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Bilan du Benno-APR: de l’espoir à la consternation – Par Nioxor Tine

Bilan du Benno-APR: de l’espoir à la consternation – Par Nioxor Tine

L’accession du Président Macky Sall au pouvoir fut placée, un peu trop vite, sous le signe de l’espoir (Yakaar), dans le sillage d’une mobilisation exceptionnelle de diverses couches de la Nation autour des idéaux des Assises nationales, prônant essentiellement les principes de refondation institutionnelle, d’émergence citoyenne et de restauration pleine et entière de nos souverainetés politique, économique et monétaire.

Douze ans après, on ne peut que constater les dégâts: nous assistons à la mise en coupe réglée des principales institutions de notre pays, dans le but d’assouvir les desseins d’une maffia politico-bureaucratique au service de puissances étrangères, de piller impunément les ressources nationales et de se maintenir, ad vitam aeternam au pouvoir.

La hantise de l’unanimisme
Ayant accédé au pouvoir à la tête d’un parti embryonnaire, non structuré, se définissant lui-même comme une alliance pour sauver la République, le président Macky Sall, qui n’avait obtenu que 26,58 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, était obsédé par l’idée de faire l’unanimité autour de sa gestion. C’est ainsi qu’il réussira à enrôler tous les autres candidats opposés au président sortant, dans sa méga-coalition Benno Bokk Yakaar, ce qui lui permettra de remporter, haut la main, le second tour.

Ensuite, pour maintenir la cohésion de cet attelage hétéroclite, il ne misera point sur des convergences programmatiques mais sur la philosophie du « gagner ensemble et gouverner ensemble », qui au fil du temps s’est révélée être un classique gouvernement de partage du gâteau.

Mais pour imposante que soit sa coalition, elle ne semblait pas du tout séduire l’électorat sénégalais. Pour preuve, 3 mois après la deuxième alternance, dès les élections législatives du 1er juillet 2012, on allait noter un fléchissement significatif du score électoral du nouveau régime (de 65,80%% à 53,06%), traduisant son incapacité à transformer la défiance contre Me Wade et son parti en adhésion populaire à son profit.

Des performances électorales médiocres
On finira par comprendre que c’est à cause de son manque cruel de culture démocratique, que le président Macky Sall abhorrait la compétition politique, loyale respectant un minimum de standards établis.
Cela le différencie de ses devanciers immédiats, qui sans être des modèles en la matière, ont eu des parcours plus riches et ont tenu compte des revendications populaires portées par l’Opposition politique et la société civile, pour améliorer graduellement notre héritage démocratique.

Le président Abdou Diouf a instauré le multipartisme intégral qu’il a su gérer pendant près de deux décennies jusqu’à la première alternance de 2000, tandis que Me Wade a été un opposant opiniâtre, ayant mené, avec ses alliés de gauche, plusieurs batailles décisives, pendant près de 26 ans, avant d’accéder au pouvoir.

Mais le facteur le plus décisif va être la médiocrité de ses scores électoraux, d’autant que l’histoire des performances électorales du président Macky Sall et de sa coalition Benno Bokk Yakaar est loin d’avoir été un long fleuve tranquille.

Après les premières législatives décevantes, la situation n’allait pas s’améliorer aux élections locales de juin 2014, au cours desquelles, la coalition présidentielle allait perdre dans les grandes villes, avec en prime, un désaveu cinglant, sous forme d’un nombre record de bulletins blancs, dans la ville sainte de Touba, où il n’y avait pourtant qu’une seule liste bénie par l’establishment local.

Il était clair que le contexte politique était défavorable au pouvoir, ce qui sera confirmé par le pourcentage de 49,47 % engrangé par la coalition Benno Bokk Yakaar aux législatives de 2017, malgré l’obtention d’une majorité parlementaire de 125 députés grâce au scrutin majoritaire à un tour (le fameux raw gaddu).

On a aussi observé une désaffection notoire des sénégalais pour les compétitions électorales, avec des taux de participation de moins de 40%, qui allaient se prolonger jusqu’au référendum du 20 mars 2016, où le OUI n’obtiendra que 62,54%, donnant finalement un taux d’approbation du projet de réforme constitutionnelle, d’environ un quart du corps électoral.

Le raidissement autoritaire du régime de Benno
Le président Sall, dont le deuxième mandat devenait de plus en plus incertain, allait passer à une nouvelle étape dans son ambition de réduire l’Opposition à sa plus simple expression. Cela se traduira par plusieurs décisions antidémocratiques :
– L’institution de la nouvelle carte CEDEAO, qui fut l’occasion de manipuler le fichier électoral (inscription effrénée de militants de la majorité) et de saboter la distribution des cartes électorales (rétention des cartes des jeunes primo-votants et des habitants de zones favorables aux partis d’opposition),
– Le harcèlement judiciaire contre le parti démocratique sénégalais couronné par l’exil forcé de « l’ex-prince héritier », Karim Wade, après sa libération dans des conditions aussi nébuleuses que rocambolesques,
– La répression pré-électorale avec la traque des « socialistes mal-pensants », c’est-à-dire l’inculpation de militants de Taxawu Dakar suite aux évènements du 05 mars 2016 à la maison du Parti socialiste, la réouverture du dossier de Ndiaga Diouf et enfin l’arrestation de Khalifa Sall en mars 2017
– L’adoption de la loi constitutionnelle n°2018-14 du 11 mai 2018, portant révision de la constitution et instaurant le parrainage, malgré les protestations véhémentes de l’Opposition.

Toutes ces mesures, relevant du banditisme politique et institutionnel, permettront un passage en force du président Macky Sall au premier tour de l’élection présidentielle, tenu le 24 février 2019, avec 58,26% des voix, au prix de mutations profondes du système politique sénégalais.

Il va en résulter la détérioration de l’indice de démocratie de notre pays (selon the Economist Group), passant du statut de « démocratie imparfaite » à celui de « régime hybride », presque dans l’antichambre des « régimes autoritaires » comme le Pakistan, le Qatar, le Koweït, le Gabon d’avant putsch…

Après sa réélection frauduleuse pour un second mandat, le président Macky Sall s’est mis à rêver à la mise en place d’un projet autocratique de type congolais (Brazzaville), qui se matérialiserait par l’obtention de mandats supplémentaires (3e, 4e …, jusque vers l’horizon 2035).

Cela allait se traduire par le renforcement de la nature autoritaire du régime et l’organisation d’un simulacre de dialogue, le 28 mai 2019. On assista au refus de plusieurs partis, en premier lieu, le PASTEF, de servir de caution aux manœuvres du président Macky Sall, visant la violation de la règle des deux mandats et qu’illustre la malheureuse formule du « ni oui ni non » du 31 décembre 2019.

A la faveur de la COVID-19, les menaces morbides liées à la pandémie sont venues renforcer le bon vieil alibi terroriste pour exacerber la psychose sécuritaire et justifier toutes les atteintes aux libertés.

Le pouvoir a voulu en profiter pour neutraliser les nouvelles forces, qui étaient apparues sur la scène politique, et surtout le PASTEF, parti ayant connu une ascension fulgurante, que le régime du Benno-APR pensait pouvoir évincer (par une cabale mal ficelée), aussi aisément qu’il l’avait fait pour Karim Wade et Khalifa Sall.

Mais il va se heurter à un puissant mouvement de résistance constitutionnelle admirablement conduit par Mr Ousmane Sonko, qui ambitionne de libérer notre pays de la terreur marron-beige.

Cette hantise du troisième mandat va tenir le peuple sénégalais en haleine pendant trois ans et demi et ce n’est qu’en désespoir de cause et devant la désapprobation de ses mentors de la Françafrique, que le président Macky Sall dut y renoncer.

Néanmoins, il reste plus déterminé que jamais à anéantir toutes les forces politiques militant pour une véritable alternative sociopolitique.

Une « sélection présidentielle » pour sauver le systeme
Comment comprendre, sinon, l’arrestation arbitraire et le maintien illégal de centaines de militants du PASTEF (injustement dissous par décret présidentiel), dans les geôles d’une nouvelle dictature tropicale ?

Le peuple sénégalais assiste, médusé, à une série de procès kafkaïens, de la part d’un pouvoir bureaucratique, inquisiteur et tyrannique, contre le leader de l’Opposition. L’avenir de notre « vieille démocratie » est entre les mains d’héroïques jeunes magistrats, rares survivants du déluge qui a décimé le milieu judiciaire.

A un peu plus de 2 mois de l’élection présidentielle de février prochain, l’inquiétude et l’incertitude sont les sentiments les mieux partagés au sein du peuple sénégalais. Notre pays, réputé être un havre de tolérance et de paix, donne, depuis une dizaine d’années, donne l’image d’un véhicule sans frein, conduit par un chauffeur inconscient et inexpérimenté, dont les passagers se demandent s’ils sortiront indemnes de leur voyage.
Plusieurs facteurs contribuent à faire des prochaines joutes électorales – les présidentielles de l’année prochaine – un tournant historique dans la vie politique de notre Nation.

Alors qu’habituellement, la période électorale rime avec apaisement et recherche de larges consensus, on observe une démarche belliqueuse, agressive du pouvoir en place, qui semble être dans une quête désespérée d’alibi pour interrompre brutalement le processus électoral et reporter sine die des élections, dont l’issue lui semble des plus défavorables.

Bénéficiant du bouclier constitué de quelques haut-gradés des forces de défense et de sécurité, eux-mêmes, de plus en plus compromis dans le système de prédation national, le régime du Benno-APR instrumentalise ouvertement certains secteurs de la magistrature et de l’administration électorale en vue d’atteindre ses objectifs politiciens mesquins et étroits.

Tant et si bien que nous sommes dans une situation où un Etat hors-la-loi, use et abuse, avec la complicité de magistrats aux ordres, du Droit pour commettre des forfaitures plus ignobles les unes que les autres, allant jusqu’à s’arroger le droit de choisir les candidats admis à participer à la présidentielle, par le biais de la loi inique sur le parrainage citoyen.

C’est parce que le hiatus entre gouvernants et gouvernés semble avoir atteint un point de non-retour, qu’une simple alternance ne suffit plus pour trouver les véritables solutions aux maux qui gangrènent notre pays. Ce qu’il faudrait, lors des prochaines présidentielles de 2024, c’est une véritable alternative sociopolitique, qui permettra le dépassement du système néocolonial actuel.

Il appartient à l’Opposition de ne pas se laisser enfermer dans le piège des procédures judiciaires tronquées et des pseudo-normes républicaines et de faire bloc autour d’une plateforme programmatique inspirée des idéaux des Assises nationales.

NIOXOR TINE

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