Pour Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France, à l’évidence, la Chine vis-à-vis de l’Afrique se montre très généreuse, mais la peur est que cela puisse constituer une nouvelle forme de colonisation, insidieuse.
La victoire finale de Mao en 1948, après sa « Longue Marche », avait-elle fait peur à l’Occident ? La question peut-elle être reposée, aujourd’hui, en évoquant « les nouvelles routes de la soie » que ce pays en train de construire, depuis 2013 ? Comment le continent africain se positionne-t-il, par rapport à cette lutte larvée des grands, au regard de son propre devenir ?
« Marche et route », ici, symbolisent globalement l’essor de la République populaire de Chine. Cette étoile montante, en passe de dominer le reste du monde, alors que l’Occident, les États-Unis en tête, ainsi que la Fédération de Russie marquent le pas, essoufflés sur la pente vers les nouveaux horizons du progrès.
La peur de la Chine
La peur de la Chine, en Occident, est autant vieille que virale. Elle apparaît, en 1895, quand la théorie de « darwinisme social » fait comprendre que l’Occident risque d’être « phagocyté » par l’Asie, en mouvement exponentiel. À l’époque, la Chine comptait quelque 340 millions de personnes, tandis que le Japon n’était pas le dernier élève en technologie. Cette peur est résumée par l’expression « péril jaune ». Elle est une réalité objective, en 1949, avec la présence de Mao, le communiste, à la tête du pays. Les ouvrages parus à ce sujet, à l’époque, en disent long. A l’exemple de Chine Rouge et péril jaune, de Pierre Lanares.
Obnubilée par le rêve de la délivrance, l’Afrique n’y fait aucunement attention. L’indépendance du Ghana, en 1954, ainsi que la tenue de la conférence de Bandoeng (23 pays d’Asie et 6 d’Afrique réunis pour parler « indépendance et non-alignement »), en Indonésie, l’année suivante, en constituent des ressorts irrésistibles. Il en ressort un mouvement de « fraternité » aboutissant au premier « pacte d’amitié » entre l’Afrique et la Chine. Celle-ci devient vite une pourvoyeuse en armes et en conseils pour la libération du continent. Avec des dividendes indéniables.
A chacun ses peurs
En 2021, plus de sept décennies plus tard, la Chine défie les États-Unis dans quasiment tous les domaines. Elle les coiffe même au poteau pour certains d’entre eux. Et, au-delà, conçoit et commence à réaliser « ses routes de la soie ». Un projet pharaonique, évalué à quelque 1000 milliards de dollars C’est une espèce de ceinture commerciale, qui relie la Chine à l’Europe, en intégrant l’Asie centrale, par un réseau de routes, de chemins de fer, d’oléoducs et des structures portuaires. Avec un embranchement par l’océan indien vers l’Afrique de l’est (Kenya).
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’Occident s’emballe. Ses médias en parlent avec frénésie et des plumes, dont certaines acérées, vont jusqu’à évoquer l’ambition par la Chine de vouloir « restructurer la gouvernance du monde ». La peur du « péril jaune », laquelle n’était d’ailleurs que latente, a donc refait surface. L’ouvrage de François Godement et Anigaël Vasselier, La Chine à nos portes, traduit bien ce sentiment.
Le pays de Mao est présent en Afrique. Mais, c’est à l’heure de la mondialisation. Cette tension, de basse intensité, entre les deux puissances doit, pour le continent, trouver sa place dans un jeu d’équilibre et de juste milieu. À l’évidence, la Chine vis-à-vis de l’Afrique se montre très généreuse, mais la peur est que cela puisse constituer une nouvelle forme de colonisation, insidieuse. Quant à l’Occident, il serait en train de revoir sa copie, semble-t-il. Dont acte.
À chacun donc ses peurs. Réelles ou supposées. C’est de bonne guerre !
Jean-Jules Lema Landu
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