La machine à emballer tourne à plein régime dans l’usine de Nakobs’ Pac, en banlieue d’Accra, la capitale du Ghana, qui produit des sachets d’eau potable pour la consommation.
A la chaine, trois ouvriers emballent les paquets par 30 sachets. Et pourtant, tout ne va pas pour le mieux chez Nakobs’ Pac. Comme dans de nombreuses entreprises ghanéennes, le propriétaire vit dans l’angoisse de devoir bientôt mettre la clé sous la porte.
Avec une inflation historique de plus de 50%, l’effondrement du cours de la monnaie locale de 50%, des prix à la pompe qui ont doublé et une dette dont le remboursement avale la moitié des revenus de l’Etat, le Ghana est aux prises avec une grave crise économique. Sa pire, depuis des décennies.
Le gouvernement a signé mardi un accord de renflouement de 3 milliards de dollars avec le Fonds monétaire international dans le but de consolider ses finances publiques, mais la stabilité économique est encore loin.
« Il serait préférable pour nous de fermer l’usine », dit à l’AFP son directeur Daniel Tekyi assis dans le jardin qui jouxte la fabrique. « Nous ne savons vraiment pas quand cette crise va se terminer ».
Il y a quelques années encore, le Ghana faisait figure de modèle de stabilité économique et politique dans une région ouest-africaine en proie aux coups d’Etat et violences de groupes jihadistes.
Mais à l’instar d’une grande partie du continent, le pays a eu du mal à se relever du ralentissement provoqué par la pandémie mondiale, avant d’être brusquement touché par les retombées économiques de la guerre en Ukraine.
Austérité budgétaire ?
C’est pour éviter un défaut de paiement que le président Nana Akufo-Addo s’est tourné vers le FMI, lui qui avait autrefois promis un « Ghana sans aide ».
Il faut dire qu’à mesure que le pays s’enfonce dans la crise, les investisseurs se détournent de lui.
Les mesures prises par le gouvernement pour augmenter ses recettes, face à une dette qui explose, n’ont pas suffi. Ni l’augmentation de la TVA de 2,5%, ni le gel des embauches dans la fonction publique.
Pour le ministre des finances, Kenneth Ofori-Atta, l’accord de renflouement avec le FMI, l’échange de dette et un ensemble de réformes rétabliront la confiance des investisseurs et doivent remettre l’économie sur les rails après de « graves moments ».
Mais nombre de Ghanéens craignent qu’avec cet accord le gouvernement ne soit forcé d’imposer de nouvelles mesures d’austérité qui accableraient un peu plus la population.
« Le gouvernement doit concevoir des mécanismes pour atténuer toutes les conditions du FMI qui pourraient affecter les citoyens, en particulier sur l’emploi public et les impôts élevés », souligne auprès de l’AFP l’économiste Daniel Anim Amarteye.
« Si cela n’est pas fait, cela pourrait être politiquement fatal ».
La prochaine élection présidentielle aura lieu dans deux ans. Le président Akufo-Addo devant se retirer après deux mandats, le parti au pouvoir, le NPP, se prépare à des primaires prévues en 2023.
A qui la faute ?
Comment le Ghana en est-il arrivé là ? Lui, qui avant la pandémie, était porté en exemple en Afrique pour ses taux de croissance élevés, sa production pétrolière en hausse et un très fort intérêt des investisseurs.
Le gouvernement voyait long terme: il a dépensé beaucoup pour des programmes sociaux tels que la gratuité de l’enseignement secondaire et des programmes de formation.
Mais son niveau d’endettement élevé constituait toutefois un problème imminent. Or, depuis le début de l’année, la monnaie locale -le cedi- s’est dévaluée de plus de 50% par rapport au dollar américain. Cela a contribué à augmenter la valeur de la dette de 6 milliards de dollars.
Une partie importante de l’accord avec le FMI consiste à ramener le pays à une dette viable par le biais d’une restructuration, en demandant aux investisseurs d’échanger leurs obligations contre de nouvelles obligations arrivant à échéance plus tard.
« Quel que soit le résultat du programme du FMI et la manière dont ils peuvent redresser la barre, l’histoire montrera que le gouvernement nous a conduits à une inflation de 40% (…) et que le cedi s’est déprécié de 54% », dit à l’AFP un des responsables de l’opposition, Isaac Adongo.
Pour le parti au pouvoir, la crise est seulement due aux chocs externes: le Covid et l’offensive russe en Ukraine.
« En supposant que le Covid n’ait pas eu lieu, quelle serait notre histoire ? », interroge Richard Ahiagbah, porte-parole du NPP. « Les coûts mondiaux sont la cause de notre inflation ».
Ce débat politique intéresse peu M. Tekyi, le propriétaire qui tente de maintenir à flot son usine de sachets plastiques. A cause de l’inflation, ses coûts de production dépassent désormais son prix de vente. Alors impossible d’envisager acheter de nouvelles pièces pour les machines.
« Pour l’instant, nous produisons et sommes déficitaires », dit-il. « Nous nous débrouillons pour pouvoir produire et garder nos travailleurs et qu’eux au moins puissent continuer de toucher un salaire ».
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