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Scandale à 10 milliards de dollars: Une marée noire sans fin, la République secouée

Les révélations de la BBC sur un « scandale à 10 milliards de dollars » au parfum de corruption impliquant Frank Timis et Aliou Sall, à travers les sociétés Petrotim, Timis Corporation et Agritrans, une société appartenant au frère du président de la République, annoncent une marée noire sans fin. La république dans toutes ses composantes est totalement secouée par une affaire qui n’a pas encore révélé ses contours…en offshore profond.

« Je n’envisage pas démissionner ». Aliou Sall, le frère du Président, est catégorique. L’homme continue à surfer sur ses positions qu’il a défendues lors de sa conférence de presse tenue lundi, au lendemain de la diffusion du documentaire- vidéo qui révèle que British Petroleum (BP), le géant de l’énergie qui exploite le gisement de gaz naturel liquéfié de Grand Tortue Ahmeyim (entre le Sénégal et la Mauritanie), a accepté de payer près de dix milliards de dollars à Frank Timis, un homme d’affaires sulfureux attributaire des blocs pétroliers Saint Louis Offshore Profond et Cayar Offshore profond.

La BBC rappelle que BP avait acheté les actions de Frank Timis dans un gisement de gaz au large des côtes du Sénégal pour 250 millions de dollars en 2017 et que les documents obtenus ses enquêteurs révèlent que BP versera également à sa société, Timis Corporation, entre neuf et douze milliards de dollars en redevances, soit près de 6 000 milliards de FCFA sur la durée de la concession.

Lors de sa conférence de presse, Aliou Sall s’est évertué à démontrer ce qu’il a appelé le « déséquilibre » et le « traitement à charge » de la BBC qui n’aurait donné la parole qu’à l’opposition radicale et à un ancien collaborateur de Frank Timis en bisbilles avec lui. Le frère du président passait sous silence le fait que la BBC lui a bien offert l’opportunité de se prononcer sur le sujet avant diffusion. D’ailleurs, dans son documentaire, le médium britannique a bien mis en exergue les réponses des avocats du maire de Guédiawaye.

L’acte 2 de ce feuilleton a été constitué par la sortie du président de la République, Macky Sall. Juste après la prière de la Korité, il a assuré mercredi que la vérité sera «rétablie» sur les accusations de corruption contenues dans le documentaire de la BBC, et visant Aliou Sall, son frère. «Je veux indiquer suite à un documentaire, qui a été diffusé par un grand média international, la BBC, sur la gouvernance des ressources pétrolières, au-delà du caractère personnel d’un citoyen qui a été mis en cause ou en tout cas accusé, un aspect qui a un caractère privé, sur lequel je ne peux intervenir, je tiens à ce que la vérité soit rétablie», a-t-il dit.

Il a assuré qu’il ne se laissera pas divertir par les «forces déstabilisatrices basées» à l’intérieur et à l’extérieur. «Le Sénégal est un pays de droit. Nous savons que là où il y a du pétrole, certains vont tenter de déstabiliser le pays. Nous l’avons inclus dans nos plans. Le gouvernement va poursuivre cette affaire. S’il y a besoin de l’amener en justice, nous allons le faire», a déclaré Macky Sall. «S’il faut sanctionner, nous allons sanctionner. Toutefois, nous n’accepterons pas de fausses accusations. Je ne vais jamais déroger à la sauvegarde de l’intégrité du territoire, de la souveraineté du pays, quels que soient les adversaires en face», a ajouté Macky Sall.

Très amer contre les accusations portées à l’encontre de son petit-frère, le chef de l’Etat est allé jusqu’à traiter les concitoyens qui viennent de le réélire, d’hypocrites (nafeeqh) et de fumistes (rambaaj).

L’acte 3 de cette contre-offensive médiatique du camp présidentiel a été constitué par la production d’un mémorandum de sept pages du Gouvernement pour « éclaircir » — embrouiller plutôt ! — l’opinion nationale et internationale sur cette affaire. Une communication de crise portée par la ministre Ndèye Tické Diop Ndiaye et qui fut plus que laborieuse. Une communication, surtout, qui a eu pour effet d’installer davantage les Sénégalais dans la confusion.

Ainsi, pour éteindre le feu allumé par la Bbc et qui s’est propagé au niveau des derricks du géant pétrolier Bp installées dans les eaux du Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie, les sapeurs pompiers de l’Etat ont dû lancer trois assauts contre les flammes. C’est d’abord le soldat du feu Aliou Sall qui s’est porté courageusement au contact des flammes. Devant leur intensité, il a battu en retraite et c’est son frère qui est monté à l’assaut du brasier muni de sa lance à eau à jet puissant. Hélas, lui aussi a été à son tour encerclé par le feu incandescent.

Courageux, mais pas téméraire, Macky Sall a opéré une retraite en bon ordre. Et demandé à une amazone, porte-parole de son Gouvernement, de tenter d’amadouer les flammes. On attendait des Canadair, la bonne dame s’est contentée de lire une déclaration pathétique qui n’a eu, bien évidemment, aucun effet sur les flammes qui ont fini de consumer le pauvre Aliou Sall. Bien évidemment, les nombreux contrefeux allumés par le pouvoir à travers notamment ses médias n’ont servi qu’à le ridiculiser davantage si ce n’est à jeter du pétrole sur le feu. Quant à la BBC, elle doit bien rire des menaces de pour- suites judiciaires brandies contre elle.

Réactions d’accusations et de demande d’enquête
En attendant, de multiples segments de la nation font leurs gorges chaudes de ce scandale. Car c’en est un ! Autant du côté de l’opposition, de la société civile et des Sénégalais de la rue, il est exigé l’ouverture d’une enquête pour une totale lumière sur cette affaire. Une partie de l’opposition dite dure animée par Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko, Mamadou Lamine Diallo, Thierno Alassane Sall, Madické Niang réclame des comptes.

Le Forum du Justiciable, qui avait habitué les Sénégalais à des positions plus courageuses, en tout cas plus tranchées, a choisi d’inviter l’opinion nationale et internationale au respect… de la présomption d’innocence de Aliou Sall, principe fondamental, rappelle-t-il, selon lequel toute personne, qui se voit reprochée une infraction, est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement démontrée.

Le Forum, qui se dit très soucieux de la stabilité sociale du pays et du respect des principes fondamentaux qui gouvernent notre Etat de droit, demande par ailleurs aux autorités judiciaires d’ouvrir une enquête, soit pour protéger nos deniers publics en prenant des sanctions appropriées si les accusations sont avérées, soit pour prendre des mesures tendant à protéger l’honneur d’un citoyen sénégalais si les accusations ne sont pas fondées.

Selon Mamadou Lamine Diallo, Président du mouvement Tekki, la somme de 6000 milliards que devrait empocher Frank Timis dans l’exploitation du gaz de St-Louis pendant toute la durée de la concession aurait pu sortir 1.000.000 de familles de la pauvreté.

L’universitaire Cheikh Tidiane Dièye, coordonnateur national de Plateforme Avenir Senegaal Bi Ñu Begg, ne mâche pas ses mots. Il a dénoncé ce qu’il appelle « la faillite morale d’un président. […]J’invite les acteurs politiques, la société civile, les organisations de lutte contre la corruption et de défense des droits de l’homme, les syndicats et mouvements de jeunes et de femmes, bref toutes les forces vives de notre Nation à se mobiliser, à s’indigner et à s’organiser. Cette effroyable corruption au sommet doit cesser. » Et l’universitaire de s’interroger : « D’autres scandales de corruption en perspective ? ».

Alioune Tine, ex-directeur d’Amnesty International, s’est prononcé dans les colonnes du journal L’Observateur. « Aliou Sall n’en est pas conscient, mais c’est une affaire d’Etat. Ce qui fait que cette affaire soit moins une affaire d’Etat, c’est qu’il démissionne », déclare-t-il.

Pour Alioune Tine, « les dénégations ne sont pas une solution » et il faudra qu’Aliou Sall se mette « à la disposition de la justice britannique et celle sénégalaise ». Les réactions sont loin de s’estomper dans une affaire qui rassemble à une marée noire sans fin. Ou à un incendie pire que le sinistre qui a détruit Notre Dame de Paris et que tentent d’éteindre les pompiers du pouvoir… en jetant du pétrole et du gaz sur les flammes !

Christian SENE

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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