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Quels scénarios après la décision de la Cour constitutionnelle au Sénégal ?

Après la décision « surprise » de la Cour constitutionnelle du Sénégal, le pays reste suspendu à la réaction du président Macky Sall. Plusieurs hypothèses se dessinent.

Un pays dans l’expectative. Le Sénégal est suspendu à la réaction du président Macky Sall après la décision de la Cour constitutionnelle. Jeudi, l’institution a déclaré contraire à la Constitution la loi adoptée le 5 février par l’Assemblée nationale qui reportait l’élection présidentielle au 15 décembre. Le décret présidentiel qui modifiait le calendrier électoral, trois semaines seulement avant le scrutin prévu le 25 février, a également été annulé.

Pour le Conseil constitutionnel, la décision de reporter l’élection ne repose sur aucune base légale car le président ne dispose pas du pouvoir de reporter ou d’annuler le scrutin. Avec ce jugement, les Sages réaffirment également le principe « d’intangibilité » de la durée du mandat présidentiel, soit cinq ans. Or le mandat de Macky Sall, qui a promis de ne pas se représenter, expire officiellement le 2 avril prochain.

Que va-t-il donc advenir d’ici là, et même après ? Ce vendredi matin, le Sénégal s’est réveillé dans le flou total, encore sonné par une décision historique à laquelle personne ne s’attendait. « Tout le monde a été pris par surprise par le Conseil Constitutionnel, qu’on pensait à la solde du président », note ainsi El Hadj Souleymane Gassama, chercheur associé à l’Iris. Dans ce brouillard, plusieurs scénarios se dessinent désormais.

Vers des élections en mars ?
Le président peut d’abord accepter cette décision. « Finalement, c’est un semblant de sortie de crise avec l’organisation potentielle d’élections avant le départ de Macky Sall. C’est un retour, fragile, à l’ordre constitutionnel et au calendrier initial », analyse le chercheur. « La Cour constitutionnelle dit le droit : la balle reste dans le camp de Macky Sall, c’est à lui de fixer et d’organiser les prochaines élections », poursuit-il.

La date initiale du 25 février semble toutefois compromise. Le Conseil constitutionnel a effectivement constaté « l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue », compte tenu du retard pris par le processus, tout en invitant les « autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais ». Le politologue Michel Galy, politologue et spécialiste de l’Afrique subsaharienne, table sur « le mois de mars ».

De son côté, la communauté internationale retient son souffle. L’Union européenne a appelé vendredi « toutes les parties » à respecter l’arrêt du Conseil constitutionnel et à « organiser des élections dans les meilleurs délais ».

Coup de force…
Autre hypothèse : « Macky Sall tente de trouver une sorte de subterfuge pour que son candidat [Amadou Ba, Premier ministre sénégalais et dauphin du président] ne perde pas l’élection présidentielle, et donc on entre dans une épreuve de force », analyse Michel Galy, qui estime improbable ce scénario, tout comme El Hadj Souleymane Gassama. « Il faut se garder de toute forme de prophétie, mais je vois très mal dans ce contexte, entre sa perte de crédit, les pressions internationales et celles de la rue, comment il pourrait engager un bras de fer avec le Conseil constitutionnel. »

Il faut dire que le contexte était déjà inflammable avant même la décision de jeudi. Depuis l’annonce du report de l’élection présidentielle par le président Sall, qu’il justifiait par des conflits sur le processus électoral et sa crainte que le scrutin ne provoque de nouveaux accès de violence, le pays est plongé dans une grave crise politique. L’opposition et la société civile dénonçaient un « coup d’État institutionnel ». Trois étudiants ont été tués à la suite de manifestations contre le pouvoir et plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées.

…ou dialogue ?
Des premiers gestes d’apaisement ont été faits, alors que de nouveaux appels à manifester ont été lancés pour ce vendredi et samedi. Depuis jeudi, 134 membres de l’opposition et de la société civile qui étaient emprisonnés ont été libérés jeudi et 90 autres devraient l’être dans la journée du vendredi, selon les chiffres du ministère de la Justice. Souleymane Djim, membre du Collectif des familles de détenus politiques, a quant à lui lui affirmé à l’AFP que « 156 détenus ont été libérés » jeudi « et 500 au total doivent l’être » prochainement.

Le signe de l’ouverture d’un dialogue avec l’opposition ? Selon Jeune Afrique et RFI, des discussions entre le gouvernement et le camp d’Ousmane Sonko, opposant emprisonné, à la tête du parti Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) dissout en juillet 2023, sont même en cours. « Il y a eu des tractations mandatées par des intermédiaires, que les deux partis semblent réfuter », indique El Hadj Souleymane Gassama, rappelant l’absence de preuves tangibles de ces échanges.

« En vue d’une élection apaisée dans un mois, ces négociations pourraient aboutir à un accord politique, dont les modalités seraient à déterminer », imagine néanmoins le politologue Michel Galy.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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