Davantage d’argent public mais aussi privé, en priorité pour les pays pauvres: des dirigeants du Nord et du Sud ont plaidé jeudi à Paris pour dégager les milliers de milliards de dollars indispensables à la transition énergétique et à l’adaptation des pays vulnérables au réchauffement de la planète, un problème étroitement lié au développement.
Le président français Emmanuel Macron, hôte de ce « sommet pour un nouveau pacte financier », prévu jusqu’à vendredi, a appelé à un « choc de financement public » face à la crise climatique et à la pauvreté, devant des chefs d’Etats et de gouvernements.
Mia Mottley, la Première ministre de la jeune république de la Barbade, a reçu de nombreux applaudissements après avoir exigé une « transformation absolue » du système financier, et pas seulement « une réforme ». La Barbabe, île des Caraïbes, fait partie des pays parmi les plus vulnérables au changement climatique.
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a souhaité montrer que les choses avaient déjà bougé, en annonçant l’atteinte de réallocation aux pays pauvres de 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), sorte de monnaie de réserve du FMI.
« C’est le futur de l’Humanité qui est en train d’être discuté ici », a jugé Mme Georgieva.
Mais la pression est toujours là pour aller plus loin et chambouler un système qui, selon le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a « failli ». Les règles régissant l’allocation des fonds « sont devenues profondément immorales », estime-t-il: en 2021 « un citoyen européen a perçu en moyenne près de 13 fois plus qu’un citoyen africain » en DTS.
« Qu’on soit juste avec nous »
Les travaux au palais Brongniart, dans le centre de Paris, ne doivent pas déboucher sur des décisions concrètes mais bénéficient du poids du parterre des invités: le président brésilien Lula sera présent ainsi que le chancelier allemand Olaf Scholz et la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen.
Pékin est représentée à ce sommet par son Premier ministre Li Qiang.
Pour l’Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salmane est présent. Une vingtaine de dirigeants africains sont également là, dont plusieurs haussent le ton contre les pays riches, plus prompts à verser des milliards pour soutenir l’Ukraine en guerre.
Les complexités de la transition énergétique en Afrique ont été illustrées par le Sénégal, pour lequel un groupe de pays riches et de banques de développement s’est engagé à mobiliser 2,5 milliards d’euros pour l’aider à réduire sa dépendance aux énergies fossiles et augmenter la part des renouvelables. D’autres partenariats du même genre avaient déjà été signés avec l’Afrique du Sud, l’Indonésie et le Vietnam.
Mais le président sénégalais Macky Sall a aussi demandé « qu’on soit juste avec nous pour que les énergies comme le gaz, qui doit être une énergie de transition, puissent cohabiter avec l’énergie renouvelable ».
L’idée du sommet avait germé en novembre lors des négociations climat de la COP27 en Egypte, dans le sillage d’un plan présenté par Mia Mottley. Sa voix a ravivé l’espoir de voir avancer ce sujet, qui gêne les négociations climatiques entre les pays pauvres et les pays riches, principaux responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre.
L’objectif du sommet est de rénover en urgence l’architecture financière internationale, née des accords de Bretton Woods en 1944 avec la création du FMI et de la Banque mondiale.
L’accès à leurs financements est jugé difficile par les pays en développement, alors que leurs besoins sont immenses pour affronter canicules, sécheresses et inondations, mais aussi pour sortir de la pauvreté tout en s’affranchissant des énergies fossiles et en préservant la nature.
Taxation maritime
Parmi les nombreuses idées en débat, celle d’une taxe internationale sur les émissions carbone du transport maritime a le vent en poupe. Emmanuel Macron a redit qu’elle était « très importante ».
Les dirigeants mondiaux évoquent d’autres taxations, mais aussi des réformes institutionnelles, la restructuration des dettes des pays pauvres, un renforcement du rôle du secteur privé…
La suspension du paiement de la dette en cas de catastrophe est fortement soutenue par Mia Mottley. « Il y a neuf mois, personne ne parlait de clauses de désastre naturel », s’est-elle félicitée jeudi.
La Banque mondiale, qui dit vouloir élargir sa « boîte à outils », prévoit d’intégrer une nouvelle clause de pause, qui se rapprocherait de ces propositions, à ses accords avec les pays les plus vulnérables.
Les pays riches sont aussi mis face à leur promesse faite en 2009 de financer 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider les pays pauvres face au réchauffement.
« Cet objectif a de grandes chances d’être atteint cette année! », s’est félicité Emmanuel Macron sur Twitter. Mais avec trois années de retard qui ont profondément diminué la confiance entre le Nord et le Sud.
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