Cette proposition fait suite à une série de mesures visant à durcir le droit actuel en matière migratoire. Mais ce texte plus restrictif n’a guère de chances d’être conservé une fois devant l’Assemblée.
«J’affirme, en conscience, que le texte qui sera voté par le Sénat est un texte de droite, faisant clairement le choix de la fermeté migratoire», écrivait récemment Bruno Retailleau aux sénateurs Les Républicains (LR). Ce jeudi, la majorité sénatoriale a adopté un nouveau tour de vis législatif proposé par le gouvernement sur l’expulsion des étrangers délinquants.
Après la suppression de l’aide médicale d’État et la restriction du droit du sol, le resserrement du regroupement familial, les quotas migratoires, le rétablissement du délit de séjour irrégulier et le durcissement des règles en matière de régularisations par le travail, cette nouvelle mesure renforce encore la jambe droite du texte de loi immigration qui devrait être voté au Sénat en début de semaine prochaine.
La chambre haute du parlement s’est donc penchée sur deux articles qui prévoient «l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public». Concrètement, les dispositions votées prévoient en substance de lever l’essentiel des «protections» contre l’expulsion pour les étrangers majeurs ayant été condamnés.
Plus précisément, sont visés les étrangers qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement, ou lorsqu’il s’agit de violences intra-familiales. Les immigrés arrivés en France avant 13 ans ne font pas exception. Ces mesures peuvent être assorties d’une interdiction du territoire français pour dix ans.
4000 expulsions supplémentaires par an ?
Une «grande avancée», s’est félicité Gérald Darmanin sur X (ex-Twitter) après l’adoption grâce aux voix de la majorité sénatoriale de droite et du centre. «Nous sommes le seul pays à avoir mis ces protections dans toute l’Union européenne», a fait valoir plus tôt le ministre de l’Intérieur, estimant que les lever va permettre l’expulsion d’environ 4000 personnes supplémentaires par an. «Le fait d’être resté quelques années sur notre territoire ne justifie pas» une forme d’immunité, a-t-il ajouté.
Si ces mesures ne sont pas retoquées par l’Assemblée nationale, qui doit encore se prononcer sur le projet de loi à partir du 11 décembre, elles permettront également de retirer son titre de séjour à une personne qui «ne respecte pas les valeurs de la République», s’est encore félicité Gérald Darmanin.
«Les exceptions ont tué la règle» de l’expulsion d’un étranger condamné en justice et «ces exceptions menacent désormais les Français», a pour sa part déclaré le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, avant de voter ces mesures.
Sans surprise, les voix et les protestations de la gauche n’ont pas permis de faire céder la majorité sénatoriale. Le sénateur écologiste Guy Benarroche a fustigé en vain les «articles les plus dangereux» de ce projet de loi, qui marquent «le retour en force de la double peine» pour des étrangers condamnés qui se verront coup sur coup incarcérés puis expulsés.
Je me félicite de ce vote du Sénat. La règle est la règle et doit être respectée. Un étranger sous le coup d’une #OQTF doit quitter la France. Il en va de la crédibilité de l’État et de la sécurité des Français. https://t.co/4ZqZ5GMl04
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) November 9, 2023
Réécriture annoncée à l’Assemblée
Tard jeudi, les sénateurs ont aussi adopté une mesure permettant de restreindre la délivrance des visas de long séjour à des ressortissants de pays qui ne délivreraient pas suffisamment de «laissez-passer consulaires», nécessaires pour appliquer les expulsions. La France pourra également revoir le montant de l’aide au développement accordée à ces pays.
Mais l’espérance de vie du texte est faible une fois arrivé à l’Assemblée nationale. «Nous rétablirons le texte ambitieux de l’exécutif (…) y compris le volet sur les régularisations», a déclaré mercredi dans Le Figaro Sacha Houlié, président de la commission des lois et figure de l’aile gauche de Renaissance. En dehors du Palais du Luxembourg, les promesses de fermeté de la droite sénatoriale n’ont plus guère de poids.
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