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Structuration de l’APR: Les véritables motivations de Macky Sall

Les conditions précipitées dans lesquelles l’Alliance pour la République (APR) a été portée sur les fonts baptismaux ne laissaient pas la possibilité de la structurer du sommet à la base. Il fallait rapidement donner à l’APR une implantation nationale. On était à quelques mois des élections locales et trois ans de la présidentielle.

Tenter une structuration pour un parti naissant était le moyen le plus sûr pour l’enterrer prématurément face aux mastodontes (PDS, PS, AFP) qui occupaient le landerneau politique. Il fallait donc faire passer les questions au second plan. Et mettre en place rapidement une structure provisoire pour conduire le parti naissant en direction des locales et de la présidentielle.

Même s’il est resté jusqu’à présent dans le registre du « provisoire » qui s’est éternisé, le parti présidentiel a vocation à être structuré comme toute formation politique digne de ce nom. D’ailleurs, les textes du parti ayant pour emblème le cheval prévoient une structuration très professionnelle de l’APR.

Le chapitre ii, composé des articles 7 jusqu’à 19, énumère les instances devant composer l’organisation du parti républicain. toutefois, de ces multiples instances, une seule est fonctionnelle : le Secrétariat exécutif national (Sen) dont le chef est évidemment le président du parti Macky Sall.

Le Sen est l’organe de direction du parti. Il compte 35 membres au moins tous nommés par le président du parti. Abdoulaye Wade détenait les mêmes pouvoirs exorbitants au sein du PDS. Macky, selon les textes, est secondé par deux vice-présidents mais ces postes n’ayant jamais existé ont été remplacés par celui du coordinateur national.

Selon l’article qui définit le Sen, ce coordinateur « est sous l’autorité du Président, chargé, outre certaines fonctions qu’il peut exercer par délégation, de la gestion administrative et matérielle du parti. Il assure l’intérim en cas d’absence des vices présidents 

Ainsi le poste de coordonnateur national est aussi important que stratégique dans la mesure où il assure les rôles des deux vices présidents et de celui du président du parti en cas d’intérim.

APR : une armée mexicaine
après son lancement le 1er décembre 2008, l’APR est visite rattrapée par les démons de la désorganisation. Certains l’assimilaient déjà à une armée mexicaine comptant plus de généraux que de troupes ! Ainsi le 29 juillet 2009, le Sen publie un communiqué dans lequel sont désignées les membres d’un directoire provisoire.

Il s’agit de Moustapha Diakhaté, chargé de la commission orientation, Diène Farba Sarr, Secrétaire national chargé des relations extérieures, Alioune Ndaw Fall, Secrétaire chargé de la diaspora, Marième Badiane Bâ, Secrétaire coordonnatrice du Groupe de contact des femmes, Awa Guèye Cissé, coordonnatrice adjointe, Thierno Alassane Sall, Secrétaire coordonnateur des cadres, Djibril War, directeur de l’école du Parti, Mame Mbaye Niang, Secrétaire chargé des relations avec les jeunes, Abdou Mbow, Secrétaire coordonnateur du Groupe de contact des jeunes, Madiagne Seck, Secrétaire chargé de la chambre nationale des élus, Bocar Oumar Sall, Secrétaire chargé du conseil national des Sages, Thérèse Faye, Secrétaire chargée des Etudiants et Elèves, Abdoul Aziz Mbaye, Secrétaire chargé de l’image et des Systèmes d’informations, Youssou Touré, Secrétaire chargé du réseau national des enseignants. Il faut préciser que l’actuel médiateur de la république, Alioune Badara Cissé (ABC), a été coordonnateur national de l’APR à la naissance du parti.

Dans ledit communiqué, il était mentionné que le directoire devait « impulser le travail de massification du parti, lancer les différents mouvements de jeunes et de femmes et assurer le suivi de certaines activités nécessaires au développement de l’Apr…

Il importe de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour permettre au parti, le moment venu, de procéder en toute démocratie et transparence, au cours du prochain Congrès, à l’élection des responsables à tous les échelons, conformément aux dispositions statutaires ». Mais aucun congrès depuis lors et l’on attend Godot depuis le 1er décembre 2008 ! Apparemment, et selon les termes de ce fameux communiqué, le « moment (n’est jamais) venu » !

Alioune Badara Cissé retarde la structuration de l’APR

Après la présidentielle de 2012, l’APR, Parti au pouvoir, fait face aux démons de la désorganisation. la gestion du parti associée à celle de la coalition constituait pour ABC un goulot d’étranglement. Ce dernier, qui n’a jamais été dans les bonnes grâces de la femme du président Macky Sall, se verra limogé du gouvernement le 29 octobre 2012 avant d’être exclu du parti le 6 novembre 2013.

Ainsi, Macky Sall met fin à ses fonctions de coordinateur national de l’APR et en profite pour le relever de toutes les instances de direction du parti. Ce poste qui installe de facto une dualité au sommet de la hiérarchie Apériste a disparu de l’organigramme de l’APR même si Pape Maël Thiam occupe le poste d’administrateur dudit parti.

Cette exclusion faisait suite à une interview accordée en juillet 2013 par abc à un quotidien de la place et dans lequel on sentait de plus en plus une dyarchie au sommet de l’APR. Il y déclarait : « Macky Sall a été élu, il lui appartient de prendre entièrement ses responsabilités. Il doit savoir que le moment du bilan viendra et les questions ne seront pas posées à ses alliés, mais à lui tout seul. Et, de sa conscience seule devant les Sénégalais, il répondra.

Je pense que l’APR devra prendre ses responsabilités, s’allier avec ceux qui acceptent de jouer le véritable rôle d’alliés, défendre la politique du gouvernement à condition que le parti la connaisse parce qu’aujourd’hui je ne pense pas que l’APR ayant porté le chef de l’Etat au pouvoir sache le programme sur la base duquel il a été élu. Je ne pense pas que ceux-là qui se chargent de la mettre en œuvre la connaissent ou l’aient visitée une seule fois ».

Alioune Badara Cissé a été victime de la toute-puissance du seigneur de l’APR à qui le texte régissant le fonctionnement du Sen donne le droit de vie et de mort sur tout membre de la dite instance. Pourtant c’est ce même Alioune Badara Cissé qui, en mars 2013, déclarait lors d’une rencontre de soutien aux actions du président de la république organisée par des militants apéristes de Fatick qu’il s’oppose « à toute structuration du parti au pouvoir avant les prochaines élections locales de 2014 parce qu’une telle initiative serait hasardeuse à quelques encablures de ces joutes ».

Il ajoutait : « le mécontentement risque d’être plus ample, la frustration va connaitre un niveau tellement exacerbé que pour mobiliser les troupes, mobiliser ceux-là qui sont laissés en rade pour les députations, les investitures locales, pour le Conseil économique social et environnemental (CESE) va poser problème ». Et il concluait qu’il « faut continuer à donner mandat au président du parti, lui donner les compétences pour animer le parti jusqu’après les élections locales ».

Des recommandations suivies à la lettre par Macky Sall. Seulement, cette situation dure et perdure au point qu’après avoir réussi six élections et un référendum sans structurer le parti qui porte ses ambitions politiques, l’apériste en chef décide enfin de respecter les textes de l’APR !

Suppression du poste du PM et structuration de l’APR : Même logique politique
Le référendum initié par le président Sall et organisé le 16 mars 2016 prônait la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique national. Aussi est-il aberrant pour le président Macky Sall de vouloir mettre la charrue avant les bœufs c’est-à-dire moderniser le rôle des partis alors que son parti, à l’instar de plusieurs autres, souffre structurellement d’une modernisation.

Aujourd’hui qu’il n’y a plus de risque de frustrations de militants lésés qui compromettrait une quelconque réélection, Macky Sall annonce que l’heure de la structuration de son parti a sonné. Mais il est apparu que s’il veut veut doter son parti d’instances fonctionnelles, ce n’est pas pour sacrifier à l’organisation qui sied à toute formation politique, mais plutôt pour se projeter dans une logique successorale en 2024.

Macky ne veut pas finir son mandat sans organiser sa succession. Et ce besoin de structuration est en parfaite adéquation dialectique avec la réforme supprimant le poste de Premier ministre. Un poste qui, dans nos républiques bananières, laisse souvent penser que son occupant est le mieux placé pour succéder au Président.

Le Sénégal a vécu l’expérience de la dévolution anti-démocratique du pouvoir avec l’article 35 d’avril 1976 qui a porté Abdou Diouf, l’alors Premier ministre de Senghor au pouvoir en janvier 1981. Et pour éviter toute guerre de succession qui entraverait son fast-track et étouffer ces supposées ou réelles ambitions présidentielles qui commencent à se manifester chez certains de ses ministres, Macky préfère supprimer le poste de Pm. Sous peu, on aura un gouvernement sans un chef ministre. Tout le monde étant sur le même pied, il sera difficile de avoir qui sera mis en incubation pour diriger les troupes beige-marron en 2024.

Mais dans la science politique, il est démontré que le Secrétariat général de la présidence est un PM bis s’il n’est pas plus puissant. Sous le magistère de Diouf où le poste de PM était supprimé, Jean Collin, alors tout-puissant Secrétaire général de la Présidence, faisait et défaisait les carrières.

Combien de fois des ministres de la république ont contourné l’autorité de Boun Abdallah Dionne pour traiter avec le chef de l’Etat via l’alors omnipotent Secrétaire général de la présidence Maxime Simon Ndiaye ? Déjà les regards se tournent vers Boun Dionne qui donne toujours l’air du militant naïf et dévoué qui ne veut rien mais qui, en réalité, veut tout. Aujourd’hui, on attend pour voir la place que Boun Dionne occupera dans la future nouvelle architecture de l’APR

Sûr que la bataille de succession que Macky Sall veut éviter aura bien lieu. Les légitimistes tels qu’Alioune Badara Cissé placardé à la médiature et Moustapha Cissé Lô n’accepteront jamais des schémas de succession tout faits au profit des militants de la 25e heure. Ça promet !

Serigne Saliou Guèye

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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