Quelques jours après la mise en examen de l’amant de la jeune femme pour « assassinat », les contours d’une relation particulièrement agitée se dessinent.
Sur les réseaux sociaux, il se faisait appeler John Coffey, le héros de « la Ligne verte », film américain avec Tom Hanks. Ce personnage fictif aux allures de colosse est accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis et envoyé dans les couloirs de la mort.
Depuis son interpellation la semaine passée et sa mise en examen pour l’assassinat de Mélodie Mendes Da Silva, 34 ans, disparue début novembre et dont le corps a été retrouvé vendredi, Cheick Faye se retrouve rattrapé par la réalité. Celle de la prison des Baumettes, à Marseille.
Contrairement à son double virtuel, cet homme de 40 ans ne se présente pas comme victime d’une erreur judiciaire. « Il affirme d’abord avoir entretenu avec Mélodie une relation extraconjugale et admet avoir tiré sur elle à plusieurs reprises (au moins quatre impacts de balle auraient été relevés) mais conteste avoir prémédité son geste », résume une source proche de l’enquête. Il aurait cédé, selon sa version, à une pulsion extrême en réaction à une nouvelle crise dont la jeune femme était soi-disant coutumière.
Ce soir-là̀, vers 18 heures le 3 novembre, les deux amants se sont donné rendez-vous près du domicile de cette mère de deux enfants, boulevard Sakakini à Marseille (IVe). Mélodie serait montée de son plein gré dans la voiture de Cheick F.
Sur la route, elle adresse une note vocale à sa petite sœur. Comment peut-elle imaginer que son chauffeur deviendra son tueur dans quelques minutes ?
Les investigations menées par la brigade de répression du banditisme (BRB) permettent de localiser la scène de crime à proximité du col de l’Espigoulier sur la commune de Gémenos (Bouches-du-Rhône) à une vingtaine de kilomètres à l’est de Marseille.
Un lieu isolé et plongé dans l’obscurité ou le suspect a pu précipiter sa victime au fond d’un ravin. Ce meurtre, prémédité selon les magistrats et les enquêteurs, aurait été commis aux alentours de 19 heures.
Une figure du monde de la nuit local
Aujourd’hui encore, la question du mobile reste nimbée de mystère. Méconnue de plusieurs intimes de Mélodie, cette liaison extra-conjugale aurait pris racine fin 2022 ou début 2023 dans l’ambiance du monde de la nuit.
Cheikh F. en est l’une des figures locales. Organisateur d' »After », ces fêtes qui accueillent les noctambules au petit matin, il est aussi connu pour ses activités de videur dans plusieurs établissements de la cite phocéenne où ses gros bras et sa carrure impressionnante règlent bien des problèmes.
De manière plus sombre, cet homme a déjà̀ été condamné en 2012 dans une affaire d’agression sexuelle à Paris et s’est retrouvé visé par une plainte pour des faits de violences commis à l’encontre d’une cliente de boite de nuit en 2019. Quant à Mélodie, devenue mère à 19 ans et en couple avec Pearl depuis une quinzaine d’années, elle est présentée par l’une de ses amies comme un « véritable clown », « une personne avec laquelle on ne s’ennuie jamais »
Derrière son tempérament plein d’entrain apparaitrait toutefois un caractère éruptif et parfois conflictuel, y compris dans son rapport aux hommes. Sa liaison avec Cheikh F aurait ainsi été émaillée de nombreux incidents, de l’insulte verbale aux violences physiques, sur fond de jalousie. Melodie serait même allée jusqu’à provoquer des scènes de tapage au bas du domicile de son amant, lui-même en couple et père d’un enfant.
Alertée par les frasques de sa rivale, la compagne de Cheikh Faye, n’ignorait pas l’existence de cette liaison adultérine aux multiples rebondissements. Elle-même placée en garde à vue la semaine passée, cette employée de banque a été mise en examen pour non-dénonciation de crime.
Des proches ulcérés
« Aucun élément ne laisse à penser que cette personne est impliquée dans les faits commis le 3 novembre à l’encontre de Mélodie Mendes Da Silva, mais elle est soupçonnée d’en avoir eu connaissance par la suite, explique Nicolas Bessonne, procureur de la république de Marseille. Rien ne permet d’affirmer qu’elle avait, avant l’issue de sa garde à vue, connaissance de l’implication de son conjoint dans la disparition de Mélodie, rétorque son avocat Me Mehdi Khezami.
En attendant la suite des investigations, la ligne de défense qui se dessine ulcère déjà les proches de la jeune mère de famille. Quel que fut le tempérament de Melodie, son agressivité réelle ou supposée, elle ne pouvait en aucun cas représenter une menace physique sérieuse pour un homme comme Cheikh Faye, s’indigne Patrick, frère aine de la victime. Cela n’explique en rien pourquoi il a pu conduire notre sœur dans un lieu isolé avec une arme chargée avant de l’abattre et d’abandonner son corps. Contacté, l’avocat de Cheikh Faye n’a pas souhaité s’exprimer.
Ronan Folgoas avec Le Parisien
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