Société

Un rapport de la Fondation Heirich Böll conforte les déclarations de Boubacar Sèye

«Projets et programmes migratoires au Sénégal de 2005 à 2019 : une avalanche de financements pour des résultats mitigés.» Tel est l’intitulé du rapport réalisé en mai 2020 par la fondation Heinrich Böll qui décrit sans complaisance comment les fonds fournis par l’Union européenne ont été gérés.

Le document conforte ainsi Boubacar Sèye dans ses critiques contre les autorités chargées de la question qui, apparemment, ont échoué dans leur mission.

Depuis mardi dernier, le président de «Horizons sans frontières (HSF)», Boubacar Sèye, croupit en prison. Il est poursuivi pour «diffusion de fausses nouvelles». Il lui est ainsi reproché d’avoir accusé le gouvernement de «détournement» des fonds alloués au Sénégal par l’Union européenne (UE), dans le cadre de la lutte contre l’émigration clandestine.

Et selon les informations jusque-là disponibles, Monsieur Sèye avait dit publiquement en octobre dernier que l’UE a injecté environ 118 milliards de F CFA ces dernières années au Sénégal pour lutter contre le phénomène. Et que ces fonds n’ont pas servi aux ayants droit parce que la situation est devenue plus inquiétante. Des propos qui ne s’éloignent pas trop des éléments contenus dans le rapport publié en mai 2020 par la fondation Heinrich Böll, à moins qu’il y ait d’autres propos et faits qui lui soient reprochés et non rendus publics.

En effet, selon le rapport dont «L’AS » détient copie, il y a une avalanche de financements de projets et programmes migratoires au Sénégal pour des résultats mitigés. Il est ainsi écrit que depuis 2005, suite à la médiatisation spectaculaire de nombreux décès de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes migratoires vers l’Europe, le Sénégal a multiplié les projets et programmes relatifs à la migration clandestine, en grande partie soutenus par l’Union européenne (UE) et plusieurs de ses États membres (France, Italie, Espagne).

Au vu des documents consultés et des entretiens réalisés dans le cadre de cette étude, il a été constaté que de 2005 à 2019, plus de 200 milliards de francs CFA (environ 305 millions d’euros) ont été investis dans le domaine de la migration sur cette période, avec pour principaux objectifs de limiter les départs, que ce soit par un meilleur contrôle des frontières ou en essayant d’améliorer les conditions socio-économiques dans les zones de départ et de favoriser les retours.

Et précisément, de 2015 à 2019, plus de 120 milliards de FCFA (environ 182 millions d’euros) ont été au total décaissés pour la mise en œuvre de projets et programmes orientés vers la dissuasion des migrations irrégulières, soit une augmentation de plus de 140% par rapport à la période précédente. Et malgré cette augmentation exponentielle des financements, note le rapport, les résultats de ces projets et programmes sont mitigés et le phénomène de la migration irrégulière continue de prendre de l’importance. «Cela peut s’expliquer par un contexte institutionnel national marqué par un éparpillement des acteurs et par une absence de politique nationale claire et cohérente », souligne le document.

Entre autres reproches faits à l’Etat du Sénégal, il est indiqué : « Plutôt que de présenter des solutions pérennes adaptées aux contraintes structurelles et conjoncturelles de développement auxquelles fait face le Sénégal, ces projets et programmes semblent surtout répondre aux attentes de l’Union Européenne (UE) et de ses pays membres. Ce qui crée de nombreuses frustrations, en particulier chez les migrants de retour, les candidats à l’émigration et les associations locales impliquées dans ces projets.»

Toujours, selon le texte, les projets et programmes relatifs aux migrations mis en œuvre au Sénégal, sous l’impulsion et le financement des bailleurs internationaux, s’apparentent bien plus à des projets et programmes “anti-migratoires”. «Il s’agit pour la plupart de déprécier et de discréditer l’émigration pour mieux enjoliver des itinéraires de réussite “sur place”.

Au niveau individuel, cela conduit à enfermer les candidats à l’émigration dans leurs espaces comme pour les amener à intérioriser la négation de leur désir de mobilité. Et au niveau institutionnel, à ignorer les bénéfices que cette mobilité pourrait apporter et apporte déjà au Sénégal », indique le document.

RECOMMANDATIONS A L’ETAT DU SÉNÉGAL
En définitive, le rapport de la fondation Heinrich Böll n’a pas manqué de faire des recommandations aux autorités sénégalaises. D’abord, l’étude exhorte l’Etat à mettre en place des politiques et programmes orientés vers l’identification de réponses pérennes et articulées autour des défis et enjeux migratoires propres au Sénégal; et non pensés par rapport à l’agenda de ses partenaires techniques et financiers.

Ensuite, il a été demandé au gouvernement de procéder à une révision en profondeur de la politique nationale de migration du Sénégal avant sa validation politique notamment, afin de mettre en valeur les opportunités à la mobilité internationale de la population sénégalaise.

Enfin, il a été préconisé de créer un ministère chargé des questions migratoires ayant pour mandat d’assurer la mise en œuvre et l’évaluation continue de la politique nationale de migration, ainsi que la coordination des interventions relatives à la migration.

Seydina Bilal DIALLO

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