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Alexeï Navalny, l’ennemi numéro un de Vladimir Poutine, est mort dans sa prison de l’Arctique

L’opposant numéro 1 du Kremlin, Alexeï Navalny, est mort vendredi, selon les autorités, dans sa prison de l’Arctique, un décès qui intervient à un mois de la présidentielle qui doit encore une fois cimenter le pouvoir de Vladimir Poutine.

Sa mort après trois années de détention et un empoisonnement dont il accusait le Kremlin prive une opposition déjà exsangue de sa figure de proue, le Kremlin ayant orchestré une répression sans merci de tous ses détracteurs, en particulier depuis le début de son assaut contre l’Ukraine il y a deux ans.

Les autorités russes n’ont fourni presque aucun détail sur les conditions du décès de Navalny, se limitant à un communiqué lapidaire pour assurer avoir tout fait pour réanimer l’opposant, à la santé fragilisée par son empoisonnement et son emprisonnement, après un malaise.

« Le 16 février 2024, dans le centre pénitentiaire N°3, le prisonnier Navalny A.A. s’est senti mal après une promenade et a presque immédiatement perdu connaissance », a indiqué le FSIN (service pénitentiaire russe) de la région arctique de Iamal, assurant que les secours avaient tenté de le sauver.

« Tous les gestes de réanimation nécessaires ont été pratiqués mais n’ont pas donné de résultat positif. Les médecins urgentistes ont constaté la mort du patient. Les causes de la mort sont en train d’être établies », a-t-il précisé, dans ce communiqué.

L’hôpital voisin de la prison, dans la bourgade de Labytnangui a indiqué que des secouristes avaient été envoyé sur place en sept minutes après l’appel du camp de prisonniers.

« Les médecins arrivés sur place ont poursuivi les opérations de réanimation qu’avaient déjà mené les médecins de la prison. Ils les ont poursuivies plus de 30 minutes. Cependant le patient est décédé », a-t-il indiqué aux agences russes.

L’agence de presse d’Etat Ria Novosti a indiqué vendredi que Navalny avait participé par vidéo la veille à deux audiences devant un tribunal de la région de Vladimir, et qu’il n’avait exprimé aucune plainte s’agissant de sa santé.

« Hier, il y avait chez nous deux audiences. Il n’a exprimé aucune complainte s’agissant de son bien-être, il s’est exprimé activement », a indiqué à l’agence Ria Novosti le tribunal de la ville de Kovrov.

Agé de 47 ans, Alexeï Navalny purgeait une peine de 19 ans de prison pour « extrémisme » dans une colonie pénitentiaire reculée de l’Arctique, dans des conditions très difficiles. Ses multiples procès avaient été largement dénoncés comme politiques et une manière de le punir pour son opposition à Vladimir Poutine.

Proches pas informés
Les soutiens de l’opposant Alexeï Navalny n’ont pas été informés de sa mort en prison, a indiqué sa porte-parole Kira Iarmich, précisant qu’un de leurs avocats se rendait sur place.

Un des conseils de l’opposant, Léonid Soloviev, avait indiqué qu’un défenseur de M. Navalny avait pu le voir mercredi et « à l’époque, tout était normal ».

<p>L’opposant russe emprisonné Alexei Navalny vu un écran via une liaison vidéo depuis la colonie pénitentiaire IK-3, au-dessus du cercle polaire arctique, lors d’une audience sur sa plainte concernant les restrictions imposées aux livres et au matériel de lecture auxquels il peut accéder en prison, à la Cour suprême de Moscou, le 11 janvier 2024</p>
Vladimir Poutine, en déplacement dans l’Oural vendredi, a lui été informé du décès, selon son porte-parole Dmitri Peskov, mais n’a pas réagi.

« Le président est informé », a-t-il indiqué, selon l’agence de presse d’Etat TASS, ajoutant que les services pénitentiaires s’occupaient des « vérifications » et des « éclaircissements » sur la cause du décès.

La télévision russe a rapporté le décès dans un court sujet peu après la diffusion par la chaîne Rossiya 24, en différé semble-t-il, d’une séance de questions-réponses avec des étudiants et de ouvriers en compagnie de M. Poutine lors d’une visite d’usine.

Lors de diverses audiences à des procès auxquels il participait par vidéo ces derniers mois, Navalny, un grand blond au regard bleu perçant apparaissait amaigri et vieilli.

Empoisonné en 2020
Il avait enchaîné les problèmes de santé liés à une grève de la faim et à l’empoisonnement dont il avait été victime en 2020 et auquel il avait survécu miraculeusement.

En Occident, nombreux sont les responsables qui ont immédiatement dénoncé la responsabilité du pouvoir russe dans sa mort.

« La Russie est responsable », a martelé le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.

« Il est évident pour moi que (Alexeï Navalny) a été tué comme des milliers d’autres qui ont été torturés à mort à cause d’une seule personne, Poutine », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d’une conférence de presse commune avec le chancelier Olaf Scholz à Berlin.

Navalny « vient d’être brutalement assassiné par le Kremlin », a pour sa part affirmé le président de la Lettonie. Pour le chef de la diplomatie française, il « a payé de sa vie sa résistance à un système d’oppression ».

Le chancelier Scholz a jugé qu’il avait « payé son courage de sa vie » tandis que l’UE tient « le régime russe » pour « seul responsable » de la tragédie.

Le prix Nobel russe de la paix et rédacteur en chef du journal d’opposition Novaïa Gazeta, Dmitri Mouratov, a qualifié la mort de Navalny de « meurtre ».

La prison n’avait pas entamé la détermination d’Alexeï Navalny. Au cours des audiences de ses différents procès et dans des messages diffusés sur les réseaux sociaux par l’intermédiaire de son équipe, il n’a jamais cessé de conspuer Vladimir Poutine.

Dans son procès pour « extrémisme », il avait fustigé « la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle », évoquant l’assaut russe contre l’Ukraine.

Dans ses messages en ligne, il ironisait sur les brimades que l’administration carcérale lui faisait subir.

« L’espoir est mort »
A Moscou, des jeunes interrogés par l’AFP se disaient désemparés après sa mort.

Valeria, une guide touristique de 28 ans, estime qu’Alexeï Navalny était « un symbole de l’espoir d’un avenir meilleur pour la Russie ». « J’ai l’impression qu’avec sa mort, cet espoir meurt aussi ».

Dans un message le 1er février diffusé par son équipe sur les réseaux sociaux, l’opposant avait appelé à des manifestations partout en Russie lors de la présidentielle prévue du 15 au 17 mars et qui doit permettre à Vladimir Poutine de se maintenir au pouvoir.

Les opposants ont été emprisonnés ou poussés à l’exil ces dernières années, et la répression s’est encore accrue depuis le début de l’assaut de Moscou en Ukraine, déclenché le 24 février 2022.

Le plus connu d’entre eux est Vladimir Kara-Mourza, qui purge une peine de 25 ans de prison et qui a été empoisonné à deux reprises. Il souffre de graves problèmes de santé en détention.

Un autre opposant avec une certaine notoriété est Ilia Iachine. Il a été condamné à huit ans et demi de prison pour avoir dénoncé « le meurtre de civils » dans la ville ukrainienne de Boutcha, près de Kiev.

D’autres détracteurs de M. Poutine ont été assassinés. Boris Nemtsov a été tué par balles près du Kremlin en février 2015, un assassinat dont le commanditaire n’a jamais été identifié.

L’opposition compte d’autres figures mais elles se sont exilées, à l’instar de Mikhaïl Khodorkovski, un ancien magnat du pétrole, qui a passé dix ans en prison après s’être opposé à M. Poutine au début des années 2000.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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