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Pierre-Yves Jeholet veut analyser les 25 millions d’euros placés chaque année dans la coopération

Le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles souhaite que les 25 millions investis chaque année à l’étranger fassent l’objet d’une analyse pour cibler chaque projet sur base de sa réussite

À l’occasion d’une visite de travail de cinq jours au Sénégal, orientée sur la Coopération au développement, le ministre-président Pierre-Yves Jeholet a fait le bilan de cette activité méconnue de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Il souhaite un maximum de transparence dans le secteur, pour que les millions investis chaque année le soient avec un objectif d’efficacité.

Pierre Yves-Jeholet, la Coopération au développement est un département important pour la FWB ?
Toute présence internationale fait rayonner la Fédération Walllonie-Bruxelles et la Coopération au développement fait rayonner nos régions sur le plan sportif, culturel, académique, de la formation, de la recherche et de l’éducation. Nous travaillons selon les cas en direct avec les institutions locales et les acteurs locaux ou à travers des organisations non gouvernementales présentes sur le terrain, comme Plan international au Sénégal. Nos moyens financiers et humains ne sont pas illimités. Nous devons cibler les projets qui pourront avoir de l’effet sur place. C’est le message que je tiens à faire passer aux équipes. Nous devons tout analyser en permanence. Il n’y a pas de honte à avoir parce qu’un projet n’aboutit pas aux résultats attendus. Mais il faut alors réorienter nos moyens sur d’autres objectifs. C’est ce que nous faisons au Sénégal. Nous sommes allés sur le terrain juger si les moyens mis à disposition pour la vaccination, l’émancipation des jeunes Sénégalaises, la lutte contre l’immigration clandestine ou le soutien au système éducatif sénégalais sont efficaces. Il faut de la transparence dans cette matière-là comme dans les autres.

Qu’est-ce que la Coopération au développement représente comme coût pour la FWB ?
En soutien direct et indirect au développement, cela coûte environ 10 millions par an à la Fédération. Il faut y ajouter environ 15 millions de dépenses de fonctionnement sur place (nous comptons une trentaine d’expatriés dans nos délégations à l’étranger et 120 agents locaux). Il faut savoir que l’aide sur place ne constitue pas toujours une demande financière : pour certains projets, les dépenses sont minimes car l’aide consiste en un soutien à l’éducation ou à la formation, comme c‘est le cas pour l’émancipation des jeunes Sénégalaises.

Ou à la mise en contact des associations sénégalaises avec des interlocuteurs belges. C’est le cas pour le projet de vaccination au Sénégal ou la lutte contre l’immigration clandestine via la formation au sport de haut niveau en collaboration avec des clubs de foot belges. Mais, même pour des projets peu onéreux qui demandent plus une aide en moyens humains ou logistiques, il est important d’en assurer le suivi dans un objectif d’efficacité.

Le Sénégal est-il un pays prioritaire pour la FWB ?
Notre coopération remonte à 1988. Nous travaillons avec d’autres pays d’Afrique comme le Congo, le Bénin, le Mali ou le Burkina. Mais l’avantage du Sénégal est sa grande stabilité politique. Nous visons la jeunesse via l’éducation, la formation, l’émancipation féminine et l’accompagnement de micro-entreprises locales parce qu’avoir un avenir au Sénégal est un bon moyen de limiter l’immigration clandestine et de lutter contre les groupes qui pourraient tenter d’attirer la jeunesse vers le djihadisme.

L’avantage de ces petits projets, encadrés sur place par des agents sénégalais formés spécialement pour cela, c’est qu’ils peuvent faire des petits et provoquer un effet boule de neige. Le Sénégal est un pays pauvre. 40 % de sa population a moins de 15 ans et n’a pas beaucoup de perspectives d’emploi. Nous devons aider la jeunesse locale à vivre plutôt qu’à survivre.

La Coopération au développement est-elle totalement désintéressée ?
Ce n’est pas l’objectif premier, elle a des effets bénéfiques pour nous : elle montre sur la carte du monde que Wallonie et Bruxelles ont de l’influence, qu’elles excellent dans certains domaines comme la production de vaccins, par exemple. Quand elle permet de limiter l’immigration clandestine, c’est aussi un effet induit positif. Grâce à nos contacts sur place, nos entreprises peuvent y développer un business en y incluant des projets sociétaux.

La FWB compte 13 délégués généraux à l’étranger. C’est le cas au Sénégal, au Congo mais aussi à Paris ou à Québec. Cela ne fait pas double emploi avec les ambassadeurs ou les agents sur place de l’Agence wallonne à l’exportation ?
Non car nos matières (éducation, formation, coopération…) ne sont pas les mêmes que pour eux. Il est important pour un pays comme le nôtre d’avoir un réseau international complémentaire. Nous devons simplement veiller à ce que nos différences soient bien claires pour les opérateurs locaux. Pour le reste, on constate une grande collaboration partout. Chacun doit faciliter les missions des autres. Il faut éviter toute concurrence ou susceptibilité. Un ambassadeur ou l’Awex peuvent nous aider dans nos contacts et nos missions de formation et enseignement. Mais, grâce à leur carnet d’adresses, nos délégués peuvent aussi parfois faciliter le business.

Cette mission au Sénégal marque le retour après covid des missions de Coopération à l’étranger pour la FWB ?
Oui. Cette année, nous nous rendrons encore au Congo et au Vietnam. Puis au Québec pour notre programme d’échanges en matière de formation, d’éducation et de culture.

Education, formation, foot, business
Enseignement, business et vaccination : un projet de collaboration économique et scientifique ambitieux entre l’université de Dakar, l’ULB et la société carolo Univercells, spécialiste dans la production de vaccins, vise à former du personnel sénégalais à Dakar et à y installer une structure de production pour donner l’autonomie industrielle au Sénégal en matière de vaccins et produits médicaux, qui permettrait de servir également dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. La FWB a signé avec le ministre sénégalais de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et l’Innovation un accord de coopération dans le domaine scientifique et académique.

Foot au Standard et au Brussels
Sport : le ministre-président Jeholet a visité l’Académie de football de Fatick, où une quarantaine de jeunes de 14 à 20 ans se forment au foot de haut niveau, aux métiers parallèles (arbitrage, coaching, stewards…) mais aussi aux langues dans le cadre de l’enseignement secondaire. Le Standard et BX Brussels ont accueilli ou vont accueillir les académiciens qui auront les meilleurs résultats. Ceux qui ne pourront devenir un jour footballeur pro auront les cartes en main pour travailler dans le secteur. Le projet vise à combattre l’immigration clandestine vers l’Europe des jeunes Sénégalais qui rêvent d’une carrière dans un grand club. Parallèlement, les collaborations vont augmenter entre les fédérations sénégalaises et belges de foot, de basket, d’athlétisme et de handisports.

Émancipation féminine : via Plan Belgique, la FWB soutient un plan d’émancipation des jeunes sénégalaises pour qu’elles aient un autre avenir que celui de rester simplement à la maison. Elles sont éduquées par des encadrants sénégalais à leurs droits, sensibilisées à la lutte contre le mariage forcé et les grossesses précoces, encouragées à l’entrepreneuriat féminin. L’expérience passe par la création dans les lycées de clubs de foot féminin, qui leur permet de voir qu’elles peuvent tout faire aussi bien que les garçons et améliorer la lutte pour l’égalité des genres dans la société sénégalaise. La FWB a décidé de doper son aide à ce projet probant en faisant passer le nombre d’équipes de 20 à 34 (680 adolescentes).

Entrepreneuriat féminin : la FWB a signé une convention de partenariat avec l’APEFE et la ministre sénégalaise de la Femme et de la Famille pour encourager et doper les micro-enreprises lancées par des femmes sénégalaises ; 85 micro-enreprises féminines, actives dans la transformation de produits agro-alimentaires (fruits, légumes…) sont déjà accompagnées dans le cadre de ce programme. L’une d’entre elles emploie désormais de 6 à 10 personnes selon la saison et a mis un premier pris dans le marché américain !

Quand la coopération débouche sur le business
La coopération au développement et le business ne sont pas souvent liés. Carmeuse, géant belge industriel actif dans la production de chaux, doit pourtant sa présence au Sénégal au carnet d’adresses de l’ancien Délégué général de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Empêtré dans les lenteurs administratives sénégalaises, le directeur des opérations de Carmeuse sur place, Bernard Ortegat, a décoincé le dossier grâce à l’intermédiaire de Yann Gall, qui l’a mis en contact direct avec l’ambassadeur du Sénégal en Belgique. Depuis février, Carmeuse Sénégal a ouvert ses portes. Un investissement sur fonds propres de 11 millions € (65 emplois sur place) qui lui permet, avec son staff 100 % sénégalais, de se positionner stratégiquement de manière idéale dan des perspectives de développement en Afrique de l’Ouest.

Michel Royer avec la Meuse Sudinfo

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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