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Coups d’état: anticipations extrapolatives, adaptatives, ou rationnelles ? Par Pr Abou KANE

Au NIGER, selon certaines informations, le Général qui a dirigé le coup d’Etat était menacé par le Président Bazoum. Avant que le courroux du chef de l’Etat ne s’abatte sur lui, il l’a neutralisé et a pris le pouvoir; c’est une anticipation.

Au GABON, le candidat de l’opposition était bien parti pour gagner les élections et dans sa campagne , il n’a cessé de répéter, je cite : « il faut en finir avec 60 ans de Bongo ».

Or, le patron de la garde républicaine qui a fait le coup d’Etat, en plein processus électoral, fait partie de ces « 60 ans de Bongo » puisqu’il était avec Omar Bongo avant de travailler avec son fils Ali Bongo. C’est une anticipation de sa part puisqu’une victoire de l’opposition pourrait l’écarter du cercle du pouvoir.

👉Quelle est la nature des anticipations au NIGER et au GABON ?

✍️Un détour théorique
En économie, les anticipations renvoient à l’attitude des agents économiques qui se projettent sur l’avenir en prenant des dispositions les mettant à l’abri de surprises venant des conséquences de politiques économiques mises en œuvre par l’Etat.

La théorie des anticipations a connu plusieurs évolutions avec les anticipations extrapolatives (Hicks et Goodwin), les anticipations adaptatives (Friedman) et les anticipations rationnelles (Muth, Lucas, Sargent).
Elles sont extrapolatives lorsque les agents fondent leurs décisions sur l’hypothèse que les tendances du passé vont se poursuivre.

Elles sont adaptatives lorsqu’ils anticipent en tenant compte de leurs erreurs d’appréciation commises par le passé en les corrigeant dans leurs nouvelles décisions.

Elles sont rationnelles si les individus sont censés avoir l’information pertinente et qu’ils utilisent toute cette information disponible dans la prise de décision. Cela implique que les interventions de l’Etat sont inefficaces car toujours « anticipées » et contrées par le comportement des agents économiques qui les intègrent dans leur décision de consommation et d’investissement et d’épargne.

✍️Retour aux cas du NIGER et du GABON
Au NIGER, les anticipations peuvent être extrapolatives ou adaptatives. Elles seront considérées comme extrapolatives si les malentendus entre le Général et le Président datent de longtemps sans qu’une solution ne puisse être trouvée.

Le militaire part de l’hypothèse que les problèmes vont se poursuivre, s’aggraver et mener à son éviction. Par contre, elles seront considérées comme adaptatives si le Général avait commis des erreurs d’appréciation par le passé, en ce qui concerne la gestion du pays par le Président. Rappelons-nous que les militaires accusent le Président de haute trahison et veulent le juger.

Au GABON par contre, les anticipations sont rationnelles puisque fondées sur des informations précises sur un processus électoral qui était en cours et dont les résultats pouvaient être défavorables à ceux qui ont pris le pouvoir.

Pr. Abou KANE – FASEG/UCAD

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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