Même à supposer que notre Conseil Constitutionnel soit corrompu jusqu’à l’os, cela ne justifierait pas la décision prise par le Président Macky Sall de reporter les élections sine die.
Des juges de la Cour Suprême américaine sont également corrompus, c’est largement documenté.
Malheureusement, nul n’a les prérogatives de les démettre.
Donc, ils restent, se vautrent dans leur corruption et jugent sans possibilité de recours. Est-ce idéal ? Non. C’est cependant ainsi que fonctionne la République. Au Sénégal, la supposée corruption des juges du Conseil Constitutionnel n’est pas autant documentée que ne l’est celle du juge Clarence Thomas ou de feu le juge Scalia par exemple. Mais même si elle l’était sans l’ombre d’un doute, cela ne donnerait pas à l’exécutif et au législatif le pouvoir de se coaliser pour s’emparer des prérogatives du pouvoir judiciaire.
Le Président Macky Sall est singulièrement mal placé pour jouer les pères la vertu. Non seulement c’est lui qui a dit, en public, qu’il lui arrivait d’intervenir dans des dossiers judiciaires mais en plus, c’est lui qui a, tout le long de ses 12 ans de règne couvert les scandales de corruption et promu de sinistres personnages épinglées par les corps de contrôle de l’État.
De plus, même à supposer que les juges de notre Conseil Constitutionnel soient corrompus, qui les a choisis ? Pour la plupart d’entre eux, c’est le Président Macky Sall lui-même. Pour le reste, c’est le Président de l’Assemblée nationale qui a proposé la liste de laquelle le Président Macky Sall les a extraits.
On peut donc constater, à supposer que nos sept sages soient corrompus, que cette corruption serait la conséquence directe de l’incapacité des chefs de l’exécutif et du législatif à effectuer un choix de juges constitutionnels dignes de confiance.
Aujourd’hui, les mêmes qui sont responsables du choix de ces supposés corrompus, se coalisent pour prendre prétexte de leur supposée corruption et repousser indéfiniment les élections. Cela n’est pas acceptable et ne saurait être accepté. Cela est d’autant moins acceptable que le Conseil Constitutionnel n’est pas la seule instance en charge des élections au Sénégal.
Ce n’est qu’une instance de validation. Entre les juges qui supervisent le processus, les fonctionnaires qui organisent les elections, la CENA qui en surveille le déroulement, la presse qui a l’habitude de jouer un rôle de vigie et la population qui participe activement à la sécurisation du vote, nul ne peut tricher lors des élections et le Conseil Constitutionnel n’a d’autre choix que de proclamer les résultats constatés par tous.
Jusqu’au 2 avril le Président Macky Sall est le Président de la République du Sénégal. Après le 2 avril, il ne l’est plus. Cela veut dire qu’aucun fonctionnaire ne doit plus lui obéir après cette date. La crise qui se profile, si la classe politique ne se ressaisit pas, est extrêmement grave.
C’est également l’occasion de réfléchir sur notre République. Nous avons passé les deux dernières années nous positionner sur une affaire judiciaire et à discréditer la justice. Les mêmes qui actuellement défendent le Conseil Constitutionnel l’ont naguère insultée. Ce discrédit jeté en permanence sur les institutions, les positionnements à géométrie variable ont fait bon marché de l’État de droit. Beaucoup ont accepté et proclamé qu’était acceptable la décision de justice qui leur était favorable.
Ne devait pas s’appliquer celle qui leur déplaisait. Quand on discrédite la justice, on obtient ce qui vient de se passer : une coalition mafieuse décide d’enlever des juges inamovibles s’ils ne se plient pas à sa volonté. Ne nous y trompons pas.
Ceux qui ont soutenu un séditieux qui a expressément dit que les juges constitutionnels “sont des délinquants de la loi” ne peuvent se laver les mains du coup d’État constitutionnel que les libéraux essaient de réaliser. Le Président Macky Sall, avec son discours du 3 juillet était rentré de fort belle manière dans l’histoire du Sénégal.
Avec le discours du 3 février, il vient d’ouvrir la boite de Pandore, malheureusement, ses adversaires l’ont aidé à en soulever le couvercle. Nous devons tous, collectivement refermer ce couvercle et organiser les élections avant le 2 avril.
Mouhamadou El Hady Ba,Université Cheikh Anta Diop de Dakar
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