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16 morts au Sénégal depuis jeudi

Des affrontements entre forces de sécurité et manifestants ont fait 16 morts depuis jeudi, alors que l’adversaire du président Macky Sall est menacé d’inéligibilité à quelques mois de la prochaine élection présidentielle.

Une décision de justice qui provoque une nouvelle crise sanglante au Sénégal. Le pays connaît des affrontements, depuis jeudi 1er juin, entre des partisans de l’opposant politique Ousmane Sonko et les forces de sécurité.

Ces heurts, qui ont fait 16 morts en trois jours, interviennent après la condamnation à deux ans de prison de ce candidat à la présidentielle de 2024 et farouche adversaire du président sénégalais Macky Sall. Voici ce qu’il faut savoir de la situation.

Des violences entre forces de l’ordre et manifestants…
Des affrontements ont éclaté jeudi au Sénégal, en particulier dans la capitale, Dakar, ainsi qu’à Ziguinchor, dans le sud du pays.

Le bilan dressé par le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, fait état de neuf morts lors de cette journée d’insurrection. Des groupes de jeunes ont notamment affronté les policiers au sein de l’université de Dakar, devenue un champ de bataille.

Plusieurs bus de la faculté de médecine, du département d’histoire et de la principale école de journalisme du pays ont également été incendiés et des bureaux saccagés.

En réaction, le syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) a condamné « fermement » le saccage des universités et a appelé l’Etat à « jouer pleinement son rôle de garant des libertés individuelles et collectives », rapporte l’Agence de presse sénégalaise (APS).

De nombreuses routes du pays ont aussi été bloquées et la circulation de certains transports en commun a été interrompue, selon RFI. Après avoir constaté « des dérives » et « la diffusion de messages haineux et subversifs », les autorités, qui ont lancé un appel au calme, ont restreint l’accès aux réseaux sociaux dans le pays.

Des heurts ont de nouveau opposé vendredi soir de petits groupes de jeunes manifestants aux forces de l’ordre à Dakar, dans la banlieue de la capitale et dans le sud du pays. « On a enregistré dans la journée du 2 juin six décès », a déclaré samedi le porte-parole du ministre de l’Intérieur à l’AFP, portant à 16 le nombre de morts depuis jeudi.

… après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko
Les violences ont éclaté jeudi après la condamnation à deux ans de prison ferme de l’opposant Ousmane Sonko, 48 ans, candidat à l’élection présidentielle 2024.

Arrivé troisième lors du scrutin de 2019, cet adversaire farouche du président Macky Sall a été condamné pour « corruption de la jeunesse », délit qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans.

L’opposant politique était accusé de viols et menaces de mort sur une employée d’un salon de beauté, Adji Sarr, où il allait se faire masser entre 2020 et 2021. Il a cependant été acquitté par la chambre criminelle du tribunal de Dakar pour ces deux chefs d’accusation, détaille l’APS.

« Ma cliente, tout comme moi, n’est pas satisfaite totalement, elle aurait voulu une condamnation d’Ousmane Sonko à la peine attendue dès lors que le contact sexuel n’est pas rejeté », a réagi l’avocat de la jeune femme, Me El hadji Diouf, rapporte le média sénégalais Le Quotidien.

Un appel à manifester lancé par Ousmane Sonko, qui se dit « séquestré »
Après ce jugement intervenu jeudi, le bureau national de Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, a dénoncé un « complot ourdi par Macky Sall et ses sbires » et appelé « le peuple sénégalais » à « descendre dans la rue », tout en demandant aux « forces de l’ordre et à l’armée de se mettre de son côté ».

Dans la nuit de lundi à mardi, l’opposant politique, qui n’était pas présent à son procès, est sorti de son silence. Il se dit « séquestré » et a appelé ses compatriotes à manifester « massivement ». Ousmane Sonko serait bloqué chez lui à Dakar par les forces de sécurité depuis dimanche. Il peut désormais être arrêté « à tout moment », selon le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall.

Une possible inéligibilité, à neuf mois de la présidentielle
L’issue de ce procès est très politique puisque la condamnation d’Ousmane Sonko pourrait entraîner son inéligibilité, l’empêchant ainsi de se représenter pour le prochain scrutin présidentiel, prévu le 25 février 2024. Son éligibilité avait déjà été mise en péril par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation envers un ministre.

« Que tous les Sénégalais le sachent : Ousmane Sonko ne peut plus être candidat », a affirmé l’un de ses conseils, l’avocat Bamba Cissé. Si elle est actée, cette inéligibilité pourrait ouvrir la voie à un troisième mandat controversé de Macky Sall. Avant lui, deux autres concurrents du président sortant, Khalifa Sall (sans lien de parenté), condamné pour détournement de fonds publics, et Karim Wade, condamné pour enrichissement illicite, ont vu leur trajectoire interrompue par les affaires judiciaires ces dernières années.

Déjà des affrontements mortels en 2021
Depuis février 2021, date du début de l’affaire, la plupart des rendez-vous d’Ousmane Sonko avec la justice ont donné lieu à des incidents et des heurts. En mars 2021, son interpellation sur le chemin du tribunal où il se rendait en cortège a contribué à déclencher les pires émeutes depuis des années.

Quatorze personnes avaient alors été tuées, dont douze à la suite de tirs par balles des forces de défense et de sécurité, selon le bilan dressé par plusieurs ONG, parmi lesquelles Amnesty International.

Dans ce contexte, la France s’est dite « extrêmement préoccupée » ce vendredi 2 juin par les violences ayant éclaté dans le pays. Paris « appelle à la retenue, à cesser les violences et à résoudre cette crise, dans le respect de la longue tradition démocratique du Sénégal », indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères. En outre, une manifestation spontanée se déroulait devant le consulat du Sénégal, appelant le président Sall à démissionner.

Vendredi, la communauté internationale, des représentants d’associations et des stars de foot comme l’attaquant vedette Sadio Mané ont appelé à la retenue et à cesser les violences dans ce pays réputé être un rare îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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