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L’opposition sénégalaise crie au « coup d’Etat constitutionnel » après le report de la présidentielle mais accuse le coup

L’opposition sénégalaise crie au « coup d’Etat constitutionnel » après le report de la présidentielle au 15 décembre et le maintien du président Macky Sall probablement jusqu’en 2025, sans avoir encore mobilisé contre un fait accompli qui entache selon elle la vitrine démocratique nationale.

L’opposition paraît sonnée et n’a pas réussi pour l’instant à faire bloc.

Le report et les conditions dans lesquelles il a été entériné ont suscité une indignation largement partagée sur les réseaux sociaux, malgré la suspension de l’internet des données mobiles par le gouvernement depuis lundi.

Mais la protestation est restée limitée et l’activité, à l’arrêt lundi, revenait à la normale mardi à Dakar. Des tentatives de manifestations ont été réprimées dimanche et lundi.

Ousseynou Ly, responsable du Pastef, a rapporté que cinq députés membres ou alliés du parti dissous par les autorités en 2023, avaient été interpellés mardi dans un quartier populaire de Dakar et dans la banlieue de capitale. L’AFP n’a pas pu confirmer leur interpellation auprès de la police, pas plus que celle relatée par la presse de plus de 150 personnes depuis dimanche.

Les cinq parlementaires s’étaient opposés lundi au report de la présidentielle à l’Assemblée. Le Pastef a affirmé sa volonté de continuer à faire campagne derrière son candidat Bassirou Diomaye Faye, incarcéré depuis avril 2023.

Par ailleurs, une des 20 candidats retenus par le Conseil constitutionnel avant qu’un processus électoral de plusieurs mois ne vole en éclats la semaine passée, Rose Wardini, en garde à vue depuis vendredi, a été remise en liberté mardi, a appris l’AFP auprès de sa famille.

Mme Wardini, qui avait été arrêtée par la police pour notamment « faux en écriture, dans une enquête sur sa double nationalité franco-sénégalaise présumée, a été placée sous contrôle judiciaire, selon les médias locaux. Une nationalité sénégalaise exclusive est exigée des candidats à la présidentielle.

L’Assemblée a adopté lundi soir, dans une atmosphère électrique et sous la protection des gendarmes, une proposition de loi qui parachève pour le moment l’une des plus graves crises institutionnelles qu’ait connues depuis l’indépendance en 1960 ce pays volontiers vanté pour sa stabilité et sa pratique démocratique dans une région troublée.

Pour la première fois, les Sénégalais, qui devaient élire leur cinquième président le 25 février le feront presque dix mois plus tard que prévu, si les choses ne changent pas d’ici là.

Outre le report, une alliance de 105 députés du camp présidentiel et de partisans du candidat recalé Karim Wade a approuvé le maintien à son poste du président Macky Sall jusqu’à l’installation de son successeur, très vraisemblablement début 2025.

Le mandat de M. Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, arrivait à expiration le 2 avril.

Retour à la case départ
Aliou Mamadou Dia, un des 20 candidats retenus par le Conseil constitutionnel, a parlé comme d’autres de « coup d’Etat constitutionnel ».

Les médias ont publié la tribune de plus de 100 universitaires et personnalités décrivant le président comme le « fossoyeur de la République ». Ils parlent de « bouquet final » d’un « plan de liquidation de la démocratie ».

« Comment avoir confiance dans le système politique dans de telles conditions », s’interroge Modou Diouf, un comptable de 37 ans, dans le train rapide reliant Dakar et sa banlieue.

Le mécontentement touche aussi le camp présidentiel.

Le musicien Youssou N’Dour, ancien ministre et proche du président, a dit réprouver « sans équivoque » le report, et s’inquiéter pour le pays, en proie à « trop d’animosités ».

Un ancien compagnon de route du président Sall, Abdou Latif Coulibaly, a démissionné samedi du gouvernement.

Le vote de l’Assemblée ne sort pas le pays de l’inconnu, mais semble le ramener à la case départ d’un processus plein de dangers.

Il concrétise l’annonce samedi par le président Sall de l’abrogation du décret convoquant les Sénégalais aux urnes, ce qui revenait à repousser l’élection.

M. Sall disait tirer les conséquences du conflit ouvert depuis plusieurs jours entre le Conseil constitutionnel et le Parlement après l’homologation définitive de vingt candidatures et l’invalidation de dizaines d’autres. Le chef de l’Etat disait vouloir prévenir toute contestation pré- et post-électorale et des troubles politiques comme ceux que le pays a connus en 2021 et 2023.

Le flou maintenu pendant des mois par le président Sall sur une nouvelle candidature en 2024 avait contribué aux crispations à l’époque. Il avait finalement annoncé en juillet 2023 qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat et répété cet engagement samedi.

Mais l’ajournement de l’élection, dont la constitutionnalité est vivement mise en doute, a aussitôt avivé le soupçon d’un plan du camp présidentiel pour éviter une défaite annoncée, voire pour prolonger la présidence Sall.

De nombreux partenaires étrangers du Sénégal ont exprimé leur inquiétude.

L’organisation ouest-africaine CEDEAO, dont le Sénégal est membre et au sein de laquelle il a constamment plaidé pour le respect de l’ordre constitutionnel dans les autres pays, l’a encouragé à « prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral ».

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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