L’émissaire de l’ONU en Centrafrique, Mankeur Ndiaye, a réclamé jeudi au Conseil de sécurité une « augmentation substantielle » du nombre de Casques bleus déployés dans le pays, après les récentes attaques meurtrières de groupes armés.
Cette augmentation doit s’accompagner d' »une plus grande mobilité » dans un pays très vaste, a ajouté le représentant de l’ONU, en déplorant par ailleurs une « grande désertion » depuis décembre des forces de sécurité centrafricaines, qui impose des réformes.
« Il faut une stratégie d’aménagement du mandat », a-t-il insisté lors d’une visioconférence du Conseil organisée par les membres africains de cette instance après une demande de Bangui.
M. Ndiaye n’a pas précisé le nombre de Casques bleus supplémentaires souhaité pour la mission Minusca qui compte déjà près de 12.000 militaires et représente l’une des plus grosses et coûteuses opérations de l’ONU dans le monde.
Selon une source proche du dossier, la Minusca souhaiterait le renfort de 3.000 Casques bleus avec des moyens aériens importants (drones, hélicoptères d’attaque, capacités de franchissement ou encore forces spéciales). Le plafond des Casques bleus autorisés passerait ainsi à 14.650 militaires, selon cette source.
Mankeur Ndiaye a aussi réclamé une « prorogation de quelques mois » du renfort intervenu en décembre de quelque 300 militaires rwandais détachés de la mission de paix menée au Soudan du Sud. A l’origine, ce renfort, plutôt rare à l’ONU, était prévu pour deux mois.
L’émissaire a averti le Conseil que « la menace pourrait durer ».
La Minusca a perdu sept Casques bleus – un très lourd bilan – depuis le lancement en fin d’année dernière d’attaques coordonnées et simultanées par les groupes armés anti-Balaka, 3R, MPC et UPC, alliés à l’ancien président centrafricain François Bozizé.
« Débandade »
Les forces de sécurité centrafricaines estimées à environ 2.600 militaires sont trop récentes et trop peu aguerries, dotées d’une trop faible chaîne de commandement et d’un manque de sanctions, a aussi relevé l’émissaire.
« La résultante est la grande désertion observée lors des premiers assauts des rebelles », a-t-il précisé.
Selon une source diplomatique, seuls près de 300 militaires centrafricains ont été déployés après l’annonce en décembre de l’offensive des rebelles. « C’était la débandade », les militaires ont fui, déposé les armes ou se sont réfugiés dans les camps de Casques bleus, a précisé cette source.
Les forces de sécurité en Centrafrique sont principalement formées, depuis longtemps, par l’Union européenne et des instructeurs russes.
« Il est important que le gouvernement redouble d’efforts avec un accompagnement plus coordonné et axé de la communauté internationale à construire des institutions et une gouvernance durable du secteur de la sécurité, y compris dans la gestion des armements et des munitions », a déclaré le représentant de l’ONU.
Le 17 décembre, les six groupes armés les plus puissants, qui occupaient les deux tiers de la Centrafrique en guerre civile depuis huit ans, se sont alliés au sein de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC). Ils ont ensuite annoncé le 19, huit jours avant les élections présidentielle et législatives, une offensive dans le but d’empêcher la réélection du président Faustin-Archange Touadéra, depuis officiellement reconduit dans ses fonctions.
A la situation actuelle, « la seule réponse durable est sûrement politique », a aussi estimé Mankeur Ndiaye.
Selon l’émissaire de l’ONU, « la réélection du président Touadéra va bénéficier à la nation centrafricaine si, et seulement si, le nouvel exécutif va être en mesure d’apaiser les esprits en bâtissant des ponts avec les acteurs politiques de l’opposition ».
« Un gouvernement encore plus intégré est désirable avec un remplacement des éléments les plus radicaux par des membres impliqués dans la paix et la réconciliation », a-t-il martelé.
Devant le Conseil de sécurité, la ministre centrafricaine des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Temon, s’est livrée à un plaidoyer pour « la levée totale de l’embargo sur les armes lourdes » imposé à son pays. Il crée « un déséquilibre dans le rapport de forces sur le terrain » alors que les groupes armés continuent de s’approvisionner, a-t-elle lancé.
La question continue cependant de diviser le Conseil. La Chine et la Russie ont soutenu jeudi cette demande, mais les Occidentaux ont répété leurs réticences à voir un afflux d’armes risquer de tomber entre de « mauvaises mains » dans un pays largement contrôlé par des groupes armés.
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