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Le luxe à l’assaut du Metavers

Les grands noms de la mode sont de plus en plus nombreux à explorer le monde virtuel qui annonce le web 3.0. Leurs produits et expériences dématérialisés s’affirment comme des signes de temps nouveaux, toujours teintés d’exclusivité.

Bienvenue dans le monde d’après. En 2022, pas une semaine ne passe sans qu’une griffe n’annonce son incursion dans l’univers du métavers, cet espace parallèle virtuel à fort potentiel créatif et commercial.

Cela vaut bien sûr pour les marques dites « nouvelle génération » mais également pour les géants du luxe qui, à l’instar de Louis Vuitton, Fendi, Dolce & Gabbana, Gucci, Ralph Lauren, Burberry, Prada ou Balenciaga, se lancent dans l’aventure numérique, chacun avec son mode de communication et ses idées. Pour ceux qui n’appartiennent pas à la génération Z, ce phénomène est à première vue assez complexe. On y parle blockchain, NFT, cryptomonnaies, produits virtuels et jeux vidéo…

Concrètement, que fait une maison qui se lance dans le métavers ? Il s’agit avant tout de créer des vêtements, des accessoires de mode, des pièces de joaillerie et parfois même des bouteilles de champagnes numériques – Dom Pérignon l’a fait – à partir de produits déjà existants.

« Les maisons de luxe, parfois vieilles de plus d’un siècle, ont construit leur réputation sur leur savoir-faire et sur des propositions créatives inspirées. La plupart du temps, elles veulent donc conserver cette notion de luxe quand elles proposent des objets dans l’univers immersif. À ce stade, l’idée n’est donc pas de remplacer le réel mais d’offrir la version virtuelle d’un bel objet réel », explique Pierre-Nicolas Hurstel, cofondateur d’Arianee, une plateforme qui conseille les marques sur ce sujet.

Ces produits numériques évoluent sur la toile, généralement entre réseaux sociaux et jeux en ligne. Ces « skins » – puisque c’est ainsi qu’il faut appeler ces vêtements et accessoires fictifs dans le jargon – offrent la possibilité aux joueurs et internautes d’habiller leurs doubles digitaux – des avatars – avec des pièces fortes en allure. Une manière pour les maisons de cibler une nouvelle génération de consommateurs aussi connectée qu’influente, et de communiquer via des canaux plus puissants qu’il n’y paraît.

Ainsi, fin 2021, le géant américain Ralph Lauren lançait une collection numérique de vêtements dédiés aux sports d’hiver, inspirés de la ligne Polo Sport des années 1990. Le tout était exclusivement disponible à la vente sur la plateforme de jeux vidéo Roblox. Une opération qui s’accompagnait d’une expérience digitale : The Ralph Lauren Winter Escape, un jeu permettant aux amateurs de mode d’explorer l’univers de Ralph Lauren dans le métavers.

« Notre incursion dans le métavers constitue un prolongement naturel pour notre marque lifestyle qui, par essence, a toujours eu pour objectif de faire entrer les clients dans les mondes de Ralph Lauren, affirme Alice Delahunt, directrice contenu & numérique chez Ralph Lauren. Notre partenariat avec Roblox s’appuie sur des années d’innovation numérique et souligne notre confiance dans le potentiel des économies et espaces virtuels – en particulier dans notre rapport avec la prochaine génération de consommateurs. »

Il ne s’agit pas d’un cas isolé. En décembre dernier, Louis Vuitton imaginait un jeu virtuel pour célébrer le bicentenaire de la naissance de son fondateur. Sobrement baptisé Louis : The Game, l’expérience mettait en scène Vivienne, mascotte monogrammée, partie à la recherche de 200 bougies d’anniversaire sur fond d’histoire de la maison.

Etaient également dissimulés 30 NFT (ces non fungibles tokens, ou jetons non fongibles, qui équivalent à des titres de propriété d’objets virtuels), dont 10 avaient été signés par l’artiste Beeple, un précurseur du secteur. « Les médias évoluent à une vitesse telle qu’il faut être capable de raconter son histoire en permanence avec de nouvelles façons de communiquer », explique Michael Burke, président-directeur général de Louis Vuitton.

Un monde parallèle à investir
Après avoir séduit le marché de l’art, les précieux NFT, objets de valeur dans le métavers, se sont bel et bien attiré les faveurs du monde du luxe et de la mode.

Dans le désordre, Dolce & Gabbana a présenté « Collezione Genesi », une série de neuf pièces haute couture NFT (trois vestes et un costume pour homme, deux robes, deux couronnes et un diadème) dévoilée à Venise pendant Alta Moda ; Burberry a créé ses propres accessoires NFT en association avec la plateforme spécialisée dans le jeu vidéo Blankos Block Party ; et Gucci vient de lancer « SuperGucci », une collection de 250 NFT qui seront commercialisés en trois temps…

Aussi digitaux soient-ils, ces produits d’un genre nouveau atteignent parfois des sommes astronomiques. Ainsi, la vente des NFT Dolce & Gabbana, qui a eu lieu sur UNXD, une plateforme spécialisée, a rapporté plus de 5 millions d’euros.

Dans ce monde parallèle, chaque maison avance à son rythme et sans perdre de vue son identité. C’est le cas de Fendi qui, au mois de janvier, dévoilait de vrais étuis aux accents futuristes (en aluminium poli) pensés pour accueillir le portefeuille électronique physique de cryptomonnaies de la société Ledger (une sorte de clef USB). « Fendi est synonyme d’innovation et d’artisanat, et nous aimons ‘tromper l’oeil’.

Pour nous, la création concerne autant l’invisible que le visible, c’est pourquoi il est si important pour nous d’embrasser ce futur proche et de devenir un pont entre luxe physique et virtuel. Les codes Fendi appliqués aux dispositifs novateurs de Ledger sont une première étape passionnante. Qui sait où cela pourrait nous mener ? », commente Silvia Fendi, directrice artistique des accessoires et des collections homme.

Au-delà des produits, les grands événements mode n’échappent pas à cette révolution digitale. Lors de la dernière semaine de la haute couture, le créateur Julien Fournié a proposé un opus filmé appelé First Love, dans lequel deux silhouettes avaient été imaginées pour le jeu Pubg Mobile.

Autre cas de figure : fin 2021 outre-Manche, au moment des British Fashion Awards, c’était au tour du British Fashion Council de s’adapter à l’époque en présentant un tout nouveau prix : le Metaverse Design, décerné à cSapphire, un créateur s’exprimant sur la plateforme Roblox. Force est de constater que la jeunesse connectée n’en a pas fini de bousculer les codes établis.

Récemment, Balenciaga annonçait la mise en place d’un département spécialement dédié à ce marché parallèle (le Metaverse Business Unit). Tous les signaux le confirment, le métavers est en passe de devenir le nouveau terrain de jeu et d’expression de l’industrie de la mode et du luxe. Et l’inverse est probablement vrai.

Astrid Faguer

Jean Louis Verdier - Rédacteur en Chef Digital - Paris- Dubaï - Hong Kong dakarecho@gmail.com - Tél (+00) 33 6 17 86 36 34 + 852 6586 2047

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