Faute d’autorité, le pouvoir tyrannique fait preuve d’autoritarisme. Au mépris de la morale, de l’éthique, du droit, de la sagesse et du bon sens. Il bricole quitte à faire de la démocratie et des droits de l’homme une quincaillerie des objets politiques nocivement tranchants.
Tel un bricoleur, il compte s’appuyer sur la fameuse « boîte à outils du dictateur », bien connue en Afrique, pour conserver le pouvoir. C’est ce qui explique qu’en Afrique, 9 élections sur 10 sont remportées par le détenteur du pouvoir, également gestionnaire du processus et du matériel électoral qu’il peut manipuler à sa guise, armé de la « boîte à outils du dictateur » qui est aussi « la boîte à tricherie du système ». Celle-ci est le sésame qui lui permet, en fonction des circonstances, d’utiliser l’option qui convient le mieux à son égocentrisme situationnel.
L’obsession de la conservation indue du pouvoir le motive, au-delà du raisonnable et de toute rationalité, à vouloir neutraliser l’opposition qui résiste à ne pas être réduite à sa plus simple expression.
Ainsi, après avoir mobilisé tous les instruments de neutralisation politique que sont la politisation du droit, la limitation de la participation, la marchandisation de la représentation, la restriction de la délibération, l’élévation de barrières tel que le parrainage, voilà qu’il s’essaye à l’Intelligence Artificielle (IA) une fois de plus.
La clé du succès est ainsi recherchée dans la manipulation des clés USB et la perversion des logiciels à des fins frauduleuses. A l’ère du numérique, la digitalisation de la tricherie par l’Intelligence Artificielle entreprend de détourner en amont le respect profond que l’on doit aux lois.
D’une part, le pouvoir en place recourt à des stratégies visibles de neutralisation de l’opposition avec les achats de vote et de parrainages, le gonflement de certaines circonscriptions électorales, l’arbitraire, l’injustice et la violence ciblée contre les partis de l’opposition, la neutralisation par la politisation du droit, la restriction de la délibération avec les coupures d’Internet et la décrédibilisation de la société civile.
Et d’autre part, nous assistons à la mobilisation de tactiques plus subtiles, destinées à la manipulation des élections à l’avance en arrangeant le fichier électoral à son avantage et en délimitant les circonscriptions d’une telle manière que le candidat du président sortant soit favorisé; lui permettant de faire son investiture au moment où on empêche l’adversité politique de réunir en meeting, même au sein de leurs sièges. A cela s’ajoute l’utilisation des ressources de l’État pour coopter des leaders et des groupes influents, le contrôle des médias.
L’enjeu, dès lors, pour celui qui ne veut pas courir le risque de perdre le pouvoir, c’est de faire gagner son candidat en s’ingérant dans le processus, en y ingérant des conditionnalités contraignantes promptes à enrayer l’expression souveraine de la volonté populaire qui octroie toute légitimité, ainsi que toute audibilité, toute visibilité et toute représentativité, autres que celles dont il entend outiller son candidat, aujourd’hui perçu comme un « OPNI » (objet politique non identifié) dans le landerneau politique sénégalais.
La campagne électorale risque de révéler au grand public son impopularité plus que sa légitimité politique face à la « sonkorisation » ambiante de plus en plus grandissante et envahissante.
L’avenir de la démocratie ne saurait être suspendue à un ordinateur au Conseil Constitutionnel, à un logiciel suspect et à un informaticien retranché entre 4 murs et apparemment sous l’emprise de la machination politicienne. Et si cet ordinateur était volé du fait d’un cambriolage ? Il est fort à parier qu’il se poserait un problème grave. Je ne voudrais pas donner de mauvaise idée à ceux qui veulent que l’élection soit reportée, mais cette éventualité pourrait être une piste de sortie pour éviter la déroute électorale redoutée.
Jamais, dans l’histoire politique du Sénégal, autant de stratégies de neutralisation politique n’ont été utilisées avec une telle ampleur et un tel acharnement pour modifier le processus électoral en vue de garantir une victoire non méritée à son candidat. Le Sénégal n’avait jamais atteint ces niveaux aussi élevés de manipulation pré-électorale.
La tricherie par le bourrage des urnes trop flagrante ne fait plus recette. Trop visible le jour du scrutin et exposée à la critique internationale, elle est substituée à d’autres stratégies qui pourraient fonctionner une ou deux fois, mais pas éternellement. En 2019, l’élimination des candidats pour défaut de parrainages n’avaient pas connu autant de répliques qu’aujourd’hui, grâce à l’ingéniosité des informaticiens sollicités par l’opposition qui a révélé les incongruités d’une ampleur déconcertante.
Par la production bizarre et apparemment volontaire d’erreurs matérielles et d’altération des données, le bricolage électoral se veut une œuvre d’invalidation et de rejet de certaines candidatures. Il faut y voir bien évidemment de la corruption informatique et statistique.
Car, « avant d’ être un concept, nous apprend un éminent juriste, la corruption est une réalité brute qui échappe aux formalisations classiques du droit et aux radars de la statistique. Elle signale la persistance de la domination derrière les législations de façade, d’un rapport de force pré-politique qui a l’intelligence de maquiller sa brutalité sous les apparences du droit. » ( Antoine Garapon, « La peur de l’impuissance démocratique,Esprit, 2014/2, p. 19-30 dont p. 21).
L’élection est la seule réponse à la corruption et à la révolution que pourrait être tentée de vouloir le peuple. L’élection est en soi une révolution. Toute élection est une occasion pour les citoyens d’empêcher le pouvoir, entendu comme système, d’embrayer dans la mal gouvernance, de nuire au bien et de fructifier le mal.
C’est une occasion pour le peuple de broyer la mal-présidence à la source de la mal gouvernance ; d’escompter le bien à la faveur d’un changement de régime, permettant à la société de respirer. Car, depuis bien des années, fatigués d’être fatigués, nous étouffons sous les projectiles et l’image de ces artères publiques investis de chars, de cagoules, d’armes, de boucliers qu’il faudrait ranger dans les casernes après le 25 février 2024, date de l’élection présidentielle. Redonner à l’uniforme toute sa noblesse et non l’exposer à tous les ronds-points comme si nous étions en état d’urgence, de siège ou en guerre.
Il est fort probable que l’on assiste à un vote sanction massif en défaveur du candidat du régime et au
profit de celui que le leader de l’opposition Ousmane Sonko désignera, car le peuple juge, sage et arbitre déterminé pourrait se dire : « Peu importe la direction Sonko ou le chemin Diomaye, seule compte la destination : la victoire. Les citoyens voteront, à la fois, en connaissance et en désespoir de cause. Ils choisiront ce qu’ils évertuent d’éliminer depuis des années sans toujours y arriver, du fait des légitimités corrompues et mal acquises. Ils élimineront ce que le régime s’obstine à vouloir maintenir, coûte que coûte, contre la volonté du peuple et l’intérêt supérieur de la nation.
Le pouvoir s’imagine pouvoir s’en sortir en incarnant le profil de ce qu’on appelle au Sénégal « L’homme aux 12 métiers », capable de s’adonner à la mécanique, à la peinture, à la maçonnerie, à la plomberie, à l’électricien, au maçon, au menuisier entre autres. Un président sortant peut-il se permettre, 12 ans après son règne calamiteux, au nom de l’honneur et de la noblesse de la fonction, se jeter dans la mêlée en transformant dans la foulée l’administration et la justice en particulier, comme les marteaux, pinces, clous, tenailles pour enfoncer les prétendants, scier les ambitions, nouer des intrigues, ligoter les électeurs ? Ce grand bazar doit cesser. Le 25 février est une occasion espérée. Il convient de ne pas la rater en veillant et en surveillant le vote.
Car, après toutes ces subterfuges, stratagèmes et petites bricoles, aucune clé n’est assez fiable pour déboulonner la volonté farouche du peuple, cette « pièce maîtresse » qui a horreur des pouvoirs qui cherchent à survivre à leurs rouillures. Pour déverrouiller le boulon que constitue ce système, les citoyens farouchement déterminés mettront dans leur outil qu’est le bulletin de vote, de « l’huile » plutôt que le feu.
Cette huile essentielle qu’est le droit et le devoir de voter permet de glisser le bulletin dans l’urne à broyer les mauvais dirigeants. Celle-ci déborde dans le vase de la conscience du peuple qui sait s’inscrire dans une maturité salvatrice quand il le décide en toute tranquillité, pour leur administrer le KO ou autrement dit, sans aucune vulgarité, le « Kock Out ».
Par Ibrahima Silla
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