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A Nantes, une exposition se penche sur le passé esclavagiste de la ville

De l’exploration des côtes africaines jusqu’aux heures les plus sombres de la traite nantaise, une exposition au musée d’histoire de Nantes retrace jusqu’en juin le passé esclavagiste du premier port négrier de France.

A travers plus de 200 cartes, tableaux, gravures et objets, « l’exposition fait la lumière sur l’histoire esclavagiste d’un territoire, Nantes, pour évoquer un système global, celui de la traite atlantique », explique Krystel Gualdé, directrice scientifique du musée.

Dès l’entrée de l’exposition, une carte interactive rappelle que du milieu du XVIe siècle à la seconde partie du XVIIIe, entre 13 et 17 millions d’hommes, de femmes et d’enfants furent arrachés à leurs terres, envoyés par la mer dans les colonies d’Amérique, vendus et réduits en esclavage.

1,3 millions d’Africains ont été déportés via des expéditions françaises, dont près de la moitié sont parties du port de Nantes.

Une salle de l’exposition, particulièrement saisissante, présente par un dispositif immersif le voyage abominable des futurs esclaves à bord d’un navire négrier nantais, le Marie-Séraphique.

Projetée au sol et sur les murs, accompagnée du bruit d’une mer démontée et de cliquetis de chaîne, la version agrandie d’une aquarelle d’époque montre des dizaines de corps nus, allongés, pieds et mains entravés, serrés les uns contre les autres.

« Les navires négriers ont été de véritables espaces concentrationnaires. Les futurs esclaves étaient déshumanisés, marqués au fer du sceau du bateau sur lequel ils étaient embarqués, comme du bétail », raconte Krystel Gualdé.

« Rendre mémoire »
Intitulée « L’Abîme » en référence à la notion de « gouffre atlantique » utilisée par le philosophe martiniquais Édouard Glissant pour évoquer la traite, l’exposition s’inscrit dans une « démarche mémorielle, scientifique et pédagogique », affirme Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.

« 20 ans après l’adoption de la loi Taubira (sur la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité, ndlr) il y a encore des résistances. Dès que l’on aborde ces questions, certains crient à la repentance excessive, répètent qu’il faut que la France soit fière de son passé. Il ne s’agit pas de fierté ou de culpabilité, mais d’un travail de justice et de vérité », poursuit l’ancien Premier ministre et ancien maire de Nantes.

L’exposition s’attarde notamment sur l’histoire méconnue de l’esclavage pratiqué au siècle des Lumières sur le sol français, chez les notables nantais.

Plus de 4.700 noms d’esclaves ayant vécu à Nantes défilent sur un mur du musée afin de leur « rendre mémoire », explique Krystel Gualdé. Quelques patronymes sont accompagnés d’éléments biographiques issus de documents d’archive.

Livres de comptes et tableaux de ventes témoignent au fil du parcours d’un commerce assumé et rodé, au sein duquel hommes, femmes et enfants étaient considérés comme des « marchandises échangeables à loisir », souligne Mme Gualdé.

L’exposition s’achève sur le long chemin vers l’abolition définitive de l’esclavage en 1848, contre laquelle l’élite nantaise, défendant ses intérêts financiers, s’est élevée par deux fois avant de déposer les armes.

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