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Pouvoir et finitude – Par Khady GADIAGA

Pouvoir et finitude – Par Khady GADIAGA

Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité ; mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir. Celui-là qui a goûté à l’ivresse du pouvoir ne peut y renoncer. Il continuera à vouloir l’exercer, même par procuration…

La découverte du « pouvoir » est encore plus puissante chez ceux et celles qui n’en ont jamais eu auparavant et qui en consomment pour la première fois. Ils ne touchent plus par terre. Ils frottent leur auréole sans arrêt de peur qu’elle ne perde de sa luminosité. Ils cherchent leur caméra dans l’espoir d’être aux nouvelles du soir. Leur devise pourrait devenir : moi moi moi…

Pour ces drogués du pouvoir devenus d’impitoyables rapaces, des faucons de la république, le pouvoir n’est pas un moyen, il est une fin. Or aucun Pouvoir en ce monde n’est éternel ! Aucune Trajectoire aussi puissante soit-elle, ne reste ascendante! Il suffit d’interroger l’histoire… Loin d’être anecdotiques, les fins de règne en disent long sur notre système politique.

Elles diffèrent bien sûr selon les circonstances, mais en même temps, elles partagent quelque chose de commun. Elles cristallisent ce moment où le pouvoir échappe à son détenteur, où par mille détails, on réalise que le roi est nu.

La finitude, qui touche toute chose, nous préserve de la permanence. Or c’est bien cette dernière qui, peut-être, est la source de nos plus grands maux.

Des collaborateurs qui prennent leurs distances ou entrent en défiance ouverte. Des langues qui se délient pour critiquer ouvertement ce que quelques mois plus tôt, personne n’osait dénoncer, le sentiment que le pouvoir n’imprime plus sa marque ni son influence, et que l’opinion et les médias devenus autistes par convenance ou connivence ont déjà la tête ailleurs, les yeux rivés sur un possible successeur…

Les fins de règne nous parlent de la personnalisation du pouvoir que beaucoup jugent excessive, et qui font du Président un monarque dont les moindres signes de faiblesse sont décortiqués et cruellement commentés. Elles évoquent le temps du politique, dont les ruptures sont de plus en plus marquées et de plus en plus rapides.

Un temps dans lequel la distance entre l’illusion de l’élection et la déception, voire la haine du vainqueur d’hier, est de plus en plus faible. Elles marquent enfin, soit la conclusion d’une époque comme à la fin du crépuscule d’une décennie d’un pouvoir qui se voulait sobre et vertueux, qui a fini par s’avérer castrateur de libertés individuelles et tueuse de débat démocratique, soit le début d’une autre, potentiellement antisystème, porteuse d’avenir pour une famille politique qui marquait l’avènement d’une gouvernance juste, souverainiste et inclusive.

La période de questionnements, en ces jours de turpitudes judiciaires sous fond de parrainage est révélatrice à cet égard.

Le désespoir de part et d’autre se nourrit de ne jamais en finir avec une situation difficile. La vraie angoisse naît de cette confrontation à mort d’où ne sortira qu’un seul vainqueur: le peuple sénégalais.

Il faut bien mal connaître les électeurs sénégalais pour penser qu’on peut les faire avancer à coups de pieds, sans les inclure dans la réflexion et dans les décisions à prendre pour s’assurer de leur collaboration. C’est aussi une conviction que collectivement les citoyens peuvent avoir une prise sur leur destin.

Toute chose connaîtra son épilogue et pour nous consoler même le pire. C’est cette assomption de sa propre facticité qui constitue la teneur de toute existence singulière.

Tout passe, tout casse, tout lasse et tout renaît, est donc le mot de la vie. Car c’est bien d’un mot de la vie dont il s’agit, que quelque chose se termine pour que quelque chose d’autre recommence. Entre ces deux abîmes, celui qui nous accable pour toujours et celui dans lequel nous serons bientôt précipités, se tient l’étroit fil de la vie où, funambules, nous apprenons, armés de notre résilience, à contempler le vide… et à désirer un monde meilleur.

Khady Gadiaga

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