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Peter Obi, espoir d’une jeunesse nigériane connectée pour la présidentielle

Ultra-populaire au sein d’une jeunesse urbaine avide de changement, Peter Obi s’est mué au fil des mois en candidat crédible à l’élection présidentielle au Nigeria, face à l’establishment vieillissant du pays le plus peuplé d’Afrique.

« Pendant des décennies, la classe politique nigériane, en collaboration avec d’autres élites, a été incroyablement corrompue et imprudente dans la gestion du pays. Il est temps de changer », a insisté le candidat du Parti travailliste (LP) dans une tribune mi-février pour l’hebdomadaire britannique The Economist.

Ancien gouverneur d’Anambra (2006-2014) dans le sud, Peter Obi est réputé pour son intégrité et sa bonne gouvernance.

Sa candidature, qui semblait il y a encore quelques mois se résumer à un phénomène sur les réseaux sociaux, a pris de l’ampleur dans un contexte de pénuries d’essence et de billets de banque paralysant le Nigeria.

Parmi les trois principaux candidats, la compétition est serrée pour succéder au président sortant Muhammadu Buhari, 80 ans, au bilan jugé catastrophique.

A « seulement » 61 ans, Peter Obi promet un « nouveau Nigeria », se posant en contre-modèle face aux vieux routiers de la politique Bola Ahmed Tinubu, 70 ans, candidat du parti au pouvoir (APC) et l’ancien vice-président Atiku Abubakar, 76 ans, du principal parti d’opposition (PDP).

De quoi attirer les électeurs désabusés et les jeunes après huit années marquées par des crises successives et une insécurité aujourd’hui quasi généralisée. Des trois favoris, il est d’ailleurs le seul chrétien face à deux musulmans, ce qui pourrait lui rapporter des voix.

« Obidients »
Présents en politique depuis plus de trois décennies, ses deux principaux adversaires sont richissimes et controversés, accusés maintes fois de corruption sans jamais avoir été condamnés.

Peter Obi est quant à lui cité dans les « Panama Papers », vaste scandale d’évasion fiscale, un fait largement méconnu au Nigeria.

Certains, à l’image de Seun Kuti, fils du légendaire roi de l’afrobeat Fela Kuti, considèrent M. Obi comme un « opportuniste », car dans la course à la présidentielle, il s’était présenté – en vain – aux primaires du PDP avant de se tourner vers le Parti travailliste.

Ses priorités, le redressement économique et la lutte contre l’insécurité, ne le différencient guère.

Toujours est-il que ses partisans – les « Obidients » – voient en lui le candidat du changement, venu bousculer la vieille garde dans un pays où les moins de 25 ans représentent près de 60% de la population.

M. Obi a notamment profité de l’éveil politique d’une jeunesse révoltée en octobre 2020, lors d’un mouvement contre les violences policières, du nom d' »EndSARS », finalement réprimé dans le sang.

Selon des analystes, sa popularité au sein de la jeunesse de Lagos, fief de M. Tinubu et important réservoir de voix, pourrait mettre en difficulté le candidat du parti au pouvoir, déjà affaibli par le bilan du président sortant et les récentes pénuries.

« M. le Radin »
Par ailleurs, Peter Obi, qui est un Igbo du sud-est, l’un des bastions traditionnels du PDP, pourrait profiter d’une crise interne au sein de ce parti d’opposition pour gagner des électeurs dans cette région.

L’ethnie igbo, majoritaire dans le sud-est, s’est toujours sentie marginalisée et reste traumatisée par la guerre civile du Biafra (1967-1970). Beaucoup d’Igbo aspirent encore à l’indépendance.

Mais sa formation, le Parti travailliste, manque de structures au niveau national et ne dispose d’aucun gouverneur. Lors du précédent scrutin en 2019, son candidat avait remporté 0,2% des voix.

Autre incertitude: en tant qu’Igbo chrétien, M. Obi pourra-t-il mobiliser dans l’immense bassin d’électeurs du nord, à majorité haoussa et musulmane? Les analystes en doutent et soulignent l’importance des « achats de voix » qui ont biaisé le jeu électoral au Nigeria ces dernières décennies.

Quoi qu’il en soit, les « Obidients » aiment rappeler son bilan positif comme gouverneur d’Anambra, connu pour voyager sur des vols commerciaux et non des jets privés, pour avoir investi dans l’éducation et payé les salaires des fonctionnaires à temps.

A son départ, il avait laissé des comptes dans le vert, une attitude critiquée par Bola Tinubu qui l’a surnommé « M. le Radin », l’accusant de ne pas avoir assez dépensé pour la population.

Le candidat autoproclamé de la rupture lui a rétorqué: le Nigeria « a maintenant besoin de +radins+ qui gardent l’argent pour le développement du pays ».

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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