AfriqueTchad

Yaya Dillo Djérou, principal rival du général Déby à la présidentielle a été « exécuté », accuse son parti

Le parti de Yaya Dillo Djérou, principal opposant au Tchad, accuse les militaires d’avoir « exécuté à bout portant » son leader mercredi pour l’évincer de la course à la présidentielle dans deux mois contre son cousin le général Mahamat Idriss Déby Itno, chef de la junte.

Le gouvernement a réfuté cette accusation.

« C’est une exécution, ils ont tiré à bout portant sur lui pour l’exécuter car il était devenu gênant », a assuré à l’AFP Robert Gamb, secrétaire général du Parti socialiste sans frontières (PSF).

Depuis jeudi, une photo circule dans des groupes sur les réseaux sociaux proches de la famille de M. Dillo, mais non authentifiée à ce stade, montrant un gros plan sur la tête de la dépouille d’un homme ressemblant trait pour trait à M. Dillo, un petit orifice très net entouré d’un halo noir en plein milieu de la tempe.

Jeudi, le PSF et d’autres responsables de l’opposition évoquaient déjà un « assassinat » pour l’écarter de la présidentielle du 6 mai. Un porte-parole du PSF accusait spécifiquement la garde présidentielle, l’unité d’élite de l’armée chargée de la sécurité du chef de l’Etat, d’avoir mené l’assaut contre le siège du parti en plein centre de N’Djamena.

Des journalistes de l’AFP avaient vu des camions remplis de ces « bérets rouges » se diriger à vive allure vers le QG du PSF au plus fort de tirs nourris à l’arme automatique et de sourdes détonations résonnant en provenance du bâtiment assiégé.

« Sans arme »
« On ne peut pas attaquer avec tout un arsenal de guerre un opposant seul dans un bureau » et « qui n’avait pas d’arme », a protesté M. Gamb, interviewé au téléphone par l’AFP depuis Libreville.

« Nous n’avons exécuté personne », a rétorqué à l’AFP le ministre de la Communication Abderaman Koulamallah, interrogé également sur la photo présumée de la dépouille.

« Il a refusé de se rendre, il y a eu des échanges de balles, il n’y a pas eu d’exécution » dans cet assaut qui a fait quatre morts chez les militaires et trois dans le camp de M. Dillo, a ajouté le ministre pour qui l’opposant avait « lui-même tiré sur les forces de l’ordre ».

Vendredi, deux jours après l’assaut mortel, le calme était revenu à N’Djamena et la plupart des blindés et militaires déployés mercredi avaient disparu.

Mais une grosse pelleteuse démolissait le siège du PSF, selon des journalistes de l’AFP, tenus à distance par un épais cordon de sécurité de l’armée, dont on apercevait de loin des véhicules blindés autour de l’immeuble.

Selon le gouvernement, M. Dillo, était recherché pour avoir fomenté une présumée « tentative d’assassinat » du président de la Cour suprême il y a dix jours et mené une attaque du siège des tout-puissants services de renseignement mardi.

« Mise en scène »
Dans un message audio à l’AFP quelques heures avant sa mort, l’opposant de 49 ans démentait fermement et accusait en retour la junte d’une « mise en scène » destinée à l’écarter de la présidentielle à laquelle Mahamat Déby ne fait pas mystère de son intention de se présenter.

Ce dernier, alors jeune général de 37 ans, avait été proclamé par l’armée Président de transition à la tête d’une junte de 15 généraux le 20 avril 2021, à l’annonce de la mort de son père, le maréchal Idriss Déby Itno. Le patriarche dirigeait alors d’une main de fer ce vaste pays sahélien depuis plus de 30 ans.

Mahamat Déby promettait aussitôt de rendre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois mais, ce terme échu, il l’avait prolongée de deux ans. L’opposition dénonçait une « succession dynastique » des Déby.

Risque de coup d’Etat
M. Dillo était l’un de ses plus farouches opposants et celui que le clan Déby, dont il fait partie, redoutait le plus, selon les politologues: parce qu’issu de la famille et de son ethnie des Zaghawa qui, bien que très minoritaire au Tchad, monopolise depuis plus de 33 ans les plus hautes positions dans l’appareil militaire et de l’Etat.

Car le clan Déby et l’ethnie Zaghawa se fissurent chaque jour un peu plus ces dernières années, et même ouvertement aujourd’hui, estiment experts de la région et diplomates qui y voient un risque de coup d’Etat.

M. Dillo pouvait entraîner derrière lui une frange importante d’officiers zaghawas hostiles à Mahamat Déby, selon eux.

Dernière défection en date: un frère du défunt maréchal, le général Saleh Déby Itno, a rallié le PSF de Yaya Dillo le 10 février. Il a été arrêté dans l’assaut mercredi.

« Avec l’assassinat de Yaya Dillo, le pouvoir montre qu’il faut frapper très fort avant les élections, pour que tout le monde rentre dans le rang. C’est un message très fort envoyé à l’opposition, à sa propre faille et au Zaghawas », analyse pour l’AFP un expert africain de la région, qui souhaite rester anonyme parce qu’il est diplomate.

Mahamat Déby, selon lui,  » veut court-circuiter toute éventuelle opposition ».

« Il n’y a pas aujourd’hui un opposant qui peut représenter une menace dans la course pour la présidence », renchérit pour l’AFP Enrica Picco, directrice du centre d’analyse International Crisis Group (ICG) pour qui « la réponse au cas de Yaya Dillo ne laisse pas d’espace à l’interprétation ».

« Mais sa mort et l’arrestation de Saleh Déby pourraient alimenter des volontés de vengeances pour une partie du clan », prévient-elle.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

Articles Similaires

1 sur 259

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *