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Que faire pour arrêter cette épidémie de divorces au Sénégal ? Par Madi Waké TOURE

Ce qui fait la particularité et la force des sociétés humaines, c’est leur capacité à s’interroger sur les phénomènes, à chercher à les inscrire dans un cadre explicatif afin d’y apporter des réponses adaptées aux problématiques qu’ils soulèvent. C’est dans cette optique qu’il m’est venu à l’idée de réfléchi sans aucune prétention sur un fait social important à savoir le divorce.

Car, ici comme ailleurs, la durée de vie conjugale est de plus en plus incertaine et de plus en plus courte. Pourquoi en est-on arrivé là ?

Une certitude : les sociétés africaines installées depuis de longues années dans une crise multiforme aux conséquences sociales terribles, peinent à se réinventer un futur porteur d’espérances. Le chômage chronique des jeunes et les pertes d’emplois par milliers dans le secteur industriel, ajoutés à la dégradation continue des mœurs, ont fini de fragiliser gravement le tissu social avec des liens sociaux de plus en plus médiatisés avec en toile de fond l’argent. Nombreux sont les couples qui vivent dans des logiques « prostitutionnelles » (tu donnes, tu reçois).

De l’avis de plusieurs chercheurs, les problèmes d’argent constituent de nos jours la principale cause de divorce. Et un magazine qui a disparu malheureusement de nos kiosques et qui savait bien lire les faits sociaux, n’hésitait pas à titrer : « Une calculette à la place du cœur ». Terrible et effrayant constat ! Qu’on ne soit pas dès lors surpris par cette cascade de divorces dans un pays où l’immense majorité des hommes ont les poches trouées.

Au registre toujours des causes qui expliquent les multiples divorces, on oublie souvent d’incriminer la différence de conception que les deux conjoints ont du mariage. L’environnement de l’homme africain de sa naissance à l’âge adulte est truffé de discours à caractères religieux, populaires qui font la part belle à La masculinité.

Avouez qu’un schéma mental moulé dans un tel creuset et ancré au plus profond de l’être, il devient difficile de s’en départir du jour au lendemain. Sans compter que cette architecture des rapports entre conjoints est mise à rude épreuve et lézardée de chaque côté par les bourrasques économiques, sociales et culturelles.

Parallèlement, la femme, quant à elle, rêve d’émancipation économique, sociale et culturelle. Elle ne veut et ne souhaite plus qu’on l’enferme dans un ghetto préjudiciable à son épanouissement moral et matériel. Vouloir dès lors assembler ces « deux contraires », relève d’un exercice difficile.

Ce « choc des contraires » avec deux visions complètement différentes, amplifié par la pression sociale, les tensions économiques… tout cela, dis-je, ouvre la voie à des dérapages qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la vie du couple.

Comme on le voit, les choses ne sont pas si simples ! Faut-il alors baisser les bras et se dire qu’il n’y a rien à faire par rapport à ce fléau ? Non !!!

L’Etat central a un rôle capital à jouer là- dessus. Il doit mettre en place des mécanismes institutionnels et autres instruments à caractère économique à même de lutter efficacement contre la pauvreté. N’oublions jamais que la pauvreté constitue le premier facteur de diffusion et de propagation de toutes les perversions sociales.

Toujours dans le sillage des pratiques qui peuvent sauver le couple, il y a l’impérieuse nécessité pour celui-ci de créer des liens. Pour Serigne Mor MBAYE (SMM), psychologue-clinicien, certains problèmes dans le couple proviennent de la pauvreté des liens, ce qui entraîne inexorablement une situation de misère affective. Laquelle induit finalement un manque de créativité pour « animer la relation » nous dit le psychologue.

Cette situation, analysée par l’homme de l’art et fort préjudiciable à la longévité du mariage, beaucoup de couples la vivent. Alors, que faut-il faire pour préserver l’harmonie du couple sur la longue durée ?

Faire le deuil de son passé pour créer un nouvel espace de communication
La réponse que donne SMM à la préoccupation énoncée plus haut, me parait fort juste : « Nous ne sommes pas encore entraînés à une vie de couple qui suppose un effort soutenu de créativité, de respect d’autrui et de ses rythmes biologiques …Un mariage n’est pas forcément une apposition, il est une opposition entre diverses cultures ». Des lors, estime-t-il, il y a tout un travail qui consisterait pour chacun à faire le deuil de ce qu’il a vécu, de son passé, de sa culture pour arriver à créer un nouvel espace de communication, de dialogue avec le respect comme soubassement.

Dans le sillage de cette réflexion, estampillée SMM, il y a urgence de créer aujourd’hui une agence matrimoniale pour préparer les jeunes au mariage et, surtout, aider les couples en difficulté à pouvoir dé- passer les moments difficiles qu’ils vivent.

Toujours dans le registre des pistes pour minorer les retombées négatives du divorce, je crois qu’il y a lieu aujourd’hui de refonder le couple à la lumière de nos traditions et coutumes. Mame Diarra Bousso, la mère de Serigne Touba, Mame Fama Wéllé, la mère de El Hadj Malick Sy ont laissé à la postérité l’image de femmes exemplaires à tout point de vue. S’inspirer de l’exemple de ces braves dames, sublimes de dévouement et de soumission à leurs maris, est-il moins valorisant que suivre certains féministes purs et durs ? La question est posée !

Laye Mboup, brillant chanteur sénégalais, a la réponse à ma question. Je traduis en français une de ses envolées : « Les recommandations que voilà suivies à la lettre par la femme mariée lui réservent une descendance de qualité ; se taire quand le mari gronde ; ne sortir de la maison qu’avec son approbation ; le soir, se laver, porter de beaux habits et se parfumer pour lui plaire ».

Ce discours qu’on peut qualifier d’une autre époque est-il recevable aujourd’hui ? Non et plusieurs fois non, me diront certaines femmes. C’est leur droit ! Mais une chose est sûre : l’Africain, voire le Sénégalais, moulé dans une certaine culture souhaite- rait que sa femme fonctionnât sur le registre énoncé par Laye Mboup.

Dieu sait que si beaucoup de femmes se résolvaient à fermer leur bouche quand leurs maris parlent, certains conflits pourraient ne pas voir le jour dans les couples.

Cela dit, ne rêvons pas : les temps ont changé ! Mais de grâce, gardons intactes certaines valeurs qui faisaient la force de nos sociétés. Réinventons – nous en sommes capables — un schéma de cohabitation qui n’insulte pas les valeurs sur lesquelles nos parents et nos arrières-parents se sont appuyés pour bâtir des foyers à la fois solides et stables et qui constituaient de véritables havres de paix, propices à l’épanouissement moral et social.

Je dois conclure et c’est pour emprunter ces mots pleins de sagesse à Cheikh Ahmed Tidiane Sy Makhtom : « Gnak fayda bé sa keur dou tass, mo guene am fayda bé sa keur tass.» Autrement dit, « Mieux vaut pour la pérennité de son ménage un compromis constructif qu’une intransigeance destructrice. »

Le Saint homme, en homme de son temps, a vu juste ! Vouloir imposer à ces femmes d’aujourd’hui un type de rapports fondé sur la soumission, c’est courir le risque d’un échec certain.

L’immense Cheikh Ahmed Tidiane Sy savait de quoi il parlait. Mais attention : il n’a jamais prôné une faiblesse coupable. Sa démarche s’inscrit dans une perspective surfant sur une bonne intelligence des situations et privilégiant les compromis dynamiques et négociations permanentes au détriment des rapports de forces. C’est là, il me semble, la voie de l’avenir et la bonne direction pour sauver bon nombre de ménages du naufrage.

Madi Waké TOURE, Conseiller en Travail Social

 

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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