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Lâche ton téléphone !

« Tu peux m’écouter, là, et poser ton portable. » Cette phrase, généralement accompagnée d’un long soupir et d’yeux tournés vers un ciel où se concentrent les nuages de la contrariété, on l’imagine volontiers prononcée par un parent à son accro d’ado.

Évidemment mais pas seulement. Selon une récente étude de l’ONG américaine Common sense Media, 40 % des jeunes interrogés estiment que leurs parents sont scotchés sur leur smartphone et ne prennent plus assez de temps pour les écouter.

Les chiffres sont assez éloquents : si 43 % des ados consultent leur téléphone plusieurs fois par heure, il en est de même pour leurs parents (42 %). Selon une autre étude, on touche jusqu’à 2 600 fois par jour notre portable. Et c’est une moyenne !

Dès le réveil, 64 % des jeunes se précipitent, l’oeil à peine ouvert, sur leur écran. 62 % des adultes le font aussi. Ces derniers sont en revanche plus nombreux à reconnaître leur addiction. Leur part est ainsi passée de 27 % à 45 % en trois ans. Un aveu générationnel : ils ont connu le temps sans un portable vissé au creux de la main et sont plus à même d’en mesurer le côté néfaste.

Chez les ados, le sentiment de dépendance est… en baisse de 50 % à 39 %. Pour eux, cette utilisation quotidienne et massive fait désormais partie de la norme. Le millennial est par essence numérique et multitâche.

Ce temps galopant passé sur le téléphone est-il source de disputes sans fin dans les familles ? Inévitablement. Quel parent n’y a pas laissé sa patience ou ses cordes vocales? Pourtant, l’étude révèle que les conflits sont plutôt en baisse.

Doit-on s’en réjouir ? Pas vraiment. En réalité, bon nombre de parents n’osent plus faire de réflexions à leurs enfants car ils ne s’en sentent plus la légitimité !

Cette démission parentale est dangereuse.

Si les nouvelles technologies ont permis de rapprocher des tribus familiales chahutées par les aléas de la vie sentimentale ou professionnelle – la conversation vidéo est un pont virtuel qui atténue l’effet de séparation – elles ont aussi pour effet de grignoter le temps passé ensemble.

Au sein du couple ou avec les enfants, on se retrouve physiquement dans la même pièce mais la tête happée par des centres d’intérêt personnels. Pourtant, dans l’éducation au numérique, peut-être encore plus que pour le reste, l’exemplarité et la vigilance sont des vertus cardinales. Certaines règles s’imposent.

À commencer par la plus basique : celle du savoir-vivre. L’attention portée à son interlocuteur reste un fondement de la vie en société.

Mais surtout : temps passé devant les écrans et manque de sommeil, accès à la pornographie ou à l’hyper-violence, harcèlement sur les réseaux sociaux, propagation de rumeurs, de fausses nouvelles sont autant de pièges que les parents doivent apprendre à déjouer en discutant avec leurs enfants.

Cet apprentissage d’un monde en pleine mutation, dont les plus jeunes essuient parfois les plâtres, demande un accompagnement bien réel et pas virtuel.

Philippe Lemoine

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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