Après des années d’enquêtes sur Amazon, et de tensions entre les pouvoirs politique et la plateforme de commerce en ligne, l’autorité américaine de la concurrence, la FTC, et 17 Etats ont porté plainte mardi contre le géant des technologies, qu’ils accusent de « maintenir illégalement son monopole » grâce à des « stratégies anticoncurrentielles et déloyales ».
« Ce n’est pas la taille d’Amazon qui est en cause », précise l’institution dans un communiqué, mais ses « méthodes illégales qui visent à exclure les concurrents, à les empêcher de se développer et à des alternatives d’émerger ».
Selon la FTC, Amazon dissuade par exemple les vendeurs de proposer des prix inférieurs aux siens sur les produits où le groupe de Seattle est en concurrence avec les détaillants.
L’autorité reproche aussi au géant américain de conditionner l’éligibilité des commerçants à « Prime » (abonnement qui permet aux consommateurs de se faire livrer rapidement) à l’utilisation des services de logistique « coûteux » d’Amazon.
« Amazon exploite le pouvoir qu’elle tire de son monopole pour s’enrichir, tout en faisant monter les prix et en dégradant le service pour les dizaines de millions de familles américaines qui font leurs achats sur sa plateforme et les centaines de milliers d’entreprises qui dépendent d’Amazon » pour commercialiser leurs produits, assène la présidente de la FTC, Lina Khan, citée dans le communiqué.
« La plainte déposée aujourd’hui montre clairement que la FTC s’est radicalement écartée de sa mission de protection des consommateurs et de la concurrence », a réagi David Zapolsky, un vice-président d’Amazon, dans une déclaration à la presse.
« Mépris stupéfiant »
Il assure que les pratiques mises en cause par l’autorité ont au contraire « contribué à stimuler la concurrence et l’innovation dans l’ensemble du secteur de la vente au détail, et ont permis d’offrir un plus grand choix, des prix plus bas et des délais de livraison plus courts aux clients d’Amazon, ainsi que des opportunités plus importantes pour les nombreuses entreprises qui vendent dans le magasin d’Amazon ».
Le groupe américain, qui a réalisé 134,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires et dégagé un bénéfice net de 6,7 milliards au deuxième trimestre cette année, met régulièrement en avant la progression des ventes réalisée par les commerçants sur sa plateforme.
En 2022, « plus de 60% des ventes sur Amazon sont venues de vendeurs indépendants, qui sont en majorité des petites et moyennes entreprises », a souligné la société le mois dernier.
Mais pour de nombreuses ONG, les PME souffrent du rapport de force défavorable avec le géant.
« Les PME attendent ce moment (la plainte de la FTC, ndlr) depuis très longtemps », a commenté mardi Stacy Mitchell, co-directrice de l’Institute for Local Self-Reliance, qui milite pour une consommation locale et respectueuse de l’environnement.
« En contrôlant l’accès au marché, Amazon peut privilégier ses propres produits s’il le souhaite, espionner les entreprises en s’emparant de leurs meilleures idées et de leurs données. Elle peut dicter sa loi et gouverner avec un mépris stupéfiant. Un jour, elle attribue à un vendeur l’option livraison dans les 24 heures. Le lendemain, elle suspend son compte, anéantissant complètement ses ventes ».
« Paradoxe antitrust d’Amazon »
De nombreux élus américains, et le gouvernement démocrate de Joe Biden, tentent depuis des années de faire rentrer dans le rang les géants technologiques, régulièrement accusés d’abus de position dominante dans leurs secteurs respectifs.
Les relations entre l’organisation et Amazon sont particulièrement tendues.
La juriste Lina Khan, présidente de la FTC depuis 2021, s’était fait connaître dans le monde académique quand elle était encore étudiante, en publiant en 2017 un article intitulé « Le paradoxe antitrust d’Amazon » dans la revue de droit de l’université de Yale.
Elle y estimait que l’arsenal législatif américain était insuffisant pour lutter contre les pratiques monopolistiques de groupes comme Amazon.
En juin 2021, l’entreprise avait soumis une réclamation à la FTC, lui demandant de faire en sorte que sa dirigeante ne s’occupe pas des affaires antitrust la concernant, et lui reprochant son manque d’impartialité.
Mais cela n’a pas empêché l’agence fédérale d’avancer sur plusieurs fronts.
En juin dernier, la FTC a porté plainte contre Amazon pour avoir « piégé des consommateurs » avec son abonnement Prime, qui se renouvelle automatiquement et est « compliqué » à résilier.
L’institution a aussi attaqué le groupe sur le respect de la confidentialité des données. En mai dernier, Amazon a accepté de payer plus de 30 millions de dollars pour mettre fin à des poursuites contre Ring et Alexa (sonnettes et encintes connectées, caméras de sécurité), deux gammes de produits qui collectent de nombreuses informations sur leurs utilisateurs.
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