Après les émeutes meurtrières du début du mois de mars dernier, consécutives à l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, l’espace politique sénégalais est infesté par une rhétorique tant soit peu guerrière, doublée d’une prolifération de menaces de part et d’autre.
Si du côté de l’opposition, l’idée d’une seconde vague plus violente a été agitée, le camp du pouvoir n’a pas encore digéré son revers, menaçant de recourir aux gros moyens de la force publique, si cela se reproduisait.
«Ce qui s’est passé récemment dans notre pays, si le Sénégal n’était pas une grande démocratie, le bilan aurait pu être catastrophique. Il n’est pas possible dans un pays de se réveiller et de tout détruire sans conséquence. Quels que démocrates que nous soyons, il y a des limites. Il ne faut pas qu’on croit à un seul instant que l’Etat est faible», a martelé le chef de l’Etat, Macky Sall, lors du Conseil présidentiel sur l’insertion et l’emploi des jeunes, le jeudi 22 avril dernier.
Cette sortie du président Sall aux allures de menaces et de mise en garde contre les émeutiers qui ont secoué le pays, du 3 au 8 mars dernier, suite à l’affaire de viol présumé qui oppose le leader de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko, et l’employé du salon de beauté “Sweet Beauté“, Adji Sarr, semble trahir son état d’esprit.
Après ce revers enregistré par le pouvoir en place, qui paraissait perdre pied face à la furie des manifestants, Macky Sall rumine sa colère. Un courroux qui se lit aussi dans les prises de parole de ses partisans, lors des nombreux meetings organisés un peu partout à travers le pays.
Le leitmotiv reste pratiquement le même pour tous : le pouvoir n’acceptera plus jamais que de telles choses se reproduisent dans le pays, ou encore, les auteurs des troubles à l’ordre public seront punis. Ces avertissements et autres menaces, faudrait-il le reconnaitre, font suite à la sortie du leader de Pastef Les Patriotes, Ousmane Sonko pointé du doigt parla «masseuse», Adji Sarr.
En visite le 16 mars dernier, à l’un des mouvements qui l’ont soutenu lors de ses démêlés judiciaires, notamment FRAPP de Guy Marius Sagna, le député de Pastef, ragaillardi par ces événements, a prévenu l’Etat. Il avisera que si les exigences du Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D) ne sont pas respectées, «la deuxième vague de manifestations risque d’être plus dévastatrice que la première. Parce que le peuple est déjà conscient et mobilisé».
Bien avant cette visite rendue à ses souteneurs, notamment le 8 mars, tout juste après sa mise sous contrôle judiciaire, l’opposant Sonko estimait que le chef de l’État «n’est plus légitime» pour diriger le pays. «La révolution est en marche (…), la peur a changé de camp», disait-il. Cela, non sans appeler le président Sall à lever le doute sur une éventuelle candidature à un 3e mandat.
Est-ce de la pure logique jusqu’auboutisme ou de la surenchère tout simplement? Le moins que l’on puisse dire, cette défiance notée de part et d’autre chez les acteurs politiques risque de déteindre négativement sur le travail d’apaisement abattu par les régulateurs sociaux.
L’appel au calme du président Macky Sall du 8 mars dernier, tout comme la décision du M2D de sursoir à ses manifestations pacifiques du 9 et 10 mars, en étaient les fruits.
Jean Michel DIATTA
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