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Le Sénégal, une démocratie à reculons !

Naguère seule vitrine démocratique dans une sous-région ouest africaine où des pouvoirs kaki trônaient à la tête de la plupart des pays, le Sénégal — avec les mesures iniques prises lundi par sa justice consistant à placer sous mandat de dépôt Ousmane Sonko, le principal challenger du pouvoir en place à la prochaine et de dissoudre sa formation politique – amorce une marche à reculons.

Un recul de plus de… 61 ans si tant est que la dernière dissolution d’un parti politique au Sénégal remonte sous le magistère du président poète Léopold Sédar Senghor avec le PAI de Majmout Diop.

A cela s’ajoute une justice sélective qui traque avec la dernière énergie les adversaires politiques du président de la République tout en fermant les yeux et se bouchant les oreilles sur les agissements peu orthodoxes de ses alliés et affidés. Autant le dire ici et maintenant, c’est notre État de droit qui s’est craquelé sous le magistère du président Macky Sall et qui présente plutôt maintenant les allures d’une dictature rampante.

Si le président Léopold Sédar Senghor a mis en place des institutions pour construire notre jeune nation, son successeur, le président Abdou Diouf les a consolidées tout en accordant des acquis démocratiques avec le multipartisme intégral. Chantre des grands travaux d’infrastructures, le troisième président de la République, le libéral Abdoulaye Wade a, un tantinet, amorcé la perversion de nos institutions. Une perversion accentuée sous le magistère de son successeur et ancien disciple Macky Sall.

C’est, en effet, sous le magistère de ce dernier qu’un climat de peur s’est installé au Sénégal. La liberté d’expression est réduite à sa plus simple expression. Le moindre avis sur la situation du pays non favorable au régime en place posté par un citoyen est souvent synonyme de placement sous mandat de dépôt. La traque des ml-pensants sur les réseaux sociaux est devenue une réalité tangible. Beaucoup de nos compatriotes, à l’instar de Pape Alé Niang, Bassirou Diomaye Faye, Serigne Bara Ndiaye, Toussaint Manga, Hannibal Djim, Abdou Karim Gueye Xrum Xaxx, Cheikh Oumar Diagne, Oustaz Assane Seck, le rappeur Nitt Dof entre autres ont été mis dans les liens de la détention pour avoir exprimé leurs opinions dans un pays qu’ils croyaient démocratique.

Pendant ce temps, les thuriféraires du régime, la bave à la bouche, peuvent se permettre toutes les libertés, toutes les insultes, toutes les dérives et toutes les menaces sans jamais être inquiétés. Inélégants, ils peuvent même se permettre de manquer de respect à nos braves femmes et mamans sur les plateaux de télévisions sans que rien leur arrive.

Au contraire, ils sont récompensés par des promotions ou des audiences avec le président de la République à l’instar de celle accordée à un certain Kaliphone Sall, plus grand insulteur public à l’époque. Aujourd’hui, notre pays est divisé. En deux. Il y a ceux qui sont avec le chef qui sont traités et servis royalement et ceux accusés d’être contre le système qui sont traqués, bombardés de grenades lacrymogènes et jetés en prison.

C’est sous cette administration que des vidéos en mondovision montrent des nervis lourdement armés agissant impunément sous l’œil de nos vaillantes forces de sécurité et de défense. Et last not but least, c’est sous ce même régime que l’interdiction de manifester est devenue la règle et l’autorisation d’une manifestation de l’opposition l’exception. Également, c’est dans ce charmant pays que les forces de défense et de sécurité investissent les sièges des partis politiques d’opposition pour empêcher les responsables de ces partis de s’y réunir !

Réhabilitation des délinquants à col blanc
Sous le prétexte d’un Dialogue national, c’est encore le président Macky Sall qui a commencé l’exercice de réhabilitation de certains délinquants à col blanc condamnés par notre justice pour des faits de prévarication afin de leur permettre de participer à la prochaine élection présidentielle de 2024. Il faut dire que ces responsables politiques ciblés ne représentent plus un grand danger pour lui et son régime à cause de leurs compromissions.

Ainsi, de concert avec ces “dealers”, il a engagé un autre exercice consistant à écarter de la présidentielle celui que tous les sondages et chiffres (Voir notre papier sur les raisons non-dites d’un “acharnement”) désignent comme son successeur le plus crédible. Ousmane Sonko, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pourtant jamais détourné un seul franc de nos deniers. E

n neuf ans d’opposition, le pouvoir de Macky Sall qui ne cesse de le persécuter n’a encore toujours pas trouvé ne serait-ce qu’un indice de prévarication à son encontre. Cerise sur le gâteau, ce jeune cadre insolent se permet d’avoir comme leitmotiv le partage équitable des biens du pays avec son fameux Jotna. Évidemment ses partisans et sympathisants sont traqués et envoyés en prison pour tuer ce projet qui cristallise les passions de milliers et milliers de jeunes d’ici et de la diaspora.

Une justice à deux vitesses
Si la justice de Macky Sall est toujours prompte à traquer jusque dans leurs derniers retranchements les adversaires du système, elle excelle aussi dans l’art de faire preuve d’une cécité manifeste quand il s’agit de faire prévaloir le droit au nom du peuple et pour le peuple. Ainsi, beaucoup, pour ne pas dire la quasi-totalité des pontes et affidés du régime bénéficient d’une impunité totale.

L’ancien député de la mouvance présidentielle, Seydina Fall alias Boughazelli, arrêté au mois de septembre 2021 en flagrant délit à la station d’essence de Ngor avec un sac rempli de faux billets de banque a été remis en liberté provisoire et n’est plus inquiété depuis. Le propre jeune frère du président de la République, Aliou Sall, empêtré dans une affaire relative à l’attribution de nos hydrocarbures a été …lavé à grande eau par l’ancien procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye.

Avec ses sept lettres presque séduisantes, inoffensives et dit-on bénies de Dieu dans la tradition arabe, l’autre beau-frère du chef de l’Etat, MANSOUR, n’en est pas autant un …saint. Son ministère épinglé par la Cour des comptes dans la prévarication des fonds de la Force Covid-19 destinés à soulager les populations face à cette terrible pandémie, il est lui-même accusé par Bougane Gueye Dany, le patron de Guem Saa Bopp, de détournement d’objectif portant sur 98 milliards de nos francs.

Lui qui n’avait pas hésité à menacer de ses foudres un confrère dont le seul tort était de lui poser une question dérangeante à ses yeux lors d’un point de presse, courbe l’échine et fait profil bas devant ces accusations gravissimes.

Le procureur de la République qui a la latitude de s’autosaisir pour faire la lumière sur cette affaire au nom et pour le compte du peuple est toujours aux abonnés absents. De même, il a mis sous le coude les nombreux rapports de l’OFNAC et des autres corps de contrôle ayant épinglé des pontes du régime. Pour le moment, la priorité est vraisemblablement ailleurs que dans la reddition de nos comptes.

La traque des jeunes partisans et sympathisants de Pastef et la destruction de certains panneaux avec l’effigie du leader de ce parti dissous semblent plus focaliser l’attention de nos autorités. Constitué dans l’affaire opposant la douane sénégalaise à l’homme d’affaires Adel Korban poursuivi pour fraude douanière, l’excellent avocat et homme politique franco-béninois membre des barreaux de Paris et de Cotonou, Jacques Lionel Agbonous nous avait fait l’honneur de nous accorder un entretien alors que nous faisions nos premiers pas dans le journalisme.

Dans l’interview qu’il nous avait alors accordée, le brillant avocat, appréciant la bonne santé de la magistrature sénégalaise, laissait entendre qu’au Sénégal comme partout ailleurs dans le monde, il y avait trois catégories de magistrats. A l’en croire, il y avait une première catégorie de magistrats qui sont extrêmement corrompus et qui n’avaient de point de mire que l’argent et certains biens matériels.

Ensuite, toujours selon lui, une seconde catégorie de magistrats qui sont des carriéristes de tous bords, ne se préoccupant que de leur trajectoire ascendante, quitte à fouler aux pieds certains principes cardinaux pour satisfaire les caprices du chef. A côté de ces deux catégories de magistrats, Me Jacques Lionel Agbo avait salué la troisième catégorie composée, selon lui, de magistrats honnêtes qui sont les piliers fondamentaux d’un véritable Etat de droit.

Amadou LY DIONE

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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