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Quel pouvoir en matière électorale ? Par le Pr Bouna NIANG

J’ai suivi avec intérêt l’exercice du Président de la République interrogé par une certaine presse. Plusieurs fois je l’ai revu et auditionné depuis le jour de la prestation. Mais bien déçu j’ai été. Mon optimisme, relatif, j’ai commencé à m’en départir dès l’entame de ce que personnellement j’ai considéré comme une épreuve (terme à entrée multiples à prendre en compte au sens de « peine », de « souffrance ».

En effet, la prestation qu’avec indignation j’ai visionnée plusieurs fois était celle d’une personnalité qui, bien visiblement, était dans le désarroi. D’un point de vue la kinétique, science de la gestuelle, elle m’a simplement porté à me remémorer ces quelques mots de Roland BARTHES « avec mon langage je puis tout faire : même et surtout ne rien dire. »

Mais d’ajouter immédiatement que « je puis tout faire avec mon langage, mais non avec mon corps. Ce que je cache avec mon langage, mon corps le dit. Je puis à mon gré modeler mon message, mais non ma voix. A ma voix quoi qu’elle dise, l’autre reconnaîtra que j’ai quelque chose ». Et de terminer son propos en ces termes très édifiants : « Mon corps est un enfant entêté, mon langage un adulte très civilisé ».

En effet le Président m’est apparu sous un jour nouveau : position figée, visage complètement déconfit, et surtout, avec un discours sans tonalité, un ton hésitant, une gestuelle discrète et hésitante. Il était loin d’être à l’aise, loin d’être dans son assiette habituelle sertie d’une relative assurance. Il semblait réellement et simplement s’être levé d’un très mauvais pied.

Disons le, il n’était rien d’autre que l’ombre de lui-même, confortablement installé comme dirait Claudine BILAND dans un état « de gêne et d’embarras a minima, de soumission à une pression émotionnelle forte a maxima »

Pourquoi ? Simplement parce qu’il avait la conscience claire qu’il ne disait pas vrai ; que les motifs évoqués pour interrompre la première phase du processus électoral, celle qui précède le scrutin (du dimanche 25 février), le dilatoire consécutif à la décision du Conseil constitutionnel, la prétendue concertation et autres motifs invoqués n’ont aucun fondement juridique et n’ont de cohérence que dans l’esprit d’un homme en désarroi ne sachant pas ou plus à quel saint se vouer.

Pour ma part, je n’accorde aucun crédit à sa volonté déclarée de rendre le tablier à date échue. Je suis persuadé qu’il s’accroche à la concertation comme à une bouée de sauvetage espérant que ce groupement de fait, informel, illégitime et irrationnel accommodera la proposition de date de la nécessité de son maintien à la tête le l’Etat jusqu’à l’installation de son successeur.

D’où l’intervention d’éclaireurs pour tenter de défendre avant la tenue de la dite concertation le point de vue selon lequel l’article 36 alinéa 2 est applicable en ce cas de figure malgré la clause d’éternité énoncée par l’article 103 alinéa 7 qui pour l’essentiel à servi de fondement à la décision par laquelle la haute juridiction a anéanti et son décret d’annulation et la loi constitutionnelle prorogeant scandaleusement son mandat.

Cela dit, vraiment dit, et ce, même si nous savons qu’il n’y a pire sourd ou aveugle que celui qui ne veut ni entendre ni voir, nous avons le devoir de rappeler que le Président de la République ne jouit nullement d’un pouvoir discrétionnaire s’agissant de la détermination de la date du scrutin présidentiel.

En effet, l’article 31 de la constitution en son alinéa 1, dispose clairement que le scrutin pour l’élection présidentielle a lieu quarante cinq jours francs au plus et 30 jours francs au moins avant la date d’expiration du mandat du Président de la République en fonction »L’on notera au passage qu’un jour franc renvoie au concept de journée complète, journée pleine et entière).

Et, l’article 33 de précisant que « le scrutin a lieu un dimanche », il est simplement possible de dire que la marge de manœuvre du Président de la République est strictement circonscrite pour ce qui concerne la date du scrutin : deux options ; rien que deux options. Rien de plus, rien au-delà. Et forcément un dimanche.

En convoquant le corps électoral à la date du dimanche 25 février, « l’autorité compétente » avait pris en compte la première de ces options, celle relatives aux 45 jours francs avant la fin de son pouvoir. Pour la limite des 45 jours francs il avait été retenu le dimanche 25 février 2024.

Cela ne signifie-t-il pas que la décision n°1 /C/2024, par laquelle le Conseil constitutionnel « constatant l’impossibilité d’organiser l’élection à la date initialement prévue », invite (comme le gendarme qui invite quelqu’un à le suivre) « les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais », loin de conférer au Président une marge de manœuvre lui enjoint, au contraire, implicitement certes, de se reporter à la seule et dernière option des « 30 jours au moins » ? Ce qui nous porte au dimanche 03 mars.

Mais le Président de la République qui semble (ou feint) de n’avoir rien compris, s’attachant à faire du dilatoire a laissé échapper la seule option légale qui lui restait. Convoquer les électeurs à la date du dimanche 03 mars 2024.

C’est dire que le Président de la République en fonction jusqu’au 02 avril ne peut plus se prévaloir des pouvoirs que lui conféraient les articles 30 alinéa 2 de la constitution et L 63 du Code électoral.

En clair, Il n’a plus le pouvoir de convoquer les électeurs.

Que reste-t-il à faire ?

Attendre le deux avril la mise en œuvre combinée des articles 103 alinéa 7obstacle à la prorogation du mandat en cours, 31 alinéa 2 selon lequel « si la présidence est vacante par …, empêchement définitif, ou …le scrutin aura lieu dans les 60 jours au moins et 90 jours au plus après constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel, 39 selon lequel « en cas de …empêchement définitif ou…, le Président de la République est suppléé par le président de l’Assemblée nationale », et 41.

Dans une telle optique, le scrutin ne pourrait avoir lieu que le Dimanche 02 juin ou le dimanche 30 juin 2024.

Aucune autre date ne pourrait être en conformité avec l’injonction de la décision du Conseil constitutionnel et les dispositions de la Constitution.

Pr. Bouna NIANG

Rappel : l’impossibilité d’organiser le scrutin selon la première option au dimanche 25 février ne laisse à « l’autorité compétente que la seconde option de l’article 31 : 30 jours francs au moins ; option qui impose la date du 03 mars 2024.

Au-delà du 03 mars, aucune autre date ne pourrait être retenue sous l’autorité de l’actuel Président.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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