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Fake news, comptes bloqués… WhatsApp perturbe-t-il les élections ?

Le service de messagerie, propriété de Facebook, tente de lutter contre la diffusion de fake news lors des périodes électorales dans différents pays.

Discrimination politique ? Le parti espagnol Podemos s’est publiquement plaint ce mardi de voir son compte officiel WhatsApp fermé, en pleine campagne pour les élections législatives qui se tiennent dimanche de l’autre côté des Pyrénées. Selon le service de messagerie, le mouvement politique n’aurait pas respecté ses conditions d’utilisation en envoyant de manière massive certains messages.

L’émotion soulevée en Espagne par cette histoire, abondamment relayée et commentée par la presse et les observateurs, illustre le pouvoir croissant des plateformes de messageries, WhatsApp en tête, sur des élections.

Des rumeurs aux conséquences dramatiques
Si on a beaucoup évoqué, en France ou aux Etats-Unis, la propagation des fake news sur des réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook. Mais WhatsApp « a la particularité d’être un service essentiellement privé et dont les activités sont souvent invisibles », note Tristan Mendès France, enseignant au Celsa et spécialiste du numérique, interrogé par le Parisien. Et là où le SMS résiste encore en France, des pays comme l’Espagne, l’Inde ou le Brésil utilisent bien plus largement le service de messagerie instantanée.

WhatsApp, propriété de Facebook depuis 2014, ne veut pas laisser croire qu’il reste sans agir. Surtout quelques mois après l’élection présidentielle brésilienne, où le président élu Jair Bolsonaro et ses partisans ont été accusés d’avoir partagé en masse des centaines de messages défavorables à leur adversaire Fernando Haddad sur WhatsApp.

Les élections nationales en Inde, où près d’un milliard d’habitants sont appelés aux urnes depuis le 11 avril et jusqu’à fin mai, vont aussi se jouer en partie dans les téléphones des électeurs. D’autant que les conséquences de l’envoi de messages sur WhatsApp ont parfois été tragiques dans ce pays. En juillet dernier, des rumeurs propagées via la messagerie avaient causé la mort et le lynchage de plusieurs dizaines de personnes.

« Le gros danger pour une messagerie comme WhatsApp est que l’information circule entre gens qu’on connaît. Du coup, les liens se font plus par affinités et on fait plus confiance au contenu que l’on reçoit qu’à celui envoyé par un inconnu », pointe Tristan Mendès France.

Cellule anti fake news et limitation du nombre de destinataires
WhatsApp a annoncé ces dernières semaines la mise en place de deux dispositifs dans le deuxième pays le plus peuplé au monde, après la Chine. D’abord, une cellule anti fake news. Le principe est simple : chacun peut envoyer une photo ou un texte qui lui semble suspect à une équipe de journalistes et d’informaticiens chargée de le vérifier. Ensuite, ces fact-checkeurs répondront pour dire si l’information est vraie, fausse, trompeuse ou contestée.

« Sur le papier, c’est une bonne initiative. Mais ceux qui feront cette démarche sont souvent assez conscients et rarement intoxiqués. Autrement dit, ça ne s’adresse pas à ceux qui ont une posture plus méfiante vis-à-vis de ce type de service qui vérifie les infos partagées », remarque Tristan Mendès France.

« Une fois que vous avez répondu que c’est une fausse info, s’il y a une inflation de messages qui vont dans le même sens, ça peut aussi générer une méfiance », complète François-Bernard Huyghe, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la diffusion des fake news.

Deuxième dispositif : limiter le nombre de destinataires ou de groupes destinataires d’un message. Une manière d’éviter les partages massifs d’un même contenu faux, que ce soit de façon consciente ou non. Fin janvier, WhatsApp a ainsi annoncé limiter dans le monde entier à cinq le nombre de destinataires, après avoir testé ce système en Inde, justement, à l’été 2018.

« Les envois massifs suivent le principe très ancien de l’astroturfing [amplification artificielle à des fins de propagande politique ou commerciale, NDLR]. Sur le papier, c’est une bonne idée de limiter ce genre de diffusions », remarque François-Bernard Huygues. « L’idée est de ramener WhatsApp à un usage traditionnel d’une messagerie classique du type SMS. Ça limitera clairement la possibilité que certains délires soient très partagées et deviennent extrêmement dangereux », abonde Tristan Mendès France.

« WhatsApp est dans une situation très inconfortable »
En Espagne, Podemos a tenté de contourner cette règle avec un outil permettant d’envoyer des messages à tous ses sympathisants ayant donné leur accord préalable. Mais un porte-parole du service de messagerie, cité par la presse espagnole, a rétorqué que « les normes étaient les mêmes pour tous les utilisateurs de WhatsApp dans le monde ». « Nos conditions de service ne permettent pas la messagerie de masse ni de programmes tiers pour automatiser les messages », a-t-il ajouté.

« Si un parti avec un peu d’ingéniosité peut se transformer en média de masse, il y a une tricherie », pointe François-Bernard Huygues. Mais Podemos s’est défendu en s’étonnant d’être le seul parti à avoir subir ce sort. « Pourquoi WhatsApp a-t-il fermé seulement notre compte et et pas ceux des autres partis qui font la même chose ? », s’est interrogé sur Twitter le secrétaire à la communication de Podemos, capture d’écran d’un envoi massif sur un groupe du Parti socialiste à l’appui.

Selon le journal El Confidencial, ces autres partis auraient en fait utilisé le service – payant – Business de Whatsapp et une application qui lui est lié. Ce qui leur permet de ne pas bafouer les conditions d’utilisation.

Contacté, Facebook précise que le but de ces différentes innovations apportées à son service de messagerie est à la fois de donner plus de pouvoir aux utilisateurs et de limiter les abus. Plus globalement, l’entreprise assure que le renforcement de l’intégrité des élections a été un axe de travail majeur pour elle.

Aux yeux de Tristan Mendès France, WhatsApp semble quoiqu’il en soit « dans une situation très inconfortable ». « D’un côté, il préférerait ne pas agir sur les contenus pour ne pas risquer d’être accusé d’ingérence. De l’autre, ce serait irresponsable pour lui de ne pas intervenir pour limiter la diffusion des fake news », conclut l’expert.

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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