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Nettoyeurs de tombes et vendeuses de fleurs: au Sénégal, les petits boulots de la Toussaint

Dans ce pays où moins de 5 % de la population est chrétienne, le 1er novembre est une aubaine pour de nombreux jeunes rompus au monde de l’informel.

Au Sénégal, la Toussaint se prépare depuis une semaine, mais ce sont moins les chrétiens que les musulmans qui s’activent en prévision des célébrations de ce vendredi 1er novembre. Dans ce pays où moins de 5 % de la population est chrétienne, la Toussaint est avant tout l’opportunité de gagner quelques billets pour de nombreux jeunes rompus au monde de l’informel et des petits boulots.

Jeudi, ils étaient une trentaine à circuler dans les allées de Bel-Air, le plus vieux cimetière chrétien de Dakar, à l’entrée d’une zone industrielle. « Demain sera le meilleur jour de l’année », glisse Lamine en frottant ses mains terreuses contre son tee-shirt découpé dans un drapeau sénégalais. Il sait que les riches familles chrétiennes vont se recueillir auprès de leurs défunts. Et il est impensable que la tombe des ancêtres soit plus sale que celle de leurs voisins, c’est une question de rang. « C’est mieux de travailler dans les cimetières chrétiens, parce qu’ils ont des tombes avec du carrelage, de la pierre et parfois même du marbre ! Il y a de quoi nettoyer, alors que les tombes musulmanes, c’est souvent dans le sable », poursuit le jeune homme.

Pour 5 000 francs CFA (7,60 euros), Lamine et ses collègues frottent la dalle à la brosse, ripolinent au chiffon et lavent même à grande eau quand la terre s’est incrustée. Pour quelques francs CFA supplémentaires, Lamine ouvre même son pot de peinture pour repasser les noms et les dates en noir. « On fait ça propre, sourit-il. Mieux que les techniciens du cimetière, qui demandent 15 000 francs CFA par mois pour frotter deux fois. »

« Il y a de la place pour tout le monde »
Face à la demande qui explose en cette période de Toussaint, les techniciens sont bien obligés d’ouvrir les grilles aux nettoyeurs occasionnels comme Lamine, en sachant qu’ils repartiront une fois la fête des morts passée.

Ousmane est l’un d’entre eux. « Il y a beaucoup de morts et de la place pour tout le monde », lance-t-il, zigzaguant entre les stèles, un bidon d’eau et des fleurs en plastique entre les mains. « Des gens viennent du monde entier pour déposer des fleurs et nettoyer les tombes à la Toussaint, souffle-t-il. Ici, beaucoup d’étrangers sont enterrés : des Français, des Italiens, des Suisses, des Anglais, des Vietnamiens… Nous avons même des soldats morts en 14-18. »

A Dakar, la Toussaint est aussi une aubaine pour les vendeuses de fleurs qui s’alignent devant les grilles. Ngone Ndiaye, musulmane comme ses consœurs, vend des tulipes des Pays-Bas et des œillets d’Inde. Mais ce qui marche le mieux, ce sont les fleurs en plastique, plus durables sous les chaleurs sahéliennes. Elle s’attend à l’affluence du vendredi et donne son numéro à la volée pour les grosses commandes.

Le vent de sable vient de se lever. Une fine poussière recouvre les tombes. « Ça nous donnera plus de travail, si Dieu le veut », lance Lamine, qui compte bien profiter à fond de la Toussaint car dès samedi, il devra chercher un autre job. Peut-être machiniste ou repartir dans les mines de nickel en Côte d’Ivoire. « Je me laisserai quelques semaines pour trouver », assure-t-il. En attendant, cette Toussaint s’annonce très bonne pour les affaires.

Par Matteo Maillard

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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