Les pays d’Afrique de l’Ouest se réunissent dimanche à Abuja en « sommet spécial » pour évaluer la situation au Niger après le coup d’Etat militaire, avec de probables sanctions à la clé dans le sillage de celles décidées par la France et l’UE.
La pression s’accroît chaque jour un peu plus sur le nouvel homme fort proclamé du pays, le général putschiste Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle du Niger, à l’origine de la chute de Mohamed Bazoum, séquestré depuis quatre jours.
De fait, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, 15 membres) peut prononcer des sanctions contre le Niger, l’un de ses membres, et emboîter le pas à l’UE et la France, qui ont décidé de suspendre leurs aides budgétaires, et même sécuritaires du côté de l’institution européenne, ne reconnaissant pas les « autorités » issues du putsch.
Le président nigérian à la tête du bloc ouest-africain, Bola Tinubu, avait condamné le coup dès mercredi et promis que l’organisation et la communauté internationale « feraient tout pour défendre la démocratie » et son « enracinement » dans la sous-région.
L’aide publique au développement française pour le Niger s’est élevée à 120 millions d’euros en 2022. Elle devait être légèrement supérieure en 2023 mais ne sera donc pas délivrée, selon le ministère des Affaires étrangères.
Quant à l’Union africaine (UA), elle a posé vendredi un ultimatum de 15 jours aux militaires pour rétablir « l’autorité constitutionnelle ».
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a, lui, assuré M. Bazoum de « l’indéfectible soutien » de Washington, assurant que le coup d’Etat mettait en péril le « partenariat » entre les Etats-Unis et le Niger.
Il a également parlé dimanche avec M. Tinubu, exprimant sa « profonde inquiétude » tout en saluant le « leadership » et les « efforts » du président nigérian pour « restaurer l’ordre constitutionnel au Niger », a rapporté Matthew Miller, porte-parole du département d’Etat.
Pivot antijihadiste
Situé en plein cœur du Sahel, le Niger est l’un des pays les plus pauvres au monde, vaste territoire désertique d’une population de quelque 20 millions d’habitants, avec une croissance démographique parmi les plus élevées de la planète.
Niamey est aussi le dernier allié avec lequel la France entretient un partenariat dit de « combat » contre les jihadistes, dans cette région minée par l’instabilité, la précarité et les attaques.
Paris compte actuellement quelque 1.500 militaires au Niger, qui opéraient jusqu’ici conjointement avec l’armée locale.
Le mouvement civil M62, qui avait déjà protesté contre l’opération Barkhane de l’armée française au Sahel et au Sahara, a appelé à manifester dimanche malgré l’interdiction du rassemblement.
Le général Tiani, proclamé chef de l’Etat par ses pairs, a justifié le coup d’Etat de mercredi par « la dégradation de la situation sécuritaire ».
Tout en qualifiant d' »appréciable » le soutien des « partenaires extérieurs » du Niger — la France et les Etats-Unis (1.100 soldats) faisant partie des principaux — il leur a demandé de « faire confiance (à ses) Forces de défense et de sécurité (FDS) ».
Condamnation internationale
Le putsch mené par ce haut gradé discret a été vivement condamné par les partenaires occidentaux de Niamey, plusieurs pays africains et l’ONU, qui ont demandé la libération de Mohamed Bazoum.
L’entourage de ce dernier a dénoncé « un coup d’Etat pour convenance personnelle », affirmant que M. Bazoum « va très bien » malgré sa séquestration.
A Nairobi, le président kenyan William Ruto a estimé qu’avec ce coup d’Etat, « l’Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques ».
Le ministre de l’Energie du président déchu, Ibrahim Yacouba, a lui invité la CEDEAO et l’UA à lutter pour « la libération sans délai » de M. Bazoum et la reprise de ses fonctions.
Riche en uranium, le Niger a une histoire jalonnée de coups d’Etat depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960. La région, elle aussi, est instable, le pays étant le troisième à connaître un coup d’Etat depuis 2020 après l’arrivée des militaires au Mali et au Burkina Faso.
A quelques jours de la fête de l’indépendance le 3 août, un calme relatif régnait samedi dans les rues de Niamey après l’interdiction des manifestations pro-putschistes.
Les habitants ont repris leurs activités mais la présence des Forces de défense et de sécurité a été renforcée dans les rues, a constaté un journaliste de l’AFP.
La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu en vigueur de minuit à 05H00 du matin.
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