascade. Les premières analyses sur le sujet estimaient leur seuil de déclenchement dans une fourchette de 3 à 5°C de réchauffement.
« Ça changera la face du monde »
« Pour moi, ça changera la face du monde – littéralement, si vous regardez depuis l’espace », avec la montée du niveau des océans ou la destruction des forêts, a expliqué à l’AFP Tim Lenton, l’un des principaux auteurs de l’étude. Pour les calottes glaciaires de l’Antarctique occidentale et du Groenland, le franchissement du point de rupture estimé par les scientifiques participerait, sur des centaines d’années, à une hausse du niveau des mers de 10 mètres, détaille Tim Lenton.
Si la destruction des barrières de corail a déjà débuté, la montée des températures pourrait rendre ces destructions définitives, et ainsi toucher les 500 millions d’humains qui en dépendent. En mer du Labrador, un phénomène d’échange de chaleur qui amène de l’air chaud en Europe pourrait être bouleversé, avec à la clé des hivers plus froids, comme le continent les avait connus durant le petit âge glaciaire. Un dégel accéléré du permafrost libérerait quant à lui d’immenses quantités de gaz à effet de serre et modifierait en profondeur les paysages en Russie, au Canada et en Scandinavie.
L’humanité peut encore limiter les dégâts
Au total, les chercheurs ont identifié 16 points de bascule, qui se déclencheraient au fur et à mesure que le réchauffement climatique se poursuivrait. Ainsi, entre 1,5°C et 2°C, les objectifs fixés par l’Accord de Paris, cinq points de bascule supplémentaires deviennent possibles, tels que des changements dans les vastes forêts du Nord et la perte de presque tous les glaciers de montagne ou encore la perturbation d’un courant marin majeur de l’Atlantique (l’AMOC). À 2°C, les moussons en Afrique de l’Ouest et au Sahel seraient impactées, la forêt amazonienne se transformerait en savane et les glaciers de l’Antarctique Est disparaîtraient.
Ces effets dévastateurs dépendent de la durée du réchauffement, explique l’auteur principal de l’étude, David Armstrong McKay : si les 1,5°C s’installent pendant 50 ou 60 ans, la planète devra faire face aux pires conséquences.
Mais ces points de bascule vont très peu aggraver le réchauffement en lui-même, ajoute-t-il, estimant que l’humanité peut encore limiter les dégâts pour la suite. « Ça vaut toujours la peine de réduire nos émissions aussi rapidement que possible », plaide le scientifique. Il est en effet primordial de rappeler que dans la lutte contre le changement climatique, chaque dixième de degré compte.
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